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Conférences de presse de la 1ère Route du Rock - Collection hiver

Conférences de presse de la 1ère Route du Rock - Collection hiver

par Our Kid le 28 février 2006

La Route du Rock ou comment disposer d’une autorisation pour assister aux conférences de presse !

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Arrivé sur place le vendredi après-midi, je me démène tant bien que mal pour ne pas manquer le début des conférences de presse prévues avant le coup d’envoi des festivités, soit avant 15 heures. Après avoir effectué un petit tour dans le Palais du Grand Large pour m’informer sur le déroulement des conférences et de l’ordre de passage du jour des artistes, je m’absente pour régler une procédure logistique.

Malheureusement, cela me prend un peu plus de temps que prévu et je manque le premier groupe : The Duke Spirit. Déception, évidemment, mais n’ayant pas trop le temps de me lamenter, je vais me restaurer avant de commencer réellement le travail, à savoir, participer à l’intervention orale de The Earlies à 15 heures :

The Earlies

Surplombant la plage du haut du Palais du Grand Large, la salle de conférence sonne un peu creux au moment où deux personnes prennent place parmi les six fauteuils. Pour leur rendre le moment agréable, trois canettes d’Heineken sont disposées sur une table, ce qui s’ajoute au verre de vin apporté par l’un des musiciens. Il semblerait qu’une personne du groupe manque à l’appel puisque retardée aux toilettes. Vu le peu d’assistance, on m’invite à prendre place parmi les artistes, bien sûr, j’accepte...

Brièvement, The Earlies est un groupe basé entre Manchester et le Texas. Fondé en 2002, le quatuor a longtemps été contraint de travailler à distance, vivant misérablement mais l’esprit bourré d’idées. Le groupe s’échangeait les idées et les mélodies par courriers postaux !
En concert, The Earlies ont acquis une solide réputation, s’étoffant d’une demi-douzaine de musiciens pour habiter leur pop entêtante et bizarre.

Présentation du groupe donc avec Christian aux claviers, Brandon le chanteur et Giles qui travaille sur ordinateur. Tous souriants, les trois se prêtent volontiers aux questions.
À les entendre, l’histoire du groupe est simple : « Il y a environ deux ans, on était un groupe de scène puis on a signé un contrat et on est donc entré en studio » .
En ce qui concerne les influences qui caractérisent la musique du groupe, il faut retenir une période en particulier « les sixties avec The Byrds, The Beach Boys mais également des morceaux électroniques du label 4AD, Human League mais surtout le rock progressif ». Sur ce point, Giles explique que The Earlies ne veulent pas recréer les 60’s donc ils n’utilisent pas de son analogique. Par contre, lui et Christian collectionnent des claviers d’époque « des Fender Rhodes, Moog en assez bon état ».

Un deuxième disque est actuellement en chantier avec neuf musiciens. Il devrait sortir d’ici la fin de l’année. Encore une fois, la réalisation du disque pose problème, les musiciens ont travaillé récemment chacun de leurs côtés (Brandon était à Los Angeles, les autres en Angleterre) via Internet. « On prend vraiment du plaisir en studio, donc tout va bien », rappelle Giles. Musicalement, le disque sonnera plutôt « post-pop » le prog, pour eux, c’est « Can, Neu !, Faust, Spooky Tooth, Magma... ». La bonne humeur est toujours au rendez-vous et une digression intervient à propos de Cat Power dont la chanteuse aurait été emmenée à l’hôpital lors d’un concert à Paris...

La discussion s’oriente de nouveau sur la musique des Anglo-Américains. Christian nous confirme que le label leur fait confiance et leur permet d’expérimenter, ils sont donc ravis.
À la question de savoir si c’était la première fois qu’ils foulaient le sol français, la réponse est sans appel : « Oui... euh non, ça doit être la troisième fois après Tourcoing et Poitiers ». D’ailleurs, ils apprécient le public français qui est très attentif à leur musique sur scène alors qu’en Angleterre « on joue dans des salles remplies de journalistes qui ne font que de parler, on est traité comme de la merde ». En parlant des différences avec les États-Unis, ce qui les surprend en Europe, c’est l’absence de merchandising à la fin des concerts.

Retour aux journalistes avec la révélation de la bouche de Christian : « on fait un jeu avec les journalistes  ». Ah bon ? « Beaucoup nous compare aux Flaming Lips et à Mercury Rev à cause de notre chanteur américain mais ça n’a pas grand chose à voir, cependant, on ne dit rien car avec toutes ces comparaisons, on risque de vendre des disques ». The Earlies insistent sur le fait que les journalistes anglais sont feignants - conversation interrompue par la sonnerie du portable de Giles - « la presse musicale donne trop facilement de quatre étoiles et le NME est devenu un tabloïd ». Christian poursuit : « Quel est l’intérêt de connaître la marque de chaussures des Beatles ? ». En effet... Cependant, ils disent ça mais ils sont tout content d’avoir obtenu un 10/10 au NME avec un de leur disque même s’ils sont déçus de ne pas avoir fait de une car « [ils n’ont] pas une assez belle gueule ».
Face à la pression d’un journaliste, les membres proposent d’écouter des démos du prochain album sur l’ipod...

