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Interview Rien

Interview Rien

par Sylvain Golvet, Thibault le 20 juillet 2010

Un nom à la noix, des pseudos improbables, de la musique instrumentale qui pioche entre autres dans la série Z ou le rock indé de l’Oncle Sam. Ne fuyez pas, ce n’est pas ce que vous croyez.

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Rien est l’un des meilleurs groupes de notre époque. Peu connu, mais détonnant. Il Ne Peut Y Avoir De Prédictions Sans Avenir, leur second album, s’impose comme l’une des meilleures réalisations de la décennie passée, comme un petit chef d’œuvre inattendu dont tout le monde se fout, à tort. Presque trois ans après une première rencontre, Inside Rock et Rien se retrouvent pour une longue discussion à l’occasion d’un concert parisien, immortalisé en photos par Duffman.

Depuis votre premier album vous allez vers des morceaux de plus en denses, moins posés... Les parties de guitares sont plus abstraites, les mélodies moins claires, il y a plus de sonorités de claviers... Globalement sur cet EP le son est plus compact, plus resserré, un peu claustro, non ?

Yugo Solo : Je pense que Francis Fruit qui nous a rejoint en tant qu’instrumentiste et percussionniste lors de l’enregistrement du second album, a beaucoup plus apporté sa touche sur ce disque. Il fait désormais partie intégrante du groupe. Un morceau comme « un salaud en enfer », n’aurait pu voir le jour sans lui. Ce morceau reste dans la lignée des morceaux dits cinématographiques que l’on développe depuis notre premier disque "Requiem", mais cette fois ci il lorgne beaucoup plus du côté de la série Z. Le titre fait d’ailleurs référence aux films français des années 80, avec Belmondo en justicier sauvage… et la musique, elle, se veut un habile mélange de Carpenter, Ennio Morriconne et de musique de Manga comme Ghost in the Shell. Le résultat est difficilement datable… C’est un peu à la croisée de différents univers cinématographiques qui nous parlent.

Il faut aussi rappeler qu’à l’origine ce morceau a été composé pour un ciné-concert que l’on a créé sur le film Inferno, une des premières grandes productions italiennes du début du siècle, une adaptation de la Divine Comédie de Dante. Le morceau illustrait le passage juste avant que le héros franchisse la porte des enfers, quand il longe les falaises. Sans vraiment parler de nouvelle direction, je pense que oui, avec un nouveau membre dans un groupe la musique évolue forcément...

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© Duffman

Il n’y a pas d’extraits de films sur cet EP, et vos nouveaux morceaux ont une trame beaucoup moins repérable, alors que vos anciens étaient plus évidents, avec des crescendos, des climax, des transitions plus nettes avec ces arrangements de cuivres... Est-ce que ces changements sont liés, car le cinéma semblait être une ligne directrice forte pour vos morceaux ?

YS : Le processus de composition a changé pour cet EP en fait. Moi j’ai déménagé en Allemagne et du coup on répète beaucoup plus par blocs, on enregistre beaucoup les répétitions et on fait le tri ensuite. Mais la distance aidant, chacun a beaucoup plus bossé de son coté. On a tout remis ensemble pendant un mois, et à la fin de ce mois, on a enregistré pendant une semaine, mixé pendant deux, donc il y a plus d’urgence dans la composition. On a aussi eu envie de quelque chose de plus brut, de plus agressif, plus dense... On ne savait pas faire ça auparavant, mais on progresse de plus en plus et même si ce n’est pas encore totalement le cas sur cet album, on est plus à même de mettre nos idées en musique.

Cet EP annonce-t-il la couleur pour les deux suivants ou vous comptez encore explorer de nouvelles directions ?

YS : Le fait que l’on ait changé nos méthodes de travail oriente forcément notre création. Avant cet EP, on sortait des disques quand il étaient prêts… cela reportait souvent la date de sortie originelle de quelques 6 mois… Maintenant on se dit que le disque doit être enregistré et mixé à telle date... et on le sort quoi qu’il arrive... Le format EP permet cela, car moins de prise de risque qu’avec un album…

Finalement, on est plus proche aujourd’hui d’un travail de photographie instantané plutôt que de photographie retouchée à la palette graphique pendant des mois…

Est-ce que vos deux albums sont une source d’inspiration pour vous ? Les écoutez vous pour y retrouver des idées à approfondir, ou est-ce que vous les laisser derrière vous ?

