Interviews
Cocosuma

Cocosuma

par Arnold, Giom le 29 juin 2005

Jeudi 16 juin 2005, autour de 18 heures, Arnold et moi débarquons dans les locaux de Third Side Record pour y interviewer Chimo, membre de l’ex-trio, maintenant duo mais qui redeviendra sûrement trio, parisien Cocosuma qui vient juste de sortir son nouvel album We Were A Trio. Munis de questions plus ou moins intelligentes, nous nous installons sur la banquette de l’entrée avec un verre de coca généreusement offert par Chimo et nous partons pour près de deux heures d’interview fleuve...

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B-Side : We Were A Trio est sorti depuis une semaine, as-tu eu des échos de cette sortie ?

Chimo : Ca fait maintenant deux mois que la promo de l’album est entamée et on peut dire qu’on a eu de très bons retours. Ce qui est étonnant, c’est que cet album n’aurait jamais dû exister puisqu’il est dû à un accident de parcours du groupe avec le départ de Kacey qui est retournée en Suède. En fait, elle était rentrée voir sa famille pour Noël en 2004 et elle nous a appelés de Suède en janvier, quatre jours avant un concert à la Maroquinerie, nous disant que, comme elle avait décidé de rester là-bas, sa présence dans le groupe allait être problématique. Ca nous a vraiment stoppés net sur une lancée ! On s’est retrouvé comme des cons puisque la tournée qui devait suivre la sortie de notre deuxième album commençait en mars. On a alors décidé de tout arrêter pour l’instant et il nous fallait trouver une autre chanteuse. En même temps, on avait tous ces titres, certains dataient de Reindeer Show The Way, d’autres avaient été faits en décembre et on les trouvait super. Ca n’aurait pas eu de sens de les réenregistrer avec une nouvelle chanteuse. On s’est alors dit qu’on allait sortir un disque et les choses se sont mises en place comme par enchantement, le titre de l’album est venu alors, répondant au message suivant : « Voilà, on était trois, ceci est notre histoire... ». On voulait que le disque sorte très vite pour qu’on puisse tourner la page. Tout collait alors, on a trouvé un texte pour le livret de l’album, tout s’est assemblé et au final et on s’est retrouvé avec un vrai album, racontant une vraie histoire, extrêmement cohérent et dont on est assez fier. Beaucoup de gens nous ont dis que c’était leur album préféré de Cocosuma alors qu’au départ çà ne devait être q’une compilation de morceaux. En plus, ce disque nous a ouverts des voies vers une musique plus personnelle, plus spontanée. Enfin, tout ça est d’autant plus frustrant q’on ne peut pas défendre l’album sur scène et que Kacey n’est plus là. Chab disait un truc assez drôle, dans une interview, il disait que quand Kacey a annoncé qu’elle quittait le groupe, il n’y a pas cru car pour lui, ça ne pouvait pas s’arrêter là et que c’était vraiment le début de quelque chose de plus fort et plus personnel. Pour lui ce n’était pas logique et il a vraiment cru qu’elle allait revenir. Elle ne pouvait pas partir puisque ce qu’on avait commencé n’était pas fini. Comme si on avait une mission...(rire)

BS : Kacey avait une motivation particulière pour quitter le groupe ?

Chimo : Non, en fait, elle a un peu tout lâché et elle est retournée chez ses parents en Suède. Je pense que c’était une décision personnelle et que ce n’était pas vis-à-vis du groupe. Elle est super jeune, elle a 22 ans, je lui disais : « A 22 ans, quand tu es doué pour quelque chose, tu le fais et tu réfléchis après ! » Elle en a décidé autrement. Aux dernières nouvelles, elle était en train de faire une expédition dans le grand Nord. A la recherche de quoi ? Je ne sais pas...(rire)

BS : On se la joue Rock & Folk : Stones ou Beatles ?

Chimo : Beatles forcement, on est beaucoup plus proche d’un sens mélodique et d’une recherche de sonorités des Beatles plutôt que de l’énergie R. & B. des Stones. J’ai toujours aimé les Beatles. Ils ont eu une carrière beaucoup plus courte que les Stones et on est donc sur quelque chose de beaucoup plus précis et fort. Il n’y a pas de raté ! J’ai beau connaître les albums par cœur, je redécouvre des trucs régulièrement. Les Stones c’est cool, mais les Beatles ont révolutionné la musique et ont tout inventé pour les trente prochaines années. Récemment, je réécoutais un album solo de McCartney de 1980. Il y a un morceau totalement électro avec un vieux synthé et une boite à rythme. C’est incroyable tellement c’est moderne et si quelqu’un l’avait fait, il y a six mois, on aurait crié au génie. Enfin voilà...Mais les Stones pour moi, c’est plus une énergie et une attitude. Quand tu regardes des images de Jagger jeune, c’est fascinant, il se passe un truc. Mais les Stones c’est plus rock et les Beatles plus pop. Pour ma part, j’ai toujours été beaucoup plus pop.

