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par Le Daim le 13 février 2007
Film réalisé par David Mallet, paru en 2002 (Capitol).
Après d’interminables et épuisants conflits avec l’essentiel Roger Waters qui a quitté Pink Floyd au début des années 80 en claquant bruyament la porte, David Gilmour s’est vu accorder le droit par la justice anglaise de continuer à utiliser le nom du célèbre groupe. Le guitariste, chanteur et compositeur ne comptait pas en rester là : motivé par le besoin de prouver au monde ce dont il était capable, il rappela Mason et Wright et publia deux nouveaux albums de Pink Floyd (allant du pas terrible au un peu mieux) et autant de doubles-galettes résumant les supercoquentieuses tournées qui suivirent. Peut-être qu’après tout ça le vieux Gilmour s’est senti un peu fatigué et a voulu se payer un peu d’authenticité. Se faire plaisir, tout simplement : comme à la maison, une guitare sèche sur les genoux.
C’est exactement cela que ce concert filmé en 2002 nous propose : petite salle, public proche et amoureux, light-show réduit, répertoire libre ; interprétation détendue mais, tout de même, aux petits oignons (réputation oblige). Gilmour au turbin, sans-filet. C’est un papy qui investit la scène : plutôt bien dégarni et ventru mais l’œil espiègle. Armé de sa Taylor électro-acoustique sonnant plus vrai que nature, il entame le concert par quelques accords soudain noyés de réverbération... Après quelques arpèges évocateurs on frémit, déjà : il est en train de jouer Shine On Your Crazy Diamond... A la guitare folk. Seul. Alors qu’on était bien persuadé que cette musique ne pouvait se passer des innombrables pistes d’orgue, de guitare et de voix qu’on entend sur l’album original. Il le fait, et bien, finalement rejoint par un groupe d’excellents choristes et par le saxophoniste Dick Parry qui ponctuait de sa présence Dark Side Of The Moon en 1973.
Le ton est donné : l’ambiance de ce concert sera bien entendu unplugged. A la cool. On privilégie les guitares acoustiques, la contrebasse, le vrai piano (joué par feu Michael Kamen, on ne se refuse rien), des voix gospel bien organiques et même quelques cordes frottées par une violoncelliste forcément mignonne et vêtue de noir. Évidemment, les fans de Rage Against The Machine passeront leur chemin... Pourtant, certains titres du Floyd se trouvent joliment alourdis par ce traitement acoustique, telle cette seconde partie de Shine On Your Crazy Diamond, sévêrement bourrinée par la section rythmique et mise sous haute-tension par le pedal-steel saturé et mordant de Gilmour. Parmi les temps forts de ce concert, on retiendra une reprise remarquable d’une antique composition de Georges Bizet, Je Crois Entendre Encore issue de l’opéra Les Pêcheurs de Perles (1863). Gilmour chante ce morceau en français d’une parfaite voix de ténor qui ne craint pas de flirter avec les hauteurs du registre. Le résultat est particulièrement surprenant et émouvant.
On n’oubliera pas non plus une magnifique version de Comfortably Numb chantée en duo avec Robert Wyatt. Le vieux barbu, très discret sur le côté de la scène, apporte une fragilité touchante au texte que Roger Waters interprétait tout en ironie et en menace déguisée. Gilmour n’hésite pas à changer d’instrument pendant le morceau, troquant sa guitare acoustique contre une élégante Gretsch électrique au son velouté. Le répertoire de ce concert est assez éclectique, alternant des classiques pour la plus grande joie des fans (Wish You Were Here, évidemment ! Mais aussi des choses plus récentes mais non moins agréables comme High Hopes ou Coming Back To Life issues de l’album Division Bell). De bonnes surprises aussi tel ce Fat Old Sun pas joué en concert depuis vraiment très longtemps et qui a fort bien passé l’épreuve du temps malgré son petit côté baba-cool. On oublie pas Syd Barrett avec un Terrapin très soigné, ni le claviériste du Floyd, Richard Wright, qui vient pianoter et chanter sur un de ses propres titres (Breakthrough). Cerise sur la gâteau : Gilmour nous gratifie d’une composition inédite, Smile, qui sent bon le soleil et la plage et qu’on retrouvera sur son album solo On An Island des années plus tard. Sympa, David ! Pas d’autres titres issus des différents albums solos de David Gilmour (David Gilmour en 1978 et About Face en 1984). Dommage, car ces disques ne contiennent pas que de mauvaises choses et les fans auraient sans doute apprécié que certains de ces vieux titres soient ici revisités.
Le son du DVD (en Dolby Digital 5.1) est fabuleux : c’était le moins qu’on puisse attendre de la part du guitariste de Pink Floyd. Au point qu’on ne rechigne pas à le jouer sans l’image. Il est même possible de tester et régler son installation home-cinéma grâce à une option du disque. Du côté des boni, pas d’escroquerie non plus ! Ils sont abondants et de très bonne facture : vue imprenable sur les doigts de Gilmour pour les guitaristes en herbe, paroles des chansons, grand frisson devant les choristes nous faisant un petit a-capella, film « à la maison » d’une répétition de Gilmour en patins avec le chœur... Autre version de Comfortably Numb avec cette fois Bob Geldof en personne... Et quelques curiosités en guise de digestif où l’on voit Gilmour tâter de l’electrique sur du vrai pur blues (I Put A Spell On You) et du rock’n’roll old school en bonne compagnie.
Depuis 2002, David Gilmour a sorti un nouvel album solo pas dégueulasse du tout, a tourné sous son nom (avec une moitié de son répertoire consacrée à Pink Floyd tout de même), a joué avec les trois autres larrons du Floyd dont Waters au Live 8... Pas si mal pour un retraité qui pourrait il est vrai se contenter de vivre de ses royalties pendant quelques milliers d’années... Voilà un immense guitariste, un compositeur de talent, une très belle voix qui n’a rien perdu de son humilité ni de son génie au fil des décennies... Au contraire ! Rares sont pourtant les artistes de cette génération dont on peut dire : le meilleur reste sans doute à venir. Alors, au bout du compte, laissons de côté les éternels débats ayant pour sujet la mort du Floyd... Oui, peut-être que Pink Floyd est devenu ce monolithe qu’on voit dans le film 2001 : Odyssée de l’Espace, une énorme stèle inerte faisant l’objet d’un culte ; un dinosaure fossilisé qu’on admire au musée... Mais Gilmour, lui, est bien vivant et nous fait passer un fort bon moment dans ce DVD : finalement, n’est-ce pas l’essentiel ?
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