Sur nos étagères
Ditherer

Ditherer

Fog

par Yuri-G le 11 septembre 2007

3,5

paru le 20 août 2007 (Lex Records)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

D’entrée, défricher le terrain : ici, on entend un peu de la scène lo-fi, des vrais moments de pop dorée, mais surtout des charges de guitares menaçantes. On a l’impression de replonger dans un des deux premiers Brian Eno, même type de timbre strangulé et, quelque part, même amour pour les ambiances électriques empoisonnées. Pavement, en morceaux, Neil Young, instinctivement. Références ciblées. Et Ditherer a beau les traîner dans son sillage, il réussit à imposer sa marque. Une science de l’obscurité, simple en surface, toujours évidente, même lors de progressions mélodiques parfois surprenantes. Des bourrasques atmosphériques, lourdes mais où on peut respirer. Obsédantes, parfois. Et en contrepoint, ces belles trouées pop.

Avant, Fog était Andrew Broder, son entité, sa chose. Le dernier album en date, 10th Avenue Freakout, laissait sa désolation d’alors à l’honneur, ramper sur un canevas de pop tout juste électronique, grise et aux contours assez rudes. Mais maintenant, comme une nouvelle résolution, Broder s’avance à visage découvert. Sur la pochette de Ditherer, il est accompagné d’un vrai groupe, Mark Erickson à la basse et Tim Glenn à la batterie. Et il a laissé encore de la place pour les interventions d’Andrew Bird, Alan Sparhawk et Mimi Parker (Low), Yoni et Josiah Wolf (Why ?). Mais, c’est malin, sans savoir très exactement qui apparaît quand (à part peut-être Sparhawk et Parker sur What’s Up Freaks ?). La première approche suggère en fait un disque d’indie-rock sec, guère remarquable. Brouillon, surchargé ? Possible. On y revient par mégarde, par défaut. Étrangement, les injonctions des guitares, débordantes, la rythmique poussée, piétinée et aride, créent maintenant une alchimie toute particulière. Au final, Fog maîtrise le son.

C’est sûrement par l’ensorcelant Hallelujah Daddy que tout se résout, les ruées infernales de guitare, les coups haletants de grosse caisse : sa progression cataclysmique s’abat sur le crâne, sciée par un solo brûlant qui permet d’y voir soudain plus clair. Voilà, Wilco n’est pas loin ; en plus de posséder une force de frappe similaire, Fog participe de la même envie de brouiller les pistes. Surtout, ne pas choisir : mélodies brillantes mais cassées par des perspectives sales et progressives, influences abondantes mais synthétisées et chevauchées. Enfin, être immédiat mais avec des structures en spirale. Clairement, Ditherer est un faux disque simple - sa force première. Sa pop a beau être percutante, instantanée et rayonnante, sans cesse elle se trouve infectée par des lignes de guitare fil de fer, des accords menaçants, même s’ils conservent l’évidence frappante du poison.

Voir avec l’ouverture We Will Have Vanished : malgré son embardée raide et musclée, elle propage une luminosité fulgurante et haut perchée, presque enjôleuse. Cependant, vite refroidie par les pointes aiguisées de Inflatable Ape Pt. 3, où l’on redécouvre comment pouvait sonner la folle proto-noisy pop de Brian Eno. Et quand le groupe décide d’abattre un petit déluge opaque (You Did What You Thought), c’est après l’entame d’une ballade mélancolique, et avec des phrases de guitare fatales, qui se bousculent, montent et résonnent jusqu’à l’obsession ; happé par la férocité nonchalante du batteur, absorbé par la tension sans issue de cette embarquée orageuse. Puis finalement, What’s Up Freaks ? flottera à contre-courant, dans la sérénité, americana belle et triste comme chez Neil Young. Les réticences initiales sont écartées. Oui, bien sûr, l’album n’est pas vraiment exempt de faiblesses (quelques titres en retrait, probablement). Ne pas succomber aussi, la tentation rôde, de camper sur une écoute fugitive et peu marquante. En dépit de l’intuition, de cette impression tenace d’accumulation, Fog suit un ton, adopte un credo : pas la peine de camoufler l’héritage, il n’y a qu’à le secouer avec talent et audace.



Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom



Tracklisting :
 
1. We Will Have Vanished (4’28")
2. Inflatable Ape Pt. 3 (4’00")
3. I Have Been Wronged (3’08")
4. Hallelujah Daddy (3’50")
5. What Gives ? (3’58")
6. You Did What You Thought (5’01")
7. The Last I Knew Of You (2’34")
8. Ditherer (4’53")
9. Your Beef Is Mine (5’39")
10. On The Gallows (10’24")
11. What’s Up Freaks ? (3’26")
 
Durée totale : 51’29"