Concerts
Isobel Campbell & Mark Lanegan

Paris (Trabendo)

Isobel Campbell & Mark Lanegan

Le 30 janvier 2007

par Sylvain Golvet le 6 février 2007

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Ballad Of The Broken Seas était l’une des bonnes surprises de 2006. Cette collaboration, assez improbable sur le papier de deux artistes aux univers éloignés, s’est avérée fructueuse. On connaissait Mark Lanegan en solo ou bien chantant pour Queens Of The Stone Age, en vétéran du grunge ayant bien vieilli, et Isobel Campbell tentant d’échapper à la pop sucrée du groupe écossais Belle And Sebastian où elle officiait en tant que violoncelliste et chanteuse (parfois). Pourtant le mariage des deux voix, respectivement grave et profonde, plein de vécu de Mark et celle pleine de douceur et chuchotante d’Isobel se fait à merveille tout au long des chansons à l’univers très americana. Quasiment entièrement composée par elle, le disque évoque les 60’s, le western, les chambres de motels miteux perdus au milieu de nulle part, où un couple se fâche, se réconcilie, s’aime. C’est dire si cette musique intimiste nécessite deux fortes personnalités pour les habiter et c’est donc avec une certaine impatience que l’on attend ce que cela pourra donner dans cette petite salle du Trabendo, à deux mètres des musiciens. Attente quelque peu tempérée par ce qui va suivre mais passons d’abord à la première partie.

Pour commencer doucement mais en beauté, William Elliott Whitmore nous fait profiter de son banjo et de sa voix soul. Habillé en noir, coiffé d’un Stetson, et surtout tout seul, il captive assez vite le public par des chansons venues tout droit du Sud des États-Unis. Se tenant le cœur, les yeux fermés il commence son set a cappella par une complainte blues pour ensuite nous gratifier de titres au banjo ou à la guitare. Et nullement intimidé par le fait d’être seul, il s’accompagne rythmiquement par son pied frappant le parquet de la scène, amplifié par un micro placé à côté. Sa voix proche de celle de Lanegan conquiert le public qui frappe dans ses mains au rythme des chansons les plus « folk traditionnel » de son set. Belle entrée en matière pour cette soirée placée sous le signe de l’Amérique.

Arrive donc l’entrée des artistes. Le public semble acquis à la cause de Lanegan. Son arrivée sur scène déclenche les applaudissements immédiats de fans présents pour boire chaque note de la (quasi) légende vivante. Pourtant, ce qui frappe d’entrée, c’est son allure quasi-glaciale, sans un bonjour ni un merci, sans même un regard pour ses musiciens et même sa partenaire. Est-il concentré au point de ne rien lâcher, ou est-ce la fatigue ? En tout cas, le début du concert est assez froid, Mark débitant ses paroles presque mécaniquement, les yeux fermés mais sans véritable implication. Et quand il part en coulisse au bout de quatre chansons, on se prendrait presque à lâcher un « bon ben merci d’être passé ». Bien sûr, il reviendra et l’ambiance se détendra au fur et à mesure des chansons.

Mais question mutisme, cette chère Isobel n’est pas en reste. Elle a beau être ravissante, elle ne semble pas plus encline au dialogue. Esquissant de vagues sourires, elle se bat contre une timidité qui la pousse à regarder le plafond ou à se rassurer en parlant à son guitariste. Il faut dire qu’un petit problème de micro n’arrangera rien. Sur les premiers morceaux, la jeune femme ne s’entend pas dans les retours et nous non plus d’ailleurs. Une fois ceci arrangé, elle nous gratifiera de plus de sourires et de petits « merci » timides.
Le faux (?) couple commence l’exploration de leur album par Revolver, un des plus beaux, puis enchaînent sur Deus Ibi Est ou The False Husband, des morceaux intimistes et sombres, qui passent étrangement vite, presque sans vie. Heureusement, la voix de Lanegan fait merveille et se balade au dessus (ou en dessous) des arrangements dépouillés des trois à quatre musiciens selon les morceaux. Et pour que le répertoire ne s’épuise pas trop vite, ils nous gratifient de reprises et de nouveautés.

Mark Lanegan s’éclipsera deux fois en coulisses, laissant Isobel Cambpell seule pour interpréter les morceaux de l’album où elle est seule ou même des titres issus de ses disques solos. Et bizarrement, elle se lâche plus quand il n’est pas là, et ses musiciens également, comme sa présence les crispait. Elle se met alors à triturer son violoncelle sur un très joli morceau tout en montée, ou à chanter en Italien pour le public français.

La deuxième partie du concert se révèle plus satisfaisante. Lanegan exploite au maximum son timbre caverneux pour la belle ballade qu’est The Circus Is Leaving Town. La complicité commence même à pointer son museau sur Honey Child What Can I Do et (Do You Wanna) Come Walk With Me les chansons les plus sucrées de leur répertoire. Et si l’on observait bien, on pouvait apercevoir quelques regards de côté du chanteur vers sa partenaire, et même un sourire complice (Ah on l’aura guetté !). En tout cas, ils nous gardaient le meilleur pour la fin avec pour le rappel un Ramblin’ Man magnifiquement exécuté. Sur cette reprise d’Hank Williams, le guitariste peut enfin se lâcher avec des notes à contretemps, évoquant le Marc Ribot de Rain Dogs. Puis vient l’inévitable reprise d’un titre de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood, la référence évidente du projet et se sera un Sand bien dans l’esprit du duo mythique. Le concert se finira, pour la joie des fans de Bubblegum, l’album solo de Lanegan, par un Wedding Dress de bonne facture. L’honneur est sauf.

Alors bilan mitigé. Certes les beaux morceaux sont-là, les reprises bien choisies, les musiciens sont corrects. Pourtant on était en droit d’attendre quelque chose de plus habité, de plus charnel. Pas de là à leur demander de se rouler des galoches devant le public, mais les chansons nécessitaient un minimum de complicité entre les interprètes. Parce que finalement, l’album s’est fait séparément, les deux ne se voyant que peu de fois et enregistrant leurs parties de leur côté. Peut-être se sont-ils découverts une incompatibilité d’humeur, faisant regretter à Isobel le partenaire qu’elle avait pour sa précédente tournée ? Et puis il existe aussi des jours sans, où la fatigue et le trac prennent le dessus. On quittera donc la salle vaguement satisfait, en tout cas en attendant la suite, puisqu’ils nous ont gratifié d’une nouveauté augurant d’un éventuel deuxième album.



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