Pochettes
Blue Monday

Blue Monday

New Order

par Dumbangel le 25 mai 2010

paru le 7 mars 1983 (Factory Records) Ref : FAC 73

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C’est une première dans l’histoire de la rubrique. Celle du décryptage d’une pochette d’un single et non d’un album. C’est que destiné à l’origine uniquement pour les DJs des clubs et de part la durée de chacune des faces, Blue Monday ne fut disponible uniquement qu’en format 12-inch. [1]. C’est ainsi que le morceau peut s’enorgueillir de cette fascinante et sublime pochette au format 33 tours. Représentant une obsolète disquette souple informatique 4-inch, jamais aucune pochette de disque ne fut en si totale adéquation avec son contenu, et vice-versa, à part peut-être celle de la Metal Box de PIL. Mais on y reviendra plus tard.

En 1982, New Order, construit sur les cendres de Joy Division après le suicide de leur leader, trouvera enfin sa voie après les errances de leur premier album avec leur single Temptation. Son successeur, Blue Monday marquera le début d’un véritable renouveau pour le groupe, presque une renaissance pourrait-on dire. Enregistré sous haute consommation de LSD aux fameux studios Britannia Row de Pink Floyd, le single assurera la renommée du groupe et surtout celle de son label Factory Records. En étant la meilleur vente de maxi de tous les temps (on parle de près de 1 millions et demi d’exemplaires de vendus), la chanson restera dans les annales de la pop moderne. En 2003, le magazine anglais Q Magazine classera même la chanson neuvième chanson la plus influente de tous les temps, seule chanson dance à figurer parmi le top ten de ce classement.
Un fan et son exemplaire.

Influencé directement par des morceaux de Donna Summer, Africa Bambataa, Kraftwerk et d’un obscur mix italien de Dirty Talk de Klein & MBO, le groupe s’inspire de ce qui se passe sur la scène londonienne du moment comme le confirme Bernard Sumner, chanteur du groupe : « Dans les clubs londoniens, j’ai commencé à entendre cette dance music où les gens essayaient d’obtenir cet effet strict de musique séquencée avec des boucles à partir de bandes et de batteries jouées en live. Ils faisaient de la musique comme Blue Monday, mais avec des boucles et de vrai instruments. Donc je me suis juste dis, si nous utilisions nos synthétiseurs, nous pourrions utiliser des machines pour faire les mêmes choses que ce que ces gens faisaient. Voilà d’où vient Blue Monday. Nous faisions consciemment de la musique sur laquelle vous pouviez danser, même si nous n’en faisions pas autant. Quand nous étions dans Joy Division, les gens n’allaient pas dans les clubs pour danser, mais pour donner des coups de têtes aux gens ».
La disquette

C’est l’un des objets accompagnant l’une de leur machine (un sampler Emulator pour être précis) ayant servi à la création du disque, qui va être la source d’une partie de l’inspiration de la pochette de Blue Monday.
Alors que Peter Saville, designer pour le label Factory, passait voir le groupe dans leur salle de répétition de Cheetham Hill, il est intrigué par ce mystérieux objet qui était utiliser par l’Emulator pour conserver les données des pistes séquencées de Blue Monday : une disquette souple 4-inch. À tel point qu’il demande à Stephen Morris à voir l’objet en question : « Stephen, laisse moi voir ça, c’est fantastique. Puis-je avoir cet objet fascinant ? » Alors qu’il repart en voiture du studio et s’écoute Blue Monday avec la disquette posée sur la place du passager à coté de lui, lui vint l’idée lumineuse : « Cette musique était séquencée, informatisée et là était placé à côté de moi le symbole de ce qu’ils avaient réalisé. Donc, comme quand l’artiste pop-art Claes Oldenburg produisait des grandes sculptures d’interrupteurs, j’ai pensé que je pourrais produire une grande disquette souple 12-inch ».

