Voilà une pochette de disque qui illustre magnifiquement bien son contenu. En effet, si une pensée reste après l’écoute de ce Reservations de Sodastream, c’est celle qu’il n’en finira pas de pleuvoir sur nous, et que sur nous, pas ailleurs. Cela s’appelle de la mélancolie, de la tristesse voire de la déprime, comme vous voulez, mais on peut dire que le groupe Sodastream sait s’y prendre pour exprimer en musique tous ces états d’esprits.

Sodastream est un groupe australien formé de deux acteurs principaux Karl Smith et Pete Cohen qui ensuite savent s’entourer de musiciens de sessions compétents pour enregistrer leurs albums. Ce Reservations est leur quatrième opus et marque un retour au néo-folk après quelques tentatives plus pop mais moins convaincantes.

Retour aux sources donc que l’on apprécie dès le titre inaugural, Warm July, où le narrateur nous conte sa séparation douloureuse avec l’être aimé. La couleur et le ton sont donnés, le reste sera du même acabit, les textes explorant tour à tour les diverses facettes du mal-être et du sentiment de perte de contrôle de soi. Le tout sur des compositions lentes, où divers instruments tissent des ballades élégiaques et sophistiquées.

Mais c’est beau, c’est touchant. Le parallèle avec l’œuvre de Nick Drake est alors évident, trop même, ce qui rend les choses un peu gênantes parfois. On se prend à hésiter tellement le grain de voix de Smith est parfois proche de celui de son glorieux aîné. L’inspiration semble en tout cas assumée. Il n’empêche que certains titres valent vraiment le détour dans ce registre du folk dépressif et sombre. Tickets To The Fight est bien représentatif de la science du duo pour mêler arpèges de guitare acoustique cristallins avec d’autres instruments plus classiques. Le piano prend le relais sur Anniversary, le refrain d’une tristesse absolue est entonné en duo :

"Then you ran to me

You said it’s cold with the lights down

With the train running right through my head I know that you’re not around

Oh you’re not around"

Une partie de hautbois vient épaissir ce chant hanté et magnifique. Anniversary est un titre somptueux dans son genre, comme le sont beaucoup de morceaux sur ce disque habité d’une humanité désabusée. Ce Reservations pourrait en tout cas bien faire office de concept album tant il explore en profondeur, avec une cohérence absolue du début jusqu’à la fin, les troubles de l’âme humaine, ces douleurs du quotidien, ces chagrins qui restent. En cela, il s’inscrit dans une tradition bien établie, ne la renouvelle aucunement mais propose à partir de là des morceaux d’une beauté parfois sensationnelle.

À côté de tout cela, le titre éponyme, casé en deuxième partie d’album, fait figure d’ovni avec sa mélodie accrocheuse et son refrain entraînant, comme une réminiscence de l’album précédent Looks Like A Russian, comme un espoir dans un océan d’incertitudes. Océan qui reprend vite le dessus avec la composition suivante Don’t Make A Scene, qui reprend la thématique de la brouille amoureuse, encore une fois parfaitement mise en scène dans la cohérence entre texte et musique.

Les disques de Sodastream sont peu connus en France et uniquement disponibles en import. Ceci est bien dommage tant ce groupe, dans son genre, sait composer quelques perles étincelantes. On ne saurait donc que trop recommander ce groupe aux amateurs de guitares acoustiques apaisées et apaisantes et de lyrisme angoissé, ce qui bizarrement va souvent de paire mais procure des sensations non dépourvues d’intérêt. À essayer.

Sinon, quand on regarde au dos du disque, on voit que la pluie est générale. Pas si rassurant que ça.