(passage express de Chab qui répond à son tour) : Les Stones évidemment ! Enfin disons les Beatles en studio et les Stones sur scène. Ils sont quand même beaucoup plus Rock’n’Roll que les Beatles. Ils sont beaucoup plus class que les Beatles.

BS : Le dernier morceau de l’album (Two Cannot Be One) sonne vraiment prog-rock, vous en écoutez ?

Chimo : Merde ! On n’a jamais écouté de prog-rock de notre vie. Ca me fait toujours marrer quand on me demande si des morceaux font référence à certains artistes alors qu’on les a jamais écoutés de notre vie. Enfin c’est assez drôle car ce dernier morceau on a eu la chance de l’enregistrer aux studios Gang à Paris où les meilleurs sont passés. Il devait être assez tard et il nous restait une heure. On avait ce thème qu’on avait déjà joué en répètes...On s’est mis à deux au piano avec Kacey, on avait notre batteur et Chab était à la guitare. On est parti comme ça sur vingt minutes d’impro ! Kacey adorait ce morceau car elle a toujours aimé la musique un peu impromptue et libre. Elle a insisté pour qu’on le mette sur le deuxième album, ce qu’on n’a pas fait à l’époque. Là, on s’est dit qu’il fallait le mettre. En plus, on finit sur un morceau instrumental, ça a un côté un peu symbolique, mais elle joue dessus, on ne l’a pas fait après ! Mais non, sinon, pas de prog-rock !

BS : On se la joue Jean-Pierre Koff, rillettes ou pâtée ?

Chimo : Rillettes, à priori. Pâtée c’est un peu monobloc. Cocosuma c’est quand même un peu plus Rillettes, c’est un peu filandreux et y’a plein de trucs à découvrir dedans. Mais enfin bon, contrairement à Cocosuma, les rillettes, point trop d’abus ! Mais récemment, j’ai tenté andouillette plus aligot (pommes de terre avec du cantal dedans), bon, ça m’est resté sur l’estomac mais c’était super bon, je le conseille !

BS : Il y a une reprise sur l’album, Courtyard, de Bobbie Gentry. Tu peux nous parler de cette artiste peu connue des rédacteurs de B-Side ?

Chimo : Pas trop. Je la connaissais assez peu et le fait qu’on ait enregistré une reprise d’un de ses morceaux est un bon exemple du côté imprévu du dernier album. Un jour en studio, David, le boss du label, avait amené ce disque de Bobby Gentry où il y avait ce morceau merveilleux. On s’est donc dit : « Voilà, c’est l’occasion de faire une reprise ! ». Mais Bobby Gentry, je ne connaissais pas plus que ça mais c’est une artiste blanche qui a fait un seul énorme tube qui s’appelle Ode to Billy Joe avec une intro de violon absolument incroyable. C’était un peu une sorte de Dustin Springfield mais plus du Sud. Elle mélangeait un peu la pop américaine, forcement avec des influences country, avec des choses un peu plus soul. Mais c’est vrai qu’elle est très peu connue. En tout cas je suis emmerdé car c’est peu-être mon morceau préféré de l’album et c’est pas nous qui l’avons écrit ! Mais sérieusement, je conseille à tous vos lecteurs d’aller jeter un coup d’œil à la discographie de Bobby Gentry.

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Chimo

BS : On se la joue Karl Lagerfeld, slip ou caleçon ?

Chimo : C’est super drôle parce qu’on en parlait tout à l’heure en studio. Pas si cons que ça vos questions cons ! Caleçon forcement, c’est plus class ! J’ai que des caleçons blancs et je suis assez beau avec, en plus, ma petite amie me préfère avec. Slip ça a un coté un peu coincé et j’aime bien être libre de mes mouvements. Enfin, on m’a dit qu’il fallait faire gaffe aux caleçons, que ce n’était pas forcement bon que ça se ballade comme ça...Mais pour la liberté du truc, je préfère le caleçon. On est des garçons foncièrement libres !

BS : On a trouvé très peu d’infos sur ta rencontre avec Chab, comment ça s’est passé ?

