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mercredi 15 avril 2015
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par Efgé le 10 mai 2010
Paru en 2003. En France, aux éditions 10/18 (janvier 2004).
Comment convoquer à la même table The Avalanches et Led Zeppelin, Suicide et Nelly Furtado, Patti Smith et Rod Stewart, Santana et Soulwax ? Réponse : 31 Songs, recueil en forme de juxe-box hétéroclite dans lequel Nick Hornby livre 26 (et non pas 31) chroniques, essais, singles sur quelques morceaux ayant marqué sa vie émotionnelle, et sa manière d’appréhender la musique, d’être un fan de musique. Attention, pas ici de Top 5 à la manière de ceux définis par les héros de High Fidelity (parce que sinon, I’m like a bird de Nelly Furtado est en troisième position, et ça craint), simplement une collection de chansons, classiques de la pop comme oeuvres intimistes et inconnues du grand public.
Premier écueil : doit-on connaître tous les artistes auxquels Hornby se réfère pour apprécier l’ouvrage ? La réponse est évidemment non : si l’on prend du plaisir à se remémorer, à travers la plume d’Hornby, quelques-unes des sensations que l’on a éprouvées à l’écoute de Springsteen, Led Zeppelin ou Rufus Wainwright, on se prend également à dévorer le bouquin d’une main, et, de l’autre, à pianoter sur son clavier d’ordinateur pour découvrir de quelle musique pouvaient bien accoucher The J. Geils Band, The Bible ou Mark Mulcahy. En ce sens, Nick Hornby devient ce que tout être humain se prétendant connaisseur de musique (et accessoirement, ayant la prétention de pouvoir porter un jugement sur telle ou telle musique) devrait se résumer à être : un passeur* de savoir(s), d’expériences, de sensations, etc.
Parti, le vendeur de disques ronchon de High Fidelity ; égaré, le trentenaire attardé d’About a boy pour qui la musique était un moyen désespéré d’épicer sa vie ; avec cet opus, Nick Hornby nous parle - comme indiqué dans la bio succinte précédent l’ouvrage - en son nom propre des chansons qui ont accompagné sa vie. A travers ces short stories, Nick Hornby livre pour la première fois son intimité la plus secrète (à tel point que certains passages semblent extraits d’un journal intime) : l’autisme de son fils ; son divorce ; la naissance de sa vocation d’écrivain ; sa fascination pour les Etats-Unis, alors qu’enfant, il se morfondait dans une Angleterre dépressive post-Seconde guerre mondiale ; ses angoisses à la sortie de l’adaptation cinématographique d’About a boy... Ces expériences, Nick Hornby les retranscrit avec un style qu’on reconnaît dès les premières lignes, un phrasé détaché, doux-amer et ironique, jamais tire-larmes.
Puisque le but est de comprendre pourquoi l’on reste attaché à une chanson et pas à une autre, Nick Hornby théorise sur la musique : pourquoi elle doit, selon lui, se connecter à l’âme et pas au cerveau (le chapitre Bob Dylan / Beatles) ; l’inévitable platitude des paroles d’une chanson par rapport à la pureté d’une mélodie (Ben Folds Five) ; pourquoi les chansons d’amour sont-elles supérieures aux autres en tant qu’oeuvres intemporelles (DiFranco / Mann) ; pourquoi l’art qui a pour finalité de choquer est une "arnaque" (Suicide / Teenage Fanclub) ; comment un auteur-compositeur peut se sentir dépossédé de son oeuvre lorsqu’elle rencontre le succès populaire (Springsteen)... On peut ne pas être d’accord sur tout, voire qualifier celui qui prend ainsi position de petit bourgeois gnangnan, mais on ne peut pas mettre en doute la sincérité de la démarche.
Et puis, comme toujours chez Nick Hornby, le texte est parsemé d’évocations ou de saynettes pas piquées des hannetons : sa passion adolescente pour les chanteurs de hard rock mangeurs de reptiles (Led Zeppelin), sa playlist incohérente au moment de la perte de son pucelage (Santana), sa méthode toute personnelle de choisir quels disques il ne chroniquera pas pour le New Yorker (The Bible), ou encore son incapacité, en tant qu’homme blanc d’une quarantaine d’années, à danser en rythme (The Velvelettes). Dans un ouvrage qui s’adresse à un lectorat plus "adulte" qu’High Fidelity, les anti-Hornby retrouveront tout ce qu’ils détestent, les pro-Hornby tout ce qu’ils adorent. Personnellement, je fais partie de la seconde catégorie.
* Cf. dans le premier chapitre : "Tout ce que j’ai à dire au sujet de ces chansons, c’est que je les aime, que j’ai envie de les [...] chanter, envie d’obliger d’autres gens à les écouter, et que cela me contrarie quand d’autres ne les aiment pas autant que moi".
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