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For Hero : For Fool

For Hero : For Fool

Subtle

par Yuri-G le 24 avril 2007

3,5

paru le 3 octobre 2006 (Lex Records)

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Le hip-hop "old school" est une grande famille désuète. Si si. Il n’y a qu’à voir avec quel aplomb, quelle conviction acharnée, de celle des derniers coups que l’on porte avec la passion d’un homme à bout de souffle, les rappeurs de l’autre génération brandissent le flambeau de leur fratrie, se regroupent en cercle, prostrés sur leurs dogmes un peu archaïques, qui impriment encore leur imagerie de dollars, de villas, de grosses voitures, et de bikinis tendus sur des peaux satinées. C’est peut-être exagéré, il ne faut pas généraliser, pourquoi bouder ces titres-là, c’est plus dansant aujourd’hui : on connaît la chanson. Le hip-hop ne devait-il pas lui aussi évoluer ? Pour vendre, beaucoup en sont restés à une formule statique de bas-étage. Faire la différence entre le classicisme et le surplace. Et donc l’impasse. Les clips ont tout pourri, aussi. Et ce n’est pas nécessairement ce hip-hop là qui est représentatif du savoir-faire ou de l’audace qu’on attend d’un bon morceau ou d’un bon album du genre, mais c’est cette mascarade qui règne sans partage, qui distille sa mécanique trop bien huilée, trop clinquante, pour petit à petit se refermer sur ses gimmicks infâmes qui attisent le marché. Il faut expérimenter. Et c’est là que la scène de l’ombre (prendre le titre officiel : abstract hip-hop) intervient, fait office de contre-pouvoir frondeur, élargissant à grands coups d’épaule les ramifications et les horizons de l’église à laquelle ils restent fidèles, tout en blasphémant avec entrain contre elle.

Collectif insolite, avec en tête de liste Dose One et Jel, Subtle en veut, en remontre à ces étroits préceptes, ceux en règle sur les ondes, le beat bien en place, les samples concis et alléchants, quelques boucles de synthé facile, un flow goguenard et complice. À la poubelle. L’esprit foutraque, leur musique à eux est celle d’un laboratoire imprévisible, échantillonnant sans relâche. Le dogme suprême est de ne pas en avoir. Le champ d’action est infini. Les chansons, des labyrinthes aux détours desquels les rythmes s’annulent, ou rejaillissent sur d’autres parcours. Loin d’être insondables, mais incroyablement élastiques. Bondissant d’une plate-forme à une autre, en visitant les genres dans une dynamique aventureuse, multipliant les rythmes et les ambiances à l’envie. L’album est composé de onze titres, mais c’est comme s’il n’y avait qu’une seule et longue suite, alignant les composés les uns après les autres, enchaînement fluide mais où pourtant les heurts, nés de la rencontre des différents produits, se font sentir à chaque instant. Du rock à l’ambient, de la pop au folk psyché, avec un phrasé hip-hop atypique, nasillard et joueur (celui de Dose One, on songe à Cypress Hill) qui - cette fois à l’instar de Why ? - se détourne souvent en chant. Un chant d’illuminé ayant trop goûté aux sirops bariolés des Animal Collective.

Du plus immédiat (Middleclass Stomp, les guitares sont libérées, flirtant brièvement avec la nervosité mélancolique d’une pure et précieuse noisy pop) au plus inquiétant (Nomanisisland bascule dans un univers où les certitudes s’effondrent dans ce break de batterie claquant, et ces lignes mélodiques claires-obscures), For Hero : For Fool est efficace et insolite. Pourtant, aller simplement à contre-courant ne suffit pas. Au point d’en perdre de vue, de temps à autre, l’unité, l’ensemble se révèle éclaté (c’est le principe), donc à apprécier tel quel, dans un même élan, sans possibilité de se raccrocher à de fins repères, davantage stables ou étirés. Élasticité certainement trop ample, puisqu’on l’a compris Subtle ne s’interdit rien : acoustique mêlé au synthétique, rythmique trépignante ou lames de fond atmosphériques, en apesanteur. Le groupe amorce même, en fin de trajectoire de sa torpille, une micro-fanfare triste à la Beirut (premier mouvement de The Ends). Au-delà de ces limites, Subtle reste inconstestablement un conquérant talentueux. Il sillonne des territoires mouvants, en balaye de son assurance vraiment peu frileuse les doutes et les hésitations d’aller voir ailleurs, trop communs dans le genre. Comme si tout ne faisait que commencer.



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Tracklisting :
 
1. A Tale Of Apes I (3’18")
2. A Tale Of Apes II (2’13")
3. Middleclass Stomp (4’14")
4. Middleclass Kill (4’36")
5. Midas Gutz (2’37")
6. Nomanisisland (4’20")
7. The Mercury Craze (4’40")
8. Bed To The Bills (4’50")
9. Return Of The Vein (4’11")
10. Call To Dive (7’08")
11. The Ends (8’57")
 
Durée totale : 51:11