Chimo : Bon, je vais vous balancer un énorme cliché mais on s’est rencontré au collège. Il est arrivé en 4ème dans ma classe et à l’époque, on ne faisait pas encore de musique. Ce qui nous à rapproché à l’époque ; c’était les jeux de rôles, on jouait à Donjon et Dragon, il faut bien que jeunesse se passe ! Pour ce qui est de la musique, lui a commencé à jouer de la guitare très tôt et moi beaucoup plus tard, à vingt ans en fait, au début j’étais plutôt à fond dans le cinéma. Mais le jour où je me suis rendu compte que pour faire un film, il te faut 150 personnes et trois ans de travail, je me suis alors dis qu’en deux minutes, avec une guitare, tu peux faire tout seul la plus belle chanson du monde et donc émouvoir des gens de façon beaucoup plus simple. Mais Chab jouait déjà dans un groupe à l’époque qui s’appelait les Yachines...Moi j’avais un groupe au début qui n’a pas duré longtemps mais qui s’appelait Cocosuma. Et, à un moment, je me suis retrouvé tout seul avec mon nom de groupe. J’ai recommencé tout seul et, alors que je bloquais, j’ai appelé Chab en lui demandant s’il ne pouvait pas m’aider sur un morceau. Il n’avait plus de groupe à l’époque, il m’a donc aidé sur un morceau, sur deux, on a fini l’album ensemble et c’était parti ! Quant à Kacey, on avait passé une annonce dans l’église suédoise où elle chantait...

BS : Ca a du vous faire un sacré choc parce qu’elle a vraiment une voix incroyable !

Chimo : Elle a une super voix, c’était un peu la class ! C’est assez drôle parce que c’est David, le patron du label, qui l’a vue la première fois. Il m’a appelé chez moi en me disant : « Je suis avec une chanteuse suédoise ». Il m’a fait écouter sa voix au téléphone, elle chantait un morceau de l’unplugged de Nirvana. J’ai dit oui direct. Ensuite on l’a vue et au bout d’une heure de répète tout collait. C’est vrai que je continue à aimer beaucoup sa voix et quand elle chante, il se passe des vraies choses. Ce qui me plait c’est qu’elle n’est pas forcement très technique et c’est ce que j’aime bien dans Cocosuma, c’est cette simplicité dans le chant pour obtenir une vraie proximité avec les gens qui écoute, tu vois qu’on s’imagine pas qu’on est un groupe en haut d’une montagne avec une chanteuse inaccessible. On est sur des émotions assez simples avec des textes en apparence aussi simple, même si j’essaye d’en soigner l’écriture pour qu’il y ait au moins plusieurs sens. On veut vraiment développer une sorte « d’enveloppe formelle » assez accessible pour emmener l’auditeur vers d’autres choses qu’il n’attendait pas, certaines structures alambiquées ou des textes qui peuvent paraître simples ne le sont pas...Et la voix de Kacey représente vraiment ça, elle est simple tout en étant profonde, il y a pas d’effets techniques, pas de trémolos dans la voix. C’est aussi ce qu’on veut retrouver dans l’instrumentation, quelque chose qui tente de coller à la mélodie. C’est un peu comme les Beach Boys, qu’on écoute beaucoup. En apparence, c’est très simple mais quand tu décortiques, t’as plein de changements d’accords et de tonalités seulement tu ne l’entends pas. C’est pas comme le prog-rock où ça sent la technique, l’effort, le studio...moi j’aime bien la spontanéité même si c’est vrai qu’en studio c’est difficile de capter un truc qui a priori n’est pas captable. Pour Cocosuma, le travail de studio est important, mais à aucun moment on veut que ça se sente, on veut que ça coule...

BS : On se la joue Looney Tunes, Beep Beep ou Coyotte ?

Chimo : Beep Beep, ouais, à fond ! Il est peut-être un peu bête mais c’est sa naïveté et sa confiance dans la beauté du monde et dans les pierres qui lui tombent dessus qui le rend attachant. Cocosuma, on est plutôt Beep Beep déjà au niveau des sorties d’albums puisqu’on en sort deux en six mois ce qui est déjà pas mal et en général on préfère que ça aille vite même si on se trompe. Je pense qu’il faut que ça aille vite et que tu réfléchisses à ce que tu fais après. Si tu fais des erreurs, je pense que l’essentiel c’est de te rendre compte que tu les fais et d’essayer de ne pas les refaire. Coyote, il réfléchit beaucoup mais à la fin ça tombe toujours un peu à plat.

BS : Quelles sont vos références littéraires ou cinématographiques ?