La légende dit que la pochette était si coûteuse à produire que Factory perdait entre 2 pounds et 1£ pour chaque exemplaire vendu. Ce qui fut certainement vrai sur les premiers pressages du disque rapidement écoulé, mais pas sur tous les exemplaires suivants, car il s’en vendit tellement et en de grosses quantités que la série de pressage qui suivit fut de bien moindre bonne qualité, sans la pochette intérieur et les découpes imitant la disquette souple ce qui aura le don d’énerver son créateur : "C’était merdique, j’étais embarrassé. La beauté de la pochette était dans les détails, donc une fois ces détails enlevés, ce n’était plus rien."

Le nom du groupe et du morceau sont quand à eux absents, rendant ainsi d’autant plus énigmatique l’objet qui ne l’est déjà. Enfin non, ce n’est pas tout à fait vrai. Ils sont là. Mais où, allez vous me dire ? Sur la tranche du disque ? Non. Où ça alors ? Ben, en fait, Peter Saville les a tout simplement dissimulé et représenté par les carrés de couleur placés à la droite de la pochette. LE designer en a l’idée alors que New Order lui avoue que leur prochain album s’appellera Power, Corruption And Lies, titre qui évoque tout de suite à Saville de vagues idées d’intrigues politiciennes de l’Italie de la renaissance, directement influencé par un feuilleton de la BBC diffusé à l’époque The Borgias.

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La pochette de Power, Corruption And Lies

Et surtout cela déclenche en lui une idée plus qu’intéressante. Faire se télescoper le classicisme et les nouveaux procédés d’informatisation de l’information. Il s’imagine alors un archiviste dans un musée regardant de vieux tableaux de portrait, non en parcourant de poussiéreux corridors mais en parcourant une base de donné informatisée. Les images dans les archives étant de simples représentations diffusées via l’iconographie du système d’exploitation, une forme de technique moderne de codage à côté de quelque chose de classique.

La pochette de Power, Corruption And Lies est le plus parfait exemple avec sa couverture illustrée par une peinture classique de l’artiste français Henri Fantin-Latour côtoyant l’alphabet typographique couleur imaginé par Saville et qui sera repris donc sur la pochette de Blue Monday ainsi que celle du single Confusion. Le verso de la pochette du LP révèle quand à lui la clef permettant de déchiffrer ce mystérieux code sous une forme d’une roue de couleur auquel elle fait correspondre à chaque couleur une lettre. Ainsi le rose est la lettre F, le vert la lettre A etc... les textes pouvant être ainsi décryptés sans problème. Avec son dos reprenant les caractéristiques d’une disquette, la pochette de Power, Corruption And Lies fait indéniablement écho à celle de Blue Monday.

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Le code couleur placé en verso de Power, Corruptions and Lies.

Alors que l’objet à partir duquel elle fut créée, symbole du futur, est à présent regardé comme une curiosité obsolète, la pochette garde encore toute son aura de mystère et son sens, tout comme la musique qu’elle contient. L’ironie du sort poussera l’anachronisme à son comble en rendant, le contenu qu’elle renfermait toujours d’actualité, que ce soit du support utilisé (le vinyle toujours bien vivant) ou bien le morceau en lui même, alors que l’objet qu’elle symbolise n’est ni plus n’y rien qu’une relique du passé.

Il est difficile à dire si la pochette fut l’une des clefs du succès de Blue Monday. Certainement pas, mais elle contribuera grandement à la mystique qui entoure, encore plus de 20 ans après sa création, l’objet auquel certain vous un vrai culte. En témoigne le très sympathique bluemondayownersclub.com, site web où des propriétaires du célèbre maxi aiment poser en compagnie de leurs exemplaires de Blue Monday.

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Cliquez pour agrandir


[1Le 12-inch est un vinyle au format 33 tours mais tournant en 45 tours. D’où un pressage comportant des sillons très larges, garantissant ainsi un son de haute dynamique, adapté aux discothèques et clubs, chose impossible sur un 7-inch, surtout avec un morceau de la durée de Blue Monday (plus de sept minutes au compteur)

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Face A : Blue Monday (7’29’’)
Face B : The Beach (7’19’’)

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