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© Duffman

Francis Fruit : On a tous des tics de compositions, des choses qui se retrouvent, certains passages ou son qui sont réutilisés... ça se fait un peu de fait, pas en réécoutant. Quand quelque chose a marché au niveau du son, on peut aussi le réutiliser d’une nouvelle manière, s’en aider... Mais il y a aussi une progression et une évolution du groupe...

YS : Francis a bien résumé la situation, la composition c’est pas mal de gimmicks que tu connais, des choses que tu sais faire, des outils que tu peux réutiliser ou non.

Vous ne cachez pas vos références, vous citez facilement, que se soit en interview ou dans votre musique. Cependant, vous ne faites pas du name dropping, vous optez pour des choses peu évidentes. Votre manière de citer est toujours assez biaisée, tournée vers l’évocation. Contrairement à de nombreux groupes qui mettent en avant leurs influences pour se créer une identité toute prête, vous vous réappropriez ces noms d’une manière ou d’une autre, vous n’êtes pas au premier degré.

YS : Oui, on essaye de détourner l’attention, c’est exactement comme ça qu’on va citer un truc qui n’a rien à voir... C’est jamais évident de se positionner par rapport aux influences, nous on vient tous d’univers musicaux assez différents, c’est un peu à la croisée de tous ces chemins, on ne s’en tient pas à une référence ou quelques noms, c’est moins saisissable et moins étouffant, on passe de groupes contemporains très pop comme Radiohead à des trucs comme Tortoise, à des trucs plus seventies ou compositeurs début de siècle français...

FF : On a des fondamentaux mais on a aussi des périodes, pendant un ou deux ans, on peut aimer un truc, ça rentre dans notre musique, puis on passe à autre chose...

YS : Après il ne faut pas oublier que le name dropping c’est beaucoup moins un truc de groupe qu’un truc de journaliste, un attaché de presse qui te dit "ouais, ton disque c’est la rencontre de Morricone qui rencontre machin qui rencontre je sais pas qui"... ça ne veut rien dire, c’est juste pour cibler un public.

Oui, la critique se résume trop souvent à cela désormais, la maison de disques fait un dossier de presse avec des noms qui claquent, tous les grattes papiers reprennent ces noms dans tous les sens...

FF : Oui, alors que les musiciens s’en foutent, nous on écoute des disques, ça nous plait, c’est tout...

YS : Moi je préfère citer pour faire découvrir des disques, mais bon, Gainsbourg et Morricone on s’en fout, tout le monde connait, pas de besoin de mettre ça en avant.

Reparlons un peu cinéma, puisque vous y attachez une grande importance. En plus d’Apocalypse Now ou de La Nuit Du Chasseur, quels films ont été marquants pour vous ?

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© Duffman

YS : On avait parlé de Carpenter pour le premier morceau et récemment j’ai vu Dark Star, un film qui m’a fait beaucoup rire, et je pense qu’on peut retrouver cette ambiance dans notre musique... une sorte de 2001 l’Odyssée de l’Espace mais avec une histoire de bombe atomique à la Dr Folamour, plus des trucs vraiment série Z, avec des extraterrestres en ballon de baudruche. C’est assez cool, avec des sons assez intéressants, c’est du Carpenter, il y a deux claviers et ça fonctionne... Après c’est des films assez extrêmes, comme Fantasia chez les Ploucs, c’est le titre d’un de nos premiers morceaux. Un film qui m’a aussi fait beaucoup rire à l’époque, avec une bande son d’Ekseption, un groupe qui reprenait des classiques à la manière pop avec parfois énormément de mauvais goût. Il y a un sample de ce groupe en intro de Fantasia chez les Ploucs.

Un peu comme Mike Patton avec Fantômas ?

FF : Non, car ça c’est du bon goût !