Retour sur la musique progressive et ses problèmes de définition. Christian : « Pour moi, les Beatles et les Beach Boys ont été les premiers à faire de la musique progressive du fait des expérimentations, le terme prog ne veut plus rien dire car c’est devenu un gros mot et des groupes comme Radiohead feraient bien d’admettre sans honte qu’ils font de la musique progressive, que ce n’est pas juste une étiquette anachronique. Les gens pensent que le prog est mort en 1976, mais Devo, c’est pas du prog ? Y a pas que Yes et Genesis ».
Brandon et Giles ont même le temps de signaler qu’ils aiment bien Arctic Monkeys et notamment les paroles qu’ils jugent « subtiles ». Le mot de la fin leur revient et c’est dans un grand éclat de rires qu’ils annoncent être fiers de leur kit de batterie qui arbore le logo du groupe.
Plutôt généreux, The Earlies reste un excellent souvenir et un groupe non dénué d’humour qui ne pratique pas la langue de bois.

16 h, après une brève visite des alentours (et une pause rafraîchissante), je me prête de nouveau au jeu des questions/réponses avec :

Gravenhurst

En fait, vient seulement Nick Talbot, la tête pensante du trio. Talbot se souvient de la première fois qu’il est venu à Saint-Malo : « C’était il y a quelques années, l’été pour le festival, j’étais venu en ferry et j’avais passé une sale nuit parmi tous ces Anglais ivres ». Il se dit content de revenir en hiver, « je n’aime pas la chaleur ». Concernant la Route du Rock, il regrette « de ne pas avoir joué avec Sonic Youth l’été dernier ».

Gravenhurst revient juste d’une tournée nord-américaine en première partie de Broadcast, où ils ont effectué 21 dates. « Cette tournée a été terriblement usante, d’autant plus que les gens ne connaissent pas nos disques ». Sans transition, Talbot revient sur la signature de Gravenhurst sur le label Warp. « Je me suis pointé dans le bureau du président et je lui ai dit de nous signer ». Ben ouais, c’est simple. Lorsqu’on demande au guitariste s’il lit la presse musicale, ce dernier nous gratifie d’un cynique « non, je ne lis pas la presse musicale, je demande à mon manager de ne me passer que les bonnes reviews ». Justement, la presse semble l’exaspérer : « il y a un décalage entre la presse qui cherche à tout catégoriser alors qu’un songwriter fait un truc unique ». Cet aspect-là le rebute rien que d’y penser.

Retour à la musique du trio avec la traditionnelle question des influences musicales. Comme tout Britannique qui se respecte, Talbot a tour à tour écouté « My Bloody Valentine, The Smiths, Simon & Garfunkel et les Beatles pour les paroles ». En parlant de paroles, Talbot nous confie qu’il dispose d’un procédé pour créer des paroles bien à lui : « je rentre des mots dans mon ordi et je les utilise en mode aléatoire », une technique contemporaine du cadavre exquis en somme.

Il semble s’énerver à propos de certaines questions. On lui demande donc s’il y a des questions qui ne lui ont jamais été posées. « Oui. Personne ne m’a jamais demandé quelle était ma couleur préférée ». C’est chose faite. « Le marron et puis, je suis allé en vacances en Toscane récemment ». Je note. Changement d’ambiance avec le sujet épineux du téléchargement. « C’est beaucoup de bruit pour rien. Tout le monde sait qu’il n’y a que le live qui compte, les ventes de disques ne permettent pas aux artistes de vivre ». Un avis partagé par l’assemblée.
Autre sujet, Bristol et son passé récent. « Il y a un foisonnement de groupes dans cette ville qui ont émergé sur Internet via des forums de discussion. Ce qui se passe, c’est que les clubs et les circuits de concerts sont tout pourris ». Des petits labels existent - Nick nous cite un groupe qu’il aime bien Flying Saucer Attack - mais ne disposent pas de renommée. Ne pouvant s’empêcher de parler de la presse, Talbot affirme que « les critiques de notre album ont été réalisées par des journalistes qui n’ont écouté que les deux premiers morceaux du disque, une honte ! ». Ce sera finalement son dernier mot et je dois dire que je n’ai pas vu le temps passer.

Le lendemain, reprise des conférences de presse à 14h30 avec les vétérans de The Nits, l’une des têtes d’affiche du festival.

The Nits

Venus de Hollande, le trio s’installe tout sourire devant un parterre garni de journalistes. Et les questions se font entendre, notamment à propos de la longévité du groupe. « Le groupe existe depuis 31 ans », explique Henk Hofstede, le guitariste. « Cependant, on ne vit pas ensemble, on voyage ensemble ». Nuance, en effet. Le secret de leur longévité ? « Nous sommes curieux de ce que nous pouvons faire dans le monde du rock’n’roll. En général, plus un groupe vieillit, plus il expérimente ». Son compère ajoute : « On ne calcule pas et c’est expérimental de ne pas être expérimental ».

