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Rock en Seine 2007

Saint Cloud

Rock en Seine 2007

Les 24, 25 et 26 août 2007

par Giom, Sylvain Golvet le 4 septembre 2007

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Vendredi 24 août

En route pour la 5ème édition du festival francilien, ce Rock En Seine qui ne cesse de grandir, succès et moyens obligent, pour passer cette année à trois jours de concerts sur trois scènes. Bien sûr, ce festival est et restera un rendez-vous plutôt sage et rangé, pour preuve la discipline et la retenue du public certes rebuté par le zèle de la sécurité à repérer toute trace d’alcool que certains tentent de faire rentrer coûte que coûte et par le prix exorbitant de la (fadasse) bière. Mais Giom et moi n’allons pas bouder notre plaisir pendant ce week-end puisque la programmation nous offrira de quoi compenser nos envies de malt et de houblon.

Et c’est aux vieux lézards de Dinosaur Jr de lancer les hostilités. De retour aux affaires comme de nombreux autres depuis quelques années, le groupe n’a pas bénéficié du même buzz que ses collègues revivalistes. Alors que les Jesus & Mary Chain pourront se débattre sur la grande scène, nos trois briscards d’Amherst se voient relégués à 16 heures sur la scène de la Cascade devant un public forcement clairsemé. Mais la nonchalance naturelle de Lou Barlow, Murph et surtout de J Mascis, ce personnage mythique que la scène indé américaine (celui que Thurston Moore voyait en président dans Teenage Riot), fait bien comprendre qu’ils n’en ont que faire et qu’ils sont avant tout là pour jouer. Sans esbroufe aucune Dinosaur Jr sort alors les instruments pour faire parler les chansons, qu’elles soient nouvelles (cf. le récent album Beyond) ou anciennes ou reprises (Just Like Heaven, Cure) et on comprend alors que cette reformation n’a pas grande prétention financière ou buzzesque, si ce n’est profiter de la mouvance actuelle pour s’amuser comme avant. Et J Mascis, qui semble ne faire qu’un avec sa guitare et son petit mur de Marshall de se lancer dans ses mythiques solos qui auront le mérite de nous refiler la banane pour la journée, voire le week-end. Et tant pis pour les retardataires.

Mogwai quant à eux prennent possession de la grande scène habillés aux couleurs de Saint Etienne. Les Ecossais n’ont pas vraiment d’actualité depuis la sortie de Mr Beast en 2006 et honorent peut-être une promesse de concert non tenue l’année dernière. Allons savoir… Le set qu’ils proposent est en tout cas cette fois-ci assez convenu sans véritable morceau de bravoure post-apocalyptique. On apprécie toujours leur mélange de beats electro et de guitares stratosphériques caractéristiques des ambiances créées par ce groupe déjà ancien sur le circuit du post-rock. Cependant, ce passage à Rock en Seine confirme que Mogwai est peut-être plus un groupe à savourer (toutes nuances comprises) sur son canapé qu’à voir en festival toutes guitares dehors et donc fatalement avec moins de nuances. Les concerts passent, les disques restent comme dirait l’autre.

Plus tard sur la Grande Scène arrivent The Shins auréolés du récent succès de Wincing The Night Away. Il est loin le temps où la charmante Nathalie Portman plaçait une mélodie du groupe dans les oreilles de son collègue de Garden State. The Shins n’est (déjà) plus une nouveauté et le groupe a beau s’appliquer à parfaitement exécuter ses compositions à la note près, il semble avoir du mal à faire vibrer un public à peine échauffé et en manque de sensations (courage, les Hives arrivent bientôt !). Le groupe de James Mercer – l’anti-rock star absolue au physique de prof de math – proposera cependant un final plus électrisant qui parviendra à faire se déhancher certains. The Shins déçoit cependant et ne semble pas non plus être très à l’aise en plein air. Dommage car on sent tout de même un fort potentiel pop capable de fédérer un public en quelques accords bien sentis.

« Bonjour, je suis Pelle Almqvist et this is les Hives ! » C’est dans ce franglais approximatif que les suédois investissent la grande scène surplombée d’un magnifique néon très « fifties revisité par le disco » à leur nom, et le tout