YS : Là c’est vraiment limite, c’est un groupe Hollandais des années 70. Il y avait aussi le Désert Rouge sur le premier album, un film qui m’avait beaucoup touché à l’époque…et puis Monica Vitti tout de même... On aime beaucoup aussi l’univers de Wes Anderson, un peu absurde, mais c’est loin d’être évident de transmettre l’absurde en musique sans faire n’importe quoi.

C’était super classe de faire un générique de fin pour Il Ne Peut Y Avoir de Prédictions Sans Avenir, comment vous est venu l’idée ? Je n’ai jamais retrouvé ça ailleurs...

YS : Et bien c’est encore une référence cinématographique, cette fois au générique en voix off du début du film Le Mépris de Godard. On voulait faire un truc entre la parodie de mauvais goût et hommage irrévérencieux… peut être aurait on du faire cela de manière plus tranché.. car pas mal de gens sont passés à côté de cette référence et se sont même demandé si on ne se la pétait pas un peu grave…

Comment se passe le processus de création chez Rien ? Étant donné vos textures ultra chiadées et vos récits musicaux amples, on vous imagine mal brancher les amplis et jammer en attendant l’illumination...

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YS : Et pourtant (rires) ! C’est principalement ça, mais pour atteindre l’illumination ça prend pas mal de temps, t’enregistres, t’enregistres, et à la fin si tu gardes 5min intéressantes à creuser sur 3h de répét, c’est cool. Mais ça a surtout fonctionné comme ça sur les deux premiers albums, pour l’EP, comme je l’ai dit, Francis Fruit a fait le 1er morceau tout seul dans son coin. Pour le second morceau il y avait une idée de base de moi, le reste s’est construit en répet, y compris le solo de guitare. Le troisième morceau avait été composé à la base pour un montage de cinéma asiatique dans le cadre d’un festival... on a ensuite complété la structure et arrangé cela autour du thème principal. Le dernier morceau, c’est une de mes grilles qu’on a bidouillé, et on a accouché d’un monstre…

FF : ça a été assez douloureux oui .

YS : On est passé par plusieurs étapes, mais les morceaux continuent d’évoluer sur scène, et comme le vin ça arrive à maturité un peu plus tard. Malheureusement on les fixe sur la pellicule parfois un peu trop tôt...


B.A.S.I.C. était très intéressante : vous aviez réussi à faire une chanson avec une vraie dynamique pop tout en gardant vos lignes de guitares touffues et entremêlées... Cela ne vous tente pas d’approfondir cette voie de pop tarabiscotée ?

YS : Avec Francis Fruit on a un autre projet qui s’appelle Câlin qui lorgne plus du côté format pop à l’américaine, si on devait creuser cet aspect ce serait plus entre nous deux, car avec Rien il faudrait que quelqu’un sache chanter... On peut faire des featurings mais ça perd de sa dimension sur scène, les instrumentaux sont moins catchy, du coup on joue par exemple très peu B.A.S.I.C sur scène... Mais je crois qu’on est capable de faire ce type de morceaux, le tout est de trouver des voix à poser pour que ça ait du sens.

Votre double guitare est très aboutie, très fin, très personnel, quelque soient les morceaux... Y’a-t-il des paires de guitaristes qui vous ont marqué en particulier ?

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YS : Judas Priest ! non… même si les solos à la tierce c’est cool. Disons qu’on essaie d’harmoniser les guitares autour d’un thème.. et comme dos.3 est prof de musique et est plutôt doué pour harmoniser et proposer une mélodie en contre point de la mélodie principale, j’arrive souvent avec un thème et puis il écrit le contre champs. De mon côté j’ai aussi eu une formation assez classique, j’ai fait du violon pendant sept ans... ça nous permet d’avoir une approche instrumentale orienté mélodie et pas arrangement… c’est pour cela qu’on ne se retrouve pas vraiment dans des groupes comme Mogwaï ou même Godspeed You ! Black Emperor… Il n’y a pas assez d’idées.. de thèmes, seulement des montées et des nappes de guitares... on fait ça parfois, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse vraiment, loin de là.

