Concerts
Bonnie 'Prince' Billy

Paris (Le Trianon)

Bonnie ’Prince’ Billy

Le 19 mars 2007

par Aurélien Noyer le 27 mars 2007

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Bonnie ’Prince’ Billy à Paris, ça ne se manque pas. Même si vous ne connaissez pas la longue discographie de Will Oldham, alias Palace, alias Palace Music, alias Palace Brothers, alias Palace Songs, alias Bonnie ’Prince’ Billy. Même si vous la connaissez mais que vous n’appréciez pas plus que ça. Il faut entendre Will Oldham en live, ne pas contenter de ses albums. C’est ce dont j’étais persuadé en prenant ma place pour ce concert et la suite m’a montré que j’avais raison.

On passera rapidement sur la première partie assurée par Sir Richard Bishop. Une première partie qui avait bien commencé avec deux freak folk songs bien déjantées (dont une sur "comment pendre les prédicateurs" particulièrement drôle), mais s’est ensuite englué dans des instrumentaux vaguement jazzy. Voir un mec seul qui trippe sur sa guitare, c’est sympa, d’autant qu’il ne jouait pas si mal, mais c’est aussi totalement vain. On attend donc poliment l’arrivée du Prophète...

Car c’est peu dire que Will Oldham a des allure bibliques. Chauve sur le dessus du crâne, touffes de cheveux hirsutes sur les côtés et barbe d’ermite fou qui lui mange le visage, l’homme arrive enfin, seul avec sa guitare, esquisse quelques gestes timides, s’assoie face à son micro, attaque la première chanson et emmène son auditoire ailleurs. Un voyage d’une heure et demi aux confins du folk et de la country. Pourtant, le mec est seul avec sa guitare et encore, c’est peu de dire que son jeu est limité (d’ailleurs, il s’en excusera entre deux chansons). Mais Will Oldham a LA voix, celle qui est tellement chargée d’émotions que vous pouvez ressentir des frissons vous parcourir les bras. Alors, même si sa voix en studio est belle, ce n’est rien comparé à ce qu’elle dégage sur scène. Voir Bonnie ’Prince’ Billy sur scène, c’est admettre l’évidence : ce mec est du niveau d’un Johnny Cash, d’un Nick Drake ou d’un Elliott Smith. Il est possédé par ses chansons. Et lorsqu’il explique s’immerger totalement dans le chant, à en perdre tout lien avec la réalité, on le croit sur parole. Une seule chanson suffit à s’en rendre compte.

Et tout réservé qu’il puisse paraître, Will Oldham n’en aime pas moins parler à son public. Mais contrairement à certains excités au verbiage incontrôlable, il se contente de présenter ses chansons sobrement, avec juste ce qu’il faut d’humour et de détachement pour ne pas se prendre trop au sérieux. Malgré ça, à le voir aussi timide, il est étonnant de penser qu’il a récemment fait de la stand-up comedy. Mais l’important n’est pas là. Les bavardages, le jeu de scène, Will Oldham n’en a cure. Ce qui compte, c’est la musique. C’est pour ça qu’il était sur la scène du Trianon, seul avec sa guitare (et une violoniste qui est venue le rejoindre sur trois morceaux). C’est pour et par la musique qu’il touche le public et atteint parfois le sublime. Je pourrais essayer de vous expliquer ce que l’on ressent à l’écouter chanter, mais je serais alors obligé d’user de métaphores foireuses, incapables de rendre justice à la beauté de ce chant.

Malheureusement pour les amateurs de set-lists précises, ma méconnaissance de la discographie du bonhomme m’empêche de citer les chansons qu’il a joué ce soir-là. Mais j’en ai retenu au moins trois qui m’ont vraiment impressionné : une chanson de l’album Only The Lonely de Sinatra, une chanson qui devrait s’appeler John The Baptist (du moins, son nom est suffisamment répété dans la chanson pour que vous la reconnaissiez si vous la connaissez) et surtout son superbe I See A Darkness que Johnny Cash avait enregistré en duo avec Bonnie ’Prince’ Billy. La version de ce soir était d’ailleurs encore hanté par l’Homme en Noir, toute en retenue mais débordant d’émotion brute.

À la fin d’un rappel permettant de retrouver Will Oldham, sa charmante violoniste et Sir Richard Bishop sur scène, on se lève de son siège, une heure et demie s’est écoulée depuis que les lumières se sont éteintes. Ça aurait tout aussi bien pu faire trente minutes ou trois heures. Bonnie ’Prince’ Billy, sa voix et sa présence m’ont accompagné tout le long de mon retour et encore maintenant, je l’entends chanter I See A Darkness... et encore maintenant, j’en ai les larmes aux yeux.



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