Chimo : Écoute, je ne peux pas répondre comme ça ! Y’a trop de trucs ! Pour rester dans des choses un peu récentes, Le Seigneur des Anneaux reste, et pour Chab et pour moi, une énorme claque. On a lu le livre quand on était des gamins, et pour moi, c’est juste le livre parfait. Il y a cette quête initiatique, il y a une histoire d’amitié, une histoire de pouvoir, un monde qui est à mille lieux du tiens mais en même temps qui te parle beaucoup...C’est un truc merveilleux qui te fait complètement partir et l’adaptation a aussi été une énorme claque puisque le réalisateur a réussi à faire quelque chose de super personnel tout en étant assez fidèle au livre. On redevient comme un gamin ! Tandis que pour le dernier La Guerre des étoiles, ça ne m’a pas fait du tout ça...Mais c’est vrai que le cinéma a été ma première passion et il m’arrive, quand je regarde un DVD, de prendre ma guitare et de jouer en même temps que le film. Par exemple, j’ai composé un morceau du deuxième album, Sparks, en regardant une scène de La Ligne rouge. A la fin du film, j’avais ma chanson et mes paroles. Mais bon, j’ai pas vraiment d’influences, je peux pas dire : « Cocosuma, c’est tel livre... ». Récemment un livre que j’ai beaucoup aimé, c’est Tout est illuminé d’un américain, Jonathan Safran Foer. Sans mauvais jeu de mots, c’est lumineux ! C’est à la fois très beau et très triste. C’est un peu ce qu’on veut faire avec Cocosuma, quelque chose de beau et triste à la fois, on essaye de faire passer du rire aux larmes sur trois minutes. On veut que les choses ne soient pas toujours très claires. Il faut que tu ais besoin d’y revenir deux-trois fois pour comprendre ce qui s’est passé. J’aime bien cette idée de mélange des émotions. Sinon au cinéma, j’ai vu récemment Last Days. Ce film ne te fait pas crier au génie mais il reste dans ton esprit et te fait repenser à des trucs longtemps après. J’aime bien ce type de réalisateur qui fait des plans larges et qui laisse le spectateur aller chercher lui-même les détails. Je trouve ça plus respectueux de la personne qui va voir le film.

BS : On se la joue puriste : vinyle, CD ou MP3 ?

Chimo : Tu connais forcement la réponse : vinyle pour pleins de raisons ! Parce que ça craque, ce n’est pas parfait, c’est un bel objet. Et puis ça sent quelque chose. C’est grand, c’est beau ! C’est pas dans un petit carré de plastique de merde. Le CD, c’est moche, ça sent rien et le son est moins riche. On essaye toujours de soigner nos objets même si ça coûte plus cher au label et on sort des CD parce qu’on est en 2005 et qu’on veut être écouté. Le MP3 c’est différent. Le son est infâme, c’est un format de merde, totalement compressé, très agressif...Mais ça a un côté partage qui est fantastique mais le format en lui-même est hyper moche Ca a aussi un côté zapping qui mène à la surconsommation. Avant j’achetais un disque et je l’écoutais pendant trois semaines tous les jours. Maintenant, tu n’as plus le temps d’aller à fond parce que t’es bombardé d’infos et de musique et c’est un peu dommage. Mais il y a un côté gratuit de la musique qui est assez cool. Mais oui, au risque de paraître réactionnaire, le vinyle, évidemment.

BS : Le verbe au passé de We Were A Trio, c’est la fin d’un cycle ou la fin de l’aventure Cocosuma ?

Chimo : Cocosuma, ça ne peut pas être fini maintenant. On a juste une sorte de malédiction qui fait que tous les deux albums la chanteuse quitte le groupe. Mais Cocosuma ça reste à la base Chab et moi qui faisons les morceaux même si avec Kacey, il y avait cette velléité de construire quelque chose à trois. Mais au départ, l’album a faillit s’appeler We Are A Trio mais ça avait été écarté. Il y a même un morceau éponyme sur l’album qui, aussi au moment où on l’avait enregistré à l’époque, s’appelait aussi We Are A Trio. Parce que sur la fin, il y avait un vrai travail à trois dans la réalisation des morceaux. Kacey a pris de plus en plus de place et on adaptait vraiment les arrangements en fonction de sa voix. Ce qui est bien avec le fait d’avoir une chanteuse, c’est, je pense, que beaucoup de filles aiment Cocosuma. Ce n’est pas sans me déplaire. J’aime bien ce côté un peu sensible. Chab et moi sommes d’ailleurs des personnes un peu « fleur bleue ». On va maintenant chercher une autre chanteuse, on va passer quelques annonces...

Dernière question : B-Side ou pas B-Side ?

Chimo : B-Side évidemment ! Si j’étais à la radio je vous ferais une dédicace ou un jingle ! (rire)

Propos recueillis par Giom et Arnold, We Were A Trio sortie le 7 juin 2005.



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