FF : Oui, cette approche doit venir des bandes son de film… on réfléchit plus thèmes.. on joue des petits thèmes imaginaires de films, des mélodies...

Tous vos disques sont incroyablement bien produits, c’est formidable de trouver un tel savoir faire dans le milieu underground français. Vous semblez un peu jaillir d’une faille spatio temporelle... Pouvez vous en dire plus, comment se sont passés les enregistrements, où et avec qui avez vous appris tout cela ? Avez vous une formation musicale ou technique particulière ?

YS : On a tous plus ou moins bidouillé à un moment donné sur nos ordinateurs, avec un logiciel multipistes, ProTools ou autre, pour comprendre certains trucs. On travaille depuis le début avec Fred ‘BRAIN’ Monestier, qui étrangement vient plus de la musique black, du funk, du hip hop, du reggae, mais à son contact on a pas mal appris et compris des trucs. Au début on partait vraiment de zéro mais on a progressé ensemble, on sait ce qui marche, ce qui marche moins... C’est important qu’un groupe maîtrise les aspects techniques de l’enregistrement, pour maîtriser totalement sa création. C’est mieux que de confier entièrement cela à quelqu’un... Tu tombes sur un bon producteur, parfait, mais c’est à mon avis pas évident en France de tomber sur la bonne personne avec qui le courant va passer, qui va t’écouter, te mettre en confiance, qui va comprendre ce que tu racontes, qui va te poser les bonnes questions, et va être en mesure de traduire tout cela rapidement en son… du coup, le fait de travailler avec la même personne depuis 7 ans, cela te fait au final gagner pas mal de temps… Et le temps c’est de l’argent surtout en studio.

FF : Tu dois aussi faire attention à sonner en toute circonstances... On a déjà une certaine idée de ce qu’on veut, un équilibre, quelque chose de plein... Cette attention là est dès le départ dans la composition...

YS : Tu peux améliorer les déficiences des compositions lors de la production. Ta guitare est pas assez pleine, donc tu la contrebalances avec des claviers... Mais normalement un bon groupe, tout bon groupe si j’ose dire, qui sonne en local de répet sonnera sur disque, il n’y a pas de secret. Et un bon groupe qui sonne en studio sonnera sur scène. Et inversement.

FF : Il n’y a pas de mystère, oui.

Quelques artistes actuels retiennent votre attention, en bien ou en mal ? Aimeriez vous jouer sur scène ou en studio avec certains d’entre eux ?

YS : En mal, ouh la, on sort des Eurockéennes, là ! (rires)

FF : Aaah, Mika, Massive Attack, LCD Soundsystem...

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YS : Dernièrement ce qui m’a beaucoup plu, c’est Extra Life. Des New Yorkais, de Brooklyn, pour changer... Le chanteur s’appelle Looker, ça gravite autour des Dirty Projectors, c’est très bien je trouve. Beaucoup d’idées, une sorte de musique médiévale contemporaine, très bien faite. Un groupe hétéroclite sur scène, assez étonnant. Un bassiste qui sort du néo metal, un batteur très bûcheron, le chanteur qui joue avec une guitare baryton et qui fait des sons aux claviers avec un pauvre Casio, et un violoniste. Ils ont tous une approche de la musique assez différente, mais ils se retrouvent dans un projet, vraiment bien.

FF : On reste très fans des Dirty Projectors, c’est très bien.

YS : Après il y a énormément de merdes, mais ça tout le monde le sait... Y compris dans la scène indie, comme 65daysofstatic, on a joué avec eux, finalement des types sympathiques, je ne juge pas les personnes, mais j’ai toujours pas compris ce que c’est que ce groupe, musicalement parlant.

FF : Mais Mika aux Eurocks, on ne s’est pas trop approché, même de loin ça faisait flipper.

Pourtant ça vous irait bien les tenues fluos rétro futuristes série Z, non ?

YS : Ah, mais on l’a déjà fait, on a déjà eu une période fluo kids... On aime bien en fait les productions années 80, avec un son assez rond, bien foutu en fait...

FF : Oui dans ce genre on avait bien aimé le premier MGMT, c’était bien produit, pas mal. J’aimerai bien écouter le second.

