Concerts
Lewis, Richard et Berry (Festival de Terre-Neuvas)

Bobital

Lewis, Richard et Berry (Festival de Terre-Neuvas)

Le 8 juillet 2006

par Milner le 24 juillet 2006

Pour la première fois réunis sur une même affiche, Jerry Lee Lewis, Little Richard et Chuck Berry ! Suspenses garantis...

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En retard, réduisant de façon drastique son temps de passage sur scène, Little Richard a rendu fous la plus grande partie de ceux qui travaillaient à l’organisation de sa prestation à Bobital : scènes innombrables entre les morceaux, caprices insensés (menaces soudaines de quitter la scène si le volume n’est pas réajusté), il a derechef commandé une limousine avec vitres fumées, en refusant tout autre moyen de locomotion, pour le conduire dans un drive-in de restauration rapide à la gloire de Ronald McDonald peu avant son heure de fouler la scène, bousculant son horaire prévu initialement à 22h. Bref, l’ex-pasteur de Géorgie a mené la vie dure à tout le monde dans ce trip breton. À tout le monde sauf à quelques personnes. Les deux autres personnes qui ont inauguré cette courte trilogie du rock’n’roll, entendons par là Jerry Lee Lewis et Chuck Berry.

Le premier nommé a eu le cran de démarrer le set rock’n’roll et s’en est sorti avec les honneurs. Ne quittant pratiquement jamais son siège reculé à quelques centimètres de son piano, le Killer ne l’était donc peut-être plus vraiment ce soir-là mais l’âge aidant, il aura réussi à raviver la flamme et son amour de cette musique via ses nombreux tubes dont les plus connus Whole Lotta Shakin’ Going On, Great Balls Of Fire étaient évidemment de la partie. Sa voix reste exceptionnelle et son répertoire imparable. À la fin du show, le programmateur déboule sur la grande scène et annonce aux 50.000 festivaliers que Little Richard est enfin arrivé sur le site ! Info ou intox ? On aurait plutôt tendance à opter pour la seconde tant son attente se fit longue (enfin, c’est vrai qu’étaler les doses de maquillage sur sa peau fripée avant d’enfiler son costume ne doit pas se faire rapidement non plus). Alors, pour patienter, les spectateurs ont l’incroyable surprise de voir débouler sur le piano du Penniman, un Jean-Louis Aubert tout ravi, visiblement de passage en coulisse. Drame pour lui, les quelques notes martelées du Imagine de John Lennon semblent hors-propos et les esquisses de paroles prononcées dans un accent parisien achèvent définitivement l’attente. Bon point pour lui, il se retirera aussitôt le massacre accompli. Pour agrémenter la demi-heure de l’esprit de la soirée, les musiciens de Richard improvisent un jazz-rock dément pendant une vingtaine de minutes, laissant finalement la place à la deuxième vedette de la soirée.

Accompagné d’un gros nounours pour le soulager de la montée des marches, Little Richard impose d’emblée sa démesure : sourire éblouissant, une incroyable choucroute afro qui fait monter le sommet de son abondante chevelure lissée à quelque vingt centimètres au-dessus de son crâne, costume de paillettes bleus, multiples bijoux sur les avant-bras. Très peu d’excuses pour le décalage (il est pratiquement 23h), seules quelques recommandations fort mercantiles sur les exemplaires de sa biographie ainsi que des photos dédicacées, tous disponibles au stand approprié à cet effet. Les sifflets du public ne se font pas attendre et enfin, ça peut démarrer pour un passage raccourci ! Finalement peu de véritables standards à l’exception de Tutti Frutti et d’un Blueberry Hill de l’ami Fats Domino, quelques autres titres ébouriffants de son répertoire en versions allégées voire amputées de quelques refrains. Après avoir livré sa dernière homélie, notre homme quitte une terre peu hospitalière à son goût sans avoir remarqué que « l’ancêtre » Chuck Berry était déjà présent sur le devant de la scène.

Impatient d’attendre la fin de ce cirque, le bon vieux Chuck, de loin le plus âgé (79 ans !), enfourche sa guitare et entame son set avec humour, joie de vivre et forme retrouvée. Sans pour autant sautiller, le guitariste saura faire de la scène sienne et entamera quelques pépites de son imposant répertoire : Rock And Roll Music, Maybellene, Thirty Days, You Can’t Catch Me, Brown Eyed Handsome Man, Roll Over Beethoven, Too Much Monkey Business, Reelin’ And Rockin’, Beautiful Delilah, Anthony Boy (et son ravissant accent italien) et enfin Johnny B. Goode, qu’il reprendra en rappel avec le rôdeur Aubert, apparemment ému pour un solo de quelques minutes dans la bonne humeur et le respect des auditeurs, otages de ce mélodrame d’un autre âge.

Pour la première fois réunis sur une même affiche, les trois hommes n’ont donc pas joué ensemble et ne se sont pas côtoyés en dehors, perpétuant finalement leur rivalité historique dans cet autre millénaire. Désolation. La vie d’aujourd’hui n’est pas bien rose pour les pionniers, les vrais, les purs, ceux qui ont bien mérité du rock’n’roll. Mais la musique demeure et ça, c’est le plus important...



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