Pochettes
Petit traité de pochettologie

Petit traité de pochettologie

par Sylvain Golvet le 20 avril 2011

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La pochette ne fait évidemment pas le contenu tout comme l’habit ne fait pas le moine. Cela dit, il est toujours intéressant de se pencher sur cet art à part entière, qui n’existerait pas sans ses règles, ses codes, ses tics ou ses transgressions. Au point qu’il est en fait assez facile d’établir une certaine cartographie de la pochette de disque, qui permet souvent de définir dans quel genre se situe le contenu. Mais comme tous codes existent pour êtres détournés, on a aussi affaire à quelques savoureux hommages, parodies ou même foirages complets. Petite cartographie par genre.

Montre-moi ta pochette, je te dirais ce que tu joue.

  • Folk, country.

Genres évidemment très codé, où l’auteur-interprète est roi, le folk comme la country se sont pendant longtemps assez peu écartés d’une nomenclature visuelle simple : un portrait de l’artiste, souvent réalisé en studio avec son instrument suffit largement. La priorité est à l’informatif. On doit reconnaître en un coup d’œil notre artiste préféré, identifié par son nom et son visage.Tout juste un accessoire vient trahir le genre investi (le chapeau chez Hank Williams). Enfin, le nom de l’album permet à l’acheteur de ne pas se tromper avec son opus précédent.

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La pochette folk-country.

Bitter TearsParfois vient s’intégrer une petite mise en scène reflétant l’univers proposé par le disque, surtout si celui-ci obéit à un concept. Exemple : Bitter Tears est l’occasion pour Johnny Cash de lever le poing -> c’est un album de revendication) et d’arborer un magnifique bandeau indien -> c’est un album pour la cause des natifs américains.

Bref, ces genres, avec le rock’n’roll et la pop, feront récemment les grandes heures du sleeveface. [1]

Des exceptions : On observe une certaine offensive indie depuis l’apparition du concept d’americana ou d’alt-country. Wilco, par exemple, a fait de l’épuration et de la sobriété une règle pour ses pochettes et semble inspirer la même chose de la part des illustrateurs de leurs systématiquement magnifiques posters de concert.
Wilco

  • Jazz : Reid Miles et Blue Note.

En 1955, Reid Miles a été embauché par Blue Note pour réaliser un grand nombre de pochettes du label. Au style proche de Saul Bass, il réalise des pochettes magnifiques à partir de rien : une photo, une typo, quelques lignes et formes géométriques.

Reid Miles

Et comme Saul Bass pour les génériques de film, son influence va être énorme, tout en faisant de ce style un condensé parfait des 60’s. Maintenant encore, Blue Note sort des pochettes qui ont sa patte (Erik Truffaz), tandis que les artistes peuvent très facilement réaliser des pochettes qui évoquent immédiatement le jazz de cette époque. (Jazzmatazz)

Des pochettes qu’on peut retrouver sur ce site qui reprend l’intégralité des disques Blue Note : http://www.gokudo.co.jp/Record/BlueNote4/index.htm

  • Metal.

S’il existe un genre qui obéit à des règles très définies en terme de pochette, c’est bien le métal. Chaque sous-genre semble avoir sa nomenclature, dans l’évidente lignée des groupes de prog-rock et heavy-métal des années 70-80.

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« Excuse all the blood » (Sic)

Le death metal fait par exemple les grandes heures des illustrateurs versés dans les scènes héritières de Bosch et autres inspirateurs à caractère maléfico-morbide. Des caractéristiques qu’on peut retrouver dans le black metal dans un esprit encore plus sulfureux, à l’image du genre (cf. pochette de Mayem).

Dans l’absolu, le but est de proposer une imagerie percutante, iconique, tel l’ami Eddie d’Iron Maiden. Évidemment, toute cette école, biberonnée à l’Heroic Fantasy pendant les années 1970, a été traumatisé par les illustrations sévèrement burnées de Frazetta.

Une des donnée importante du genre est la place essentielle du logo. Quel groupe de la galaxie métal n’a pas sa typo dédiée, et son logo (évolutif) est un signe de ralliement aussi important que l’aspect vestimentaire de ses membres.

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La pochette metal

On assiste par contre à une relative absence de photos des groupes, peut-être à cause de physiques trop ingrats, ou bien pas assez.

À quelques exceptions près, et à l’image du genre, la nuance et la sobriété sont en tout cas assez peu présents. Il faut plutôt se tourner vers le metal plus avant-gardiste, à la lisière des autres genres pour voir apparaître quelques tentatives transgressives, Tool en tête.

Parmi ceux-ci, notons par exemple les magnifiques illustrations de John Baizley, membre de Baroness, qui réalise les belles pochettes de son groupe ou de Kylesa, Skeletonwitch ou même Flight of the Conchords. Son style coloré évoque des univers assez éloignés de ses collègues.

Autre exemple, Deftones. L’épuration de la pochette de son troisième opus White Pony correspond au virage plus indie du disque. Ensuite, ils feront même pour l’album suivant une sorte d’hommage post-moderne au métal, à base de crâne et de roses.

  • Indie Rock.

Dans un monde de plus en plus culturel et porté sur l’image, et où la musique est en pleine explosion et en mélange des genres, il est naturel que l’imagerie des disques ait suivi la même voie. Pour être tout à fait honnête, la pochette d’indie rock est presque indéfinissable tant elle est multiple. Mais cette liberté à ses limites, au point qu’un visuel peut être totalement déconnecté du contenu (En témoigne l’excellent méthode pour créer sa pochette perso au hasard et qui fonctionne à merveille.).

Néanmoins quelques motifs peuvent être repris :

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La pochette indie.

Rendons tout de même hommage à la liberté offerte aux designers, photographes, illustrateurs, qui ont gagné la possibilité d’exprimer une sorte de folie créative, jusqu’à proposer des formats très particuliers. On peut citer la metal box de PIL, les coffrets collector de Radiohead ou la pochette du () de Sigur Rós, des exemples parmi d’autres.

L’hommage post-moderne / la parodie.

Comme tout art arrivé à maturité, c’est une ère post-moderne qui s’est ouverte, avec son lot d’hommages, de parodies et de deconstructions.
Comment ne pas voir dans la photo des Basement Tapes une référence directe à l’hallucinante pochette de Thelonious Monk pour Underground.

Plus tard, Dan the Automator, rendra hommage à Gainsbourg avec Lovage.

Et comme pour beaucoup de sujets, South Park avait très bien résumé l’affaire, et mis le doigt sur le plus important : une bonne pochette de rock, c’est des mecs qui regardent au loin et qui font comme si ils en avaient rien à foutre.

Les foirages.

Impossible de terminer ce petit tour d’horizon sans faire un petit tour par les échecs, les foirages et les ratages. Autant d’exemples qui défient autant les règles du marketing que celles du bon goûts. [2]

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Au fond, toutes ces règles se révèlent surtout bien pratiques puisqu’elles permettent de se retrouver plus facilement dans les bacs surchargés de son disquaire. L’aventurier en quête de découvertes, mais sûr de ses goûts saura en un simple coup d’œil repérer quel disque répondra a ses envies, mais surtout dans quel genre celui-ci se situe. Tout en ne garantissant absolument pas la qualité du contenu.

PETIT QUIZZ

Saura-tu reconnaitre le genre de chacun de ces albums ?



[2Bravo entre autres au site Bizzare Records pour ce genre de petites trouvailles.

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