YS : Centenaire qui joue avec nous ce soir, on aime vraiment bien aussi, c’est un groupe assez pop qui fait attention à la production, c’est bien.

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FF : Guimo aussi, des bordelais, qui font plus dans le parler/chanter, un peu comme Jull, qui fait du spoken words et qui est sur notre association l’Amicale Underground.

Allez, soyons fous, imaginons qu’un millionnaire se prenne de passion pour votre musique et vous fasse don de la moitié de sa fortune pour vous aider à enregistrer, que faites vous ? Avec qui travaillez vous, est-ce que vous engagez l’orchestre philharmonique de Berlin ?

FF : Déjà on arrête de jouer, on embauche des mecs meilleurs qui nous remplacent ! (rires)

YS : Dans l’idéal j’aimerai pouvoir investir dans du matériel, dans des instruments... un peu comme fait Radiohead depuis Kid A... Après garder l’équipe actuelle me va, même si ce serait intéressant de bosser avec Godrich, Albini, tous ces noms là...

FF : L’avantage serait surtout de gagner en liberté.

YS : Peut être un quatuor de cordes, et des cors.

FF : Oui, des cors de chasse, des cornemuses, on en rêve depuis si longtemps ! (rires)

Ce n’est que votre troisième disque en 11 ans... pas de reconnaissance publique ni de grandes acclamations critiques, une petite association à Grenoble comme seul support... Je ne pense pas me trompez si je dis que vous ne vivez pas de votre musique, non ?

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YS : Je pense que vu le groupe constitué aujourd’hui, il n’y a jamais eu la volonté d’en vivre... Raisonnablement, vu la musique qu’on fait et l’environnement dans lequel on vit, on ne pourra jamais en vivre comme le faisait Pink Floyd à son époque, qui était numéro 1 en Angleterre avec un disque comme Atom Heart Mother. Un disque comme ça aujourd’hui ne pourrait jamais être numéro 1 nulle part ! La musique reste une passion, le groupe Rien ne peut vivre de ça, et ne vivra jamais de ça, parce qu’on ne peut pas tourner plus de deux semaines par an, à cause des obligations professionnelles de chacun... On pourrait se dire qu’on fait que de la musique pendant 1 an ou 2, qu’on tourne avec des meilleurs cachets, qu’on s’investit là dedans, pour gagner en reconnaissance et en public, mais au final on fait plutôt ça pour enregistrer des disques, faire quelques dates... En plus après tu vieillis, tu peux en avoir marre de tout ça...

FF : Tous les groupes américains qui tournent, ils vivent de mojito et de gin tonic.

La mort du groupe est toujours programmée à 2014 ? Vous n’avez pas repoussé à 2012 à cause de la fin du monde qui va tous nous anéantir ?

YS : Ah tu es mal informé... En fait Jésus Christ est né en l’an 2, et non pas en 0. Hé oui. Du coup tout le monde est dans l’erreur, il n’y a que le calendrier de Rien qui est à jour. Et 2014 est 2012, en fait. 15 ans d’existence, ça nous semble bien... L’idée avec ces sorties d’EP en forme de compte à rebours (3 puis, 2 puis 1, puis probablement Ignition…) c’est de programmer la fin du groupe, mais peut être aussi un nouveau départ vers une autre galaxie…

Merci à Yugo Solo et Francis Fruit pour leur amabilité et pour leur disponibilité. Merci à Virginie qui a facilité ce long entretien. Chronique du concert page suivante.


Le temps de boire une bière, de retrouver quelques membres de la rédac’ arrivés plus tard et le concert dans l’arrière salle surchauffée de l’Espace B (on a bien dû atteindre les 50°C et 300% d’humidité) commence avec Centenaire... Je sais, je sais, je sais... Ça ne sert à rien de faire passer des anonymes au peloton d’exécution. Tout le monde s’en moque de Centenaire, personne ne connait. Déjà que presque personne ne connait Rien, alors la première partie de Rien, sans blagues... Mais parfois il faut que ça sorte, être honnête, dire ce que l’on pense vraiment, assumer son ressenti et exprimer sa stupéfaction face à non pas la médiocrité ou le mauvais mais bel et bien devant la merde pure.

