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Black Holes And Revelations

Black Holes And Revelations

Muse

par Kris le 22 août 2006

1,5

paru le 3 juillet 2006 (Warner Music)

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Mon Dieu ! Mais qu’est-il arrivé à Muse ? Les aurait-on envoyés dans une sorte d’expérience, un laboratoire scientifique pour tester une élaboration de solutions concentrés en musiques et influences sans queues ni têtes, un shaker remplie d’à peu près tout ce qui a pu se créer musicalement depuis vingt ans ? Une des explications plausible serait qu’un gentil fan ait voulu offrir une discothèque remplie de disques divers et variés de ces dernières décennies afin que Muse puisse élargir leurs horizons musicaux et les intégrer à leur propre musique. Louable intention. Mais le souci est qu’ils ont probablement dû tout écouter en moins de vingt-quatre heures chrono, et qu’ils ont tout ressorti pêle-mêle, entrelacés, emmêlés. Car si Muse a pu maintenir l’illusion et susciter l’attention grâce à son premier album Showbiz inégal mais qui valait tout de même un coup d’oreille, les anglais s’enfoncent allégrement depuis avec Origin Of Symmetry, pour finalement toucher le fond avec Absolution, illustration impitoyable de mièvrerie couchée sur CD, impressionnante démonstration de ce que peut causer le trop plein d’effets lacrymales, cette volonté vomitive de toucher à tout prix en rajoutant coup sur coup des couches de plus en plus lourdes de lyrisme flagrants et grossiers.

On n’attendait pas grand-chose du premier single Supermassive Black Hole. Et pourtant quelque chose se produit, quelque chose d’inattendu, une sensation bizarre et malaisée s’insinue durant les premières notes de ce premier single : Muse nous surprend. Alors que l’on attendait plus rien d’eux, voilà qu’il nous sortent les grosses guitares pour infliger une intro lourde et virile AC/DCienne sur un air à la B’52s. Muse se renouvelle. C’est la mode dirait-on, et grand bien leur fasse. (Mal ?)Heureusement, l’illusion là encore ne durera pas, car si la grosse artillerie nous faisait taper du pied, le chant de Bellamy nous fera baisser la tête de dépit. On préférait encore lorsqu’il singeait Jeff Buckley, mais ici le modèle de la pitrerie va plutôt pencher du côté de Prince ou Britney Spears. Une voix coincée et haute, mais qu’il ne maîtrise absolument pas, qui pince, qui grince, quand celle de Prince nous fait vibrer ou celle de Britney nous fait fantasmer. C’est bien beau de vouloir voir loin et se renouveler, encore faut-il avoir les armes pour cela et le savoir-faire pour ne pas tomber dans un cliché bien trop évident.

Cet album se veut bien trop grandiloquent pour le résultat escompté, ce qui montre bien que Muse a la fâcheuse tendance de vouloir trop en faire. On sent les efforts de Bellamy à vouloir faire passer ces émotions et ces sentiments au sein de cette musique, mais n’est pas encore Jeff Buckley qui veut. Un sentiment de bonne volonté se dégage de Black Holes And Revelation mais également un petit arrière-goût d’inconsistance. Comme cette sempiternelle incapacité à donner un ton juste par rapport à la volonté artistique initiale. Muse a voulu bien faire ici en intégrant influences sur influences, variant univers et ambiances. Mais le tout sans finesse, sans nuances, sans cette essentielle musicalité délicate qui se profile même aculée sous des tonnes de riffs et de coups de batteries. Cette ligne directrice, cette empoignade de l’auditeur, cette petite chose qui fait toute la différence, Muse ne l’a pas.

C’est ce qui est d’autant plus rageant avec Muse, que parfois ils semblent capables de bonnes choses, de bonnes chansons. Même si les influences sautent aux oreilles et se dessinent de manière parfois trop flagrantes, certains titres pompent presque intelligemment sur leurs aînés. Map Of The Problematique, titre très Depeche Mode, très portée new-wave, City Of Delusion et Knights Of Cydonia à l’influence d’Ennio Morricone (toutes proportions gardées bien sûr) demeurent les titres intéressants de ce nouveau Muse. En gardant ces trois titres, on pourrait croire que Muse a enfin franchi cette étape qui lui permettrait peut-être d’envisager quelque chose de meilleur. Mais non. Il faut rajouter l’enrobage, où l’on trouve du moyen et du vraiment mauvais. Les deux premiers titres Take A Bow et Starlight sont du Muse pur cru, aucune surprise. Soldier’s Poem par contre plombe à elle seule tout album digne de ce nom, un titre à la puissance telle qu’elle parvient à décrédibiliser ce pseudo-virage artistique de Muse. Tout est encore là, Bellamy qui ne chante plus mais qui susurre ou beugle, des compositions travaillées mais grossières.

Rien n’a changé, Muse a encore du chemin à faire. Black Holes And Revelations n’a de mystérieux que son nom. Maupassant décrivait le personnage principal de son roman Bel-Ami comme un arriviste prêt à tout pour gravir les échelons. L’homonyme anglais du groupe Muse semble avoir tendance à agir de même, vouloir à tout prix atteindre les sommets, tenter un coup de bluff en choisissant des influences trompe-l’oeil et tentant l’exploration de terres musicales inconnues. Cependant, au contraire de Georges Duroy, Bellamy a voulu escalader trop vite et est vite retombé sur ses pieds pour de nouveau emprunter une route qu’il connaît bien. Après un bout de chemin sur cette route, pour notre part, on va se contenter de prendre la prochaine sortie à droite...



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Tracklisting :
 
1. Take A Bow (4’39")
2. Starlight (4’00")
3. Supermassive Black Hole (3’29")
4. Map Of The Problematique (4’19")
5. Soldier’s Poem (2’10")
6. Invincible (4’54")
7. Assassin (3’31")
8. Exo Politics (3’53")
9. City Of Delusion (4’48")
10. Hoodoo (3’42")
11. Knights Of Cydonia (6’03")
 
Durée totale : 45’28"