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Feels

Feels

Animal Collective

par Psymanu le 20 février 2006

3,5

paru en octobre 2005 (Fat Cat / PIAS)

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Les Animal Collective sont quatre New-Yorkais dont le précédent album intitulé Sung Tong, ainsi qu’une poignée d’EPs, ont attiré attention puis éloges. D’une tendance plutôt folk et acoustique, le quatuor indépendant, pour cet effort, passe la vitesse supérieure puisque la concurrence s’est faite âpre. C’est donc avec un songwriting gonflé à bloc et une volonté intacte de tendre vers la beauté (tout en se rendant plus accessible à un public éventuel, avait déclaré le groupe) que Feels fut mis en boîte, pour le plus grand bonheur de nos oreilles soumises.

Dès Did You See The World, d’emblée, un nom nous revient en tête, et pas des moindres : Arcade Fire. Même goût pour les chœurs passionnés, multitude des instruments, même profondeur sonore et cristalline. Le compliment n’est pas mince et il faut reconnaître que ça place la barre assez haut. D’autant que l’impression est confirmée par la suite. On devine tout de même chez ce groupe, sur les premiers titres, une violence plus grande, contenue ou non. Ça se sent dans la rythmique volontiers plus frénétique, comme sur Purple Bottle, dans les cris enjoués ou vindicatifs. Moins de longues plaintes que chez les Canadiens, mais des scansions souvent plus agressives. Grass est de cette même veine, tribal en même temps qu’empreint d’une grande délicatesse dans l’utilisation de bidouilles électroniques, dans les lignes de guitares qui jamais ne se mettent en avant, préférant souligner et accompagner que tirer à soi des compositions qui trouvent leur puissance dans l’osmose et l’addition du tout. On osera à peine comparer à nouveau Animal Collective à « qui vous savez » sur le morceau Flesh Canoe car l’on sait bien qu’il s’agit d’une coïncidence de talents loin de tout plagiat, mais bon sang ce que ça peut ressembler !

Après ces débuts explosifs, le disque bascule. Vers plus de calme. Et l’auditeur de constater que finalement la musique d’Animal Collective penche tout autant vers les mélopées à la Sigur Ros (compagnons de label, au passage). Nous versons dans la contemplation. The Bees est une chanson à rêver allongé sur l’herbe verte, écrasé par les rayons d’un soleil d’été. Voix susurrée, Banshee Beat relève le défi de tenir en haleine sur plus de huit minutes. C’est l’esprit qui décolle en même temps que la musique se fait plus forte. C’est là, à partir de Daffy Duck (étrange titre) que l’ennui, mais oui, peut survenir. Car l’on reste dans ce demi-sommeil depuis déjà plusieurs minutes, et qu’il faut soit s’endormir et laisser exploser l’esprit et ses trésors de fantaisie, soit se réveiller complètement. Entendons-nous bien. C’est beau, très beau. Mais peut-être que la recherche systématique d’un esthétisme que l’on qualifiera de « paisiblement onirique » fait passer Animal Collective à côté de feux d’artifices dont ils ont déjà prouvé, pas plus loin qu’au début du disque qui nous intéresse, être très capables. On marche, dans le trip proposé sur Loch Raven, mais sous certaines conditions d’humeur, d’ambiance. Alors l’on sait le groupe suffisamment habile pour nous entraîner de force dans son jeu, on ne les rejoint plus ici qu’en victimes consentantes, plus vraiment en victime tout court foudroyée par un talent brut. Et ce n’est qu’avec Turn Into Something, aux influences indiennes bien connues et régulièrement pratiquées par le groupe, que l’on reprend vie, juste à temps. Guitare country, on nage en plein Far West, et on danserait bien autour d’un feu en poussant des « wouh wouh » en bons cow-boys de cours de récré. Enfin nous sommes vraiment dans cet ailleurs qu’on nous a promis à longueur d’album, et pourtant il faut se quitter. Too bad...

Parce qu’il ne faut pas faire la fine bouche sous prétexte qu’il y a du génie chez Animal Collective qui a parfois tardé à se révéler, on affirmera avec vigueur que oui, Feels est une réussite. On ne consentira au « mais » que pour l’enchaîner à un « peut mieux faire », avant de le conclure en « parfois ». Et l’on se demandera si ça n’est pas la fausse piste du début, rappelant la magie et les cathédrales sonores d’Arcade Fire qui nous a fait passer à côté du vrai message du groupe. Mais c’est leur faute s’ils n’ont pas su nous ramener de force dans leur monde à eux, et c’est sans doute à cela qu’ils travailleront pour la suite. On les en remercie d’avance car Animal Collective, quel groupe !



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Tracklisting :
 
1- Did You See The Words (5’17")
2- Grass (3’38")
3- Flesh Canoe (3’48")
4- The Purple Bottle (6’50")
5- Bees (5’40")
6- Banshee Beat (8’24")
7- Daffy Duck (7’36")
8- Loch Raven (5’01")
9- Turn Into Something (6’29")
 
Durée totale : 52’43"