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mercredi 15 avril 2015
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par Psychedd le 20 février 2006
Librairie Anathème Fayard, 2001, 348 pages
Une fois encore, je me plaignais d’être née trop tard. Une fois encore, un vétéran sauve la mise et a fait irruption dans ma vie pour me raconter des souvenirs d’une époque que nous ne connaîtrons plus jamais.
Plus de quatre ans après la sortie de ce bouquin, remercions encore Alain Dister de nous amener sur un plateau d’argent le témoignage d’une époque et d’un état d’esprit dont on ne comprend plus rien aujourd’hui. Récit d’un périple qu’il a commencé en 1966, la tête pleine des héros de la Beat Generation, du rock’n’roll et d’envie de s’évader.
Car en 1966, Alain Dister peint, fait de la photo et se fait royalement chier en banlieue parisienne. Tout cela avant qu’on lui propose un plan pas trop onéreux pour aller à New York. Histoire d’aller vivre son rêve sur place, il décolle et c’est parti pour 348 pages de souvenirs tendres, intenses, prenants et intimes.
Des souvenirs tirés de carnets de ses voyages américains, écrits sur le moment, auxquels l’auteur ajoute des passages récents où ses relations sont évoquées, qu’elles soient amoureuses ou amicales. Mais point de nostalgie à faire pleurer ou qui lasse. On se plonge avec délice dans ces fragments de mémoire et l’on s’identifie. Car voilà une aventure à laquelle on rêve vite de participer !
Le début montre encore l’attachement de Dister pour des auteurs comme Kerouac ou Burroughs, pas de tricherie donc, il est réellement imprégné de cette culture et compte bien partir lui aussi On The Road. New York, le Canada, Chicago et surtout San Francisco, le petit français se retrouve propulsé en pleine explosion musicale, culturelle et spirituelle. Peu à peu, son style s’affine et se personnalise. Il propose une analyse pertinente du mouvement pas encore appelé "hippie" à l’époque et nous voilà au milieu des acid freaks, dans des communautés où ça sent l’amour, l’encens et le pipi de chat.
Pas chiant pour deux euros, voilà même un bouquin qui comporte la sainte trilogie de tout rocker qui se respecte : Sex, Drugs & Rock’n’Roll
Quelques exemples ? Expérience sous acide, récits de ses nombreuses parties de jambes en l’air, comparaison appliquée des meilleures variétés d’herbes, MST et morpions. Ça, c’est pour le sexe et la drogue.
Le rock maintenant : Alain Dister est un sacré veinard qui a vécu des choses incroyables. Roulage de pelle à Janis Joplin, copinage avec Zappa, communication télépathique avec Syd Barrett. La classe absolue, mais ce n’est rien par rapport à tout ce qui est contenu dans cet ouvrage.
Mais à côté de tous ces petits bonheurs, il y a aussi le constat d’une génération tellement occupée à s’envoyer en l’air, que beaucoup ne sont jamais redescendus. Après le rêve vient le cauchemar, et ça, l’auteur n’hésite pas à le dire. Il n’y a aucune image d’Épinal là-dedans. Juste la vérité pure et dure. Crue même parfois, car la tristesse prend le pas sur la joie, la lassitude sur l’exaltation. Mais il faut ça ausi pour fournir l’analyse la plus pertinente et la plus complète d’une période complexe. Et dingue surtout, complètement dingue...
Le style de Dister est tout bonnement prenant et vivant, devant vous s’animent les Diggers qui distribuent la soupe, on roule en Cadillac dans le désert, on mange un sandwich avec les Grateful Dead et on s’attache. Profondément. On apprend à connaître et à aimer cette galerie de personnages hauts en couleur et l’auteur nous y aide beaucoup.
Oh, Hippie Days ! est un livre de qualité, peut-être le meilleur qu’un journaliste français ait pu pondre à propos de cette fin de décennie qui a contenu tant de rêves et de désillusions. Si vous voulez un avis personnel, il est même indispensable.
À se procurer de toute urgence, et à lire en prenant bien le temps de savourer...
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