On passe pour un méchant, un frustré, un aigri, un réac’, un animal préhistorique partouzeur de droite même, mais voilà, quand c’est excellent ou bon, il faut le dire, et quand c’est mauvais ou immonde, il faut le dire aussi. La mauvaise qualité n’est pas un passe droit, faire n’importe quoi n’est pas une excuse (pour toute réclamation, je vous renvoie à ce très bon article). De fait, Centenaire figure parmi les groupes de rock les plus merdiques que la petite troupe d’Inside présente ce soir là a eu le loisir d’écouter. Pardon famille tout ça, on n’attaque pas directement les personnes, même si les mots sont durs. Les types de Centenaire sont sûrement très gentils, très sympas, mais la musique qu’ils font est une daube infecte.

Mince, comment ces gens, qui sont vraisemblablement très agréables quand ils n’ont pas d’instruments entre les mains, répétons le, peuvent monter sur une scène ? Est-ce qu’ils ont conscience de ce qu’ils font ? A priori, non. Il est clair que ce groupe ne sait pas ce qu’il fait, qu’il n’a pas de notions d’harmonie, de mélodie, de musique... Il n’ arrive même pas à enchaîner quatre accords convenus et barbants, au bout de deux c’est laid et moche. Les trois membres échangent leurs instruments, ils le peuvent, ils jouent tous le même crincrin de manière autistique, sans se soucier d’autre chose que de mâchonner leurs "parties respectives". On ne distingue pas un morceau d’un autre, ce n’est qu’une longue bouillie cacophonique. Le seul instant rigolo fut de voir un des membres serrer le plus fort possible son synthé, puis le secouer d’avant en arrière (ça doit faire un meilleur son), jusqu’à la chute d’une pauvre maraca (mais que faisait elle ici ?) qui n’avait rien demandé à personne et se retrouva qu’un coup perdue dans les câbles du devant de la scène. Incroyable...

Certes, Centenaire paie pour les autres, pour l’exemple, mais bon, quand vous en arrivez à vous poser la question "est-ce que c’est pire que du reggae ?", il n’y a plus de doutes : vous êtes face à quelque chose de réellement nul. Mais il y a plus troublant, c’est lorsque la réponse est : "oui, c’est pire. Le reggae c’est quand même UN PEU de la musique, il y a au moins quelques principes et arrangements, quelques uns..."

Sur ces considérations peu flatteuses, venons en au consistant, Rien. Malgré des conditions très moyennes (chaleur insoutenable, matériel limité qui saturait trop vite, son un peu trop fort et trop agressif), la performance fut de très bonne qualité. En vrac et en pagaille, on a apprécié l’impeccable maîtrise du groupe, la bonne orchestration des instruments dans l’espace, et pourtant Dieu sait si c’est délicat de faire sonner correctement deux guitares plus un batteur et des percussions dans un bar, l’introduction hilarante, où une voix off raconte tout ce qui est nécessaire dans un concert pour attirer l’attention du public. Entre autres de l’engagement politique, de la subversion et du sexe, d’où cette sentence magnifique : "Valéry Giscard d’Estaing est une salope".

Tout cela était très bien, mais assez frustrant au bout du compte. On rêve de voir Rien dans des conditions royales, où le talent du groupe pourrait s’exprimer dans toute sa teneur, à la Salle Pleyel tiens ! C’est un plaisir d’assister à ces interprétations plus tranchantes, très physiques, mais ce serait encore mieux de pouvoir marquer des pauses, de jouer avec le calme, de reprendre son souffle avant de repartir de plus belle dans des crescendos vigoureux, d’avoir un son qui permet de goûter à chaque note, à chaque nuance... Ce qui, à moins d’un miracle, n’arrivera pas. Leur deuxième album est épuisé, introuvable, le quart d’heure de gloire des grenoblois se résume à une petite tournée tous les trois ans qui culmine avec un passage aux Eurockéennes, perdu dans le bas de l’affiche. Dommage, Rien mérite tellement mieux.



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