Livres, BD
La Loi Du Rock

La Loi Du Rock

Claude Chastagner

par Brice Tollemer le 14 juin 2011

3,5

paru en octobre 1998 (éditions Climats) ; 265 pages.

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« Le rock est un objet difficile à cerner, volatil et réfractaire à l’analyse. Impossible de l’assujettir, de le réduire à une forme univoque et statique. Tout au plus , peut-on en souligner les contradictions, en dégager la nature complexe et ambiguë. » Voilà comment Claude Chastagner - professeur agrégé d’Anglais et exerçant à l’Université Paul Valéry de Montpellier - commence son ouvrage. Il est peu de dire que le rock est un phénomène ambivalent, impossible à classer dans telle ou telle catégorie. Il peut être tellement rebelle qu’il en devient conformiste et exclusivement sacré qu’il en devient commun. Chastagner fait ainsi le point sur cet état de fait, tout en s’interrogeant sur les raison de son succès.

Au cours de la première partie de l’ouvrage, l’auteur veut tout d’abord montrer que « contrairement à ce qu’affirment les intégristes de tous bords, le rock n’appartient ni aux rockeurs blancs des années cinquante, ni aux musiciens noirs de Rhythm & Blues qui auraient été dépouillés de leur création ; quelles que furent les évolutions ultérieures, le rock est au départ une musique associant des caractéristiques musicales, des artistes et des publics issus des deux communautés. » La naissance métissée du mouvement est ainsi analysée et mise en perspective de manière pertinente et intelligible. La mise en exergue de cette ambivalence originelle constitue une très bonne entrée en matière pour cet ouvrage. De plus, le rappel historique de certaines périodes (comme le Punk) est fort bien ficelé, notamment en ce qui concerne le grand écart entre un esprit contestataire et la massification de l’industrie musicale. Il en est de même sur l’interrogation sociologique de Claude Chastagner, dans le concept de l’individu au cœur de ce mouvement collectif, de la solitude égoïste face à la foule transie.

La deuxième partie du livre est sans nul doute la plus spécifique et la plus originale. La dimension rituelle du rock est étudiée en long, en large et en travers. Le sacrifice de l’idole, l’aspect tribal des concerts, tout est analysé, disséqué, de manière fine sans jamais tomber dans l’accumulation de clichés inhérents à ce genre d’étude. Le fait que cet ouvrage soit le fait d’un universitaire apporte toute la justesse et la retenue finalement nécessaire à ce type de travail. La méthodologie universitaire est ainsi respectée (notes, sources, bilbiographie, etc....) mais l’ensemble reste globalement assez accessible. Bien évidemment, l’association messie/chanteur est évoquée : porte-parole d’une génération, le chanteur rock peut aussi être le martyr de celle-ci, portant en lui tous les péchés de son « peuple ». Le destin brisé des stars du rock morts prématurément (de Jim Morrison à Jimi Hendrix, en passant par Kurt Cobain et John Lennon) renforce encore plus cette image quasiment christique de leur destinée. Rites païens se mêlent ici allègrement à la personnification de Jesus-Christ ou à l’inverse du Diable.

Enfin, Claude Chastagner conclut son propos par l’apparition plus que massive des femmes dans le monde du rock au cours des années, de Patti Smith à PJ Harvey, de Joni Mitchell à Chan Marshall, qui changent fondamentalement le mode de rituel masculin, la psychologie féminine n’ayant pas du tout le même rapport au corps ou à l’expression de la violence libératrice. A la fois étude de civilisation (puisque seulement l’univers anglo-saxon est analysé) et critique sociologique, La Loi Du Rock est véritablement un ouvrage atypique, permettant de mieux saisir les clés et la nature même de ce mouvement musical.



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