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par Emmanuel Chirache le 18 janvier 2011
Paru en 2007 (Louisville)
Kissogram est à n’en pas douter l’un des meilleurs groupes nés dans les années 2000. Confidentiel pour l’instant, ce duo berlinois progresse lentement mais sûrement, convainquant à chaque nouvel album un peu plus de gens qu’ils sont devenus inévitables dans le paysage rock actuel. Après un premier essai très synth-pop, limité mais prometteur, intitulé The Secret Life Of Captain Ferber (2004), le groupe franchit clairement un palier avec Nothing, Sir !. Là où le précédent opus jouait surtout sur la dimension répétitive de l’electro, non sans un certain succès et une habileté remarquable, ce nouvel album diversifie la palette musicale en lorgnant du côté de tout ce que la pop psyché ou la new wave électronique a produit de meilleur, depuis les Doors jusqu’aux Dandy Warhols en passant Bowie, Depeche Mode et leur compatriote Klaus Nomi (la voix de castra en moins). Ajoutez à cela un peu de cette musique de cabaret tant prisée par les Allemands, sans oublier quelques arabesques orientales, et vous obtenez un disque hyper dansant, sexy et sombre à la fois, burlesque et disco.
En vérité, il est plutôt compliqué de mettre une étiquette sur Kissogram, tant Jonas Poppe (chant, synthé) et Sebastian Dassé (guitare, synthé) aiment brouiller les pistes. La presse allemand parla ainsi à leur égard de "Bohemian disco wave", de "hungover melancholy electronic pop", ou encore de "discosound with sweating rock’n’roll". Peu importe le flacon... L’essentiel réside dans cette capacité du groupe à éveiller les sens et les maintenir en alerte. Difficile de rester insensible à la musique du duo, à moins d’abhorrer les synthés et le dancefloor. Côté pop psyché, le disque s’ouvre sur l’excellent Car Crash Bop, relecture synthétique des Doors. Ces derniers inspirent également les plus délicats I’m The Morning After, Blue August et même Buzzard King, référence explicite au "Lizard King" Jim Morrison. Kissogram partage d’ailleurs avec le groupe de Morrison une même obsession pour Kurt Weill si l’on en croit tous les emprunts au genre de l’opérette à l’intérieur de l’album, imitation du clavecin, tempo sautillant. Dès le très orientalisant I’m The Night Before, la parenté saute aux yeux entre Weill, Nomi et Kissogram, entretenue par le quasi numéro de cabaret burlesque qui suit, Come Spring Come Reason. Excellent morceau aux paroles légères ("yesterday I slept with my hair-dresser, now I’ve got curly hair and stormy weather") et à la mélodie efficace qui nous amène au cœur du disque.
C’est alors que Kissogram gagne définitivement ses galons de formation à suivre de très près. Car les titres qui arrivent retiennent l’attention encore davantage. On se délectera ainsi du très rock Shuffle Along (utilisé dans notre vidéo promotionnelle pour Inside), petite tuerie acérée qui plaira aux plus revêches d’entre nous. La guitare électrique groove tandis que les synthés sifflent, voici venir le rockabilly new wave ! Un peu plus loin, Snow White In The Train est un délire bollywoodien insensé et envoûtant. La plupart des instruments, violons, sitar, sont joués au synthétiseur, ce qui perturbera sans doute certains, pourtant le pastiche sonore donne un vrai parfum à l’ensemble et le tournis à l’auditeur, qui se met à sortir de son panier en ondulant tel un serpent face au charmeur. Après autant de verve, Jonas Poppe et Sebastian Dassé en profitent pour sortir LE single pop de Nothing, Sir !, à savoir She’s An Apple Pie, adorable petite ballade bubblegum qui fond dans l’oreille.
Si seulement ça s’arrêtait là. Oui mais non. Kissogram ne connaît tout simplement pas de coup de mou, et In The Wilderness est une nouvelle pépite à ranger à côté des autres sur la cheminée. Là aussi, l’ami Klaus Nomi et sa new wave flippante ne sont pas loin. Idem avec Manager In Love, à la patate toujours aussi étonnante. Il est désormais établi que les Kissogram sont de véritables machines à danser, des fracasseurs de dancefloor, des rois du beat. Leurs synthés font plaisir à entendre et la voix de Jonas renoue avec les intonations des années 80 sans tomber dans la posture grotesque. Vous l’aurez compris, il faut se procurer ce disque. Sauf si vous vous appelez Thibault Voyard, vous en êtes dispensés.
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