La discussion s’oriente autour de l’influence de l’art dans les chansons de The Nits. Hofstede approuve : « C’est vrai, surtout les arts graphiques. Vous savez, j’ai étudié la peinture à Amsterdam il y a 25 ans ». On sent que l’apparence compte pour le groupe, visiblement enjoué et qui sait mettre le public dans sa poche. « Le travail d’élaboration des paroles correspond au même travail que celui du peintre », reprend le chanteur.

Évidemment, il est tentant d’interroger le groupe sur la musique hollandaise et les scènes que l’on y trouve. L’ambiance devient plus sérieuse et les musiciens se lancent dans des discours politiques. « Des problèmes politiques et spécialement des faibles fonds attribués sont à l’origine de la faible exportation de la culture hollandaise, notre langue est un problème à l’exportation. Pourtant, j’ai toujours dit que je rêverais de chanter des chansons d’amour en allemand... En France, vous n’avez pas ce problème, vous avez des artistes qui sont connus à l’étranger et qui réussissent en chantant en français, nous, non ».

Histoire de détendre l’atmosphère, j’interroge les musiciens sur l’impact qu’ont pu avoir des groupes comme The Motions, The Outsiders ou encore The Zipps sur la scène hollandaise et également sur leur musique. Tout heureux d’entendre ces noms de ma bouche, les trois mines réjouies me répondent que ces formations « ont eu une grande influence sur notre musique, nous avons même joué avec ces groupes ».
Après 30 ans de carrière, The Nits trouvent encore de l’énergie à explorer de nouveaux territoires musicaux. Coïncidence ou non, on retrouve un morceau sur le dernier album chanté en français, un signe avant de tourner en France ? « Pure coïncidence mais c’est vrai que j’adore me produire en France ».

Pris par le temps qui tourne décidément plus vite que son ombre, la conférence est soudainement arrêtée pour permettre au groupe d’aller se préparer avant de monter sur scène.

Après les très prolixes The Nits, nous nous trouvons soudain en face d’un groupe visiblement éreinté, aux traits tirés :

Giant Sand

En effet, je vois arriver trois types qui confirment avoir eu 15 heures d’avion pour se rendre à ce concert unique en Europe. Et bien, qu’est-ce qu’on ne ferait pas des fois... Mais je ne vais pas me plaindre, au contraire !

D’entrée de jeu, le groupe annonce qu’un album est en chantier et dont la sortie est prévue d’ici la fin de l’année. Le titre provisoire est « Sexcellent, mais si vous avez d’autres idées, je suis preneur », rigole le guitariste. Ambiance vin rouge pour tout le monde, l’heure est à la décompression. « Au fait, faut que je vous dise, j’ai été voir Birdy Nam Nam hier soir et c’est excellent car ils recyclent des vieux tubes ». C’est Howie Gelb, le compositeur qui nous fait cette confidence. Gelb, justement, mène de nombreux projets parallèlement à Giant Sand mais, curieusement, on retrouve quasiment à chaque fois des morceaux de Giant Sand repris sur ses albums solos. Sans s’expliquer, le chanteur détourne la question en révélant « qu’[il] envisage une collaboration avec Birdy Nam Nam ». Il y a des sujets qu’il vaut mieux éviter.

Parmi les collaborations de Gelb, figurent celles avec John Parish, ce qui fait que « le stock d’enregistrement est énorme : à chaque fois qu’on se voit, on enregistre quelque chose ». Pour revenir à Giant Sand, l’Américain promet que le prochain album sonnera différemment de ce que le public connaissait du combo. Il justifie cela en disant que « le label nous convient parfaitement ».

Évidemment, originaires du sud des États-Unis, le groupe se voyait inévitablement interrogé sur des questions politiques. Gelb prend la parole : « Les politiciens, ce ne sont que des mots, seule la musique s’approche au maximum de la vérité, en tous cas, elle dure plus longtemps que les slogans politiques ». Voilà qui a le mérite d’être clair. Nous reprenons donc la discussion musique tout en restant dans le sud du pays. Originaires de Tucson et de l’Arizona, les membres du groupe cherchent-ils à parler de ces endroits-là ? « Non, ce n’est pas notre motivation même si ce sont des endroits magnifiques ».
Ceci nous amène à la sempiternelle question des influences musicales. Réponse concise donnée par Gelb : « faire le genre de musique qu’on ne pourra jamais s’acheter ». Là encore, on voit toute la conviction du compositeur dans ses propos.

Pour finir, Gelb nous propose de raconter une histoire expliquant ce qu’est le désert et qui met en scène des membres du groupe Grandaddy et lui-même. Nous sommes captivé par son récit et bien que nous n’ayons pas saisi où il voulait en venir, il nous semble d’un coup connaître le désert. Impressionnant, non ?

Ainsi s’achève la dernière conférence de presse de cette première édition d’hiver de La Route du Rock et je dois dire que ce fut un réel privilège de rencontrer ces artistes en dehors de la scène. Je m’en suis mis plein les oreilles et les mirettes pendant ces deux journées au point presse.

Maintenant il est temps de finir ce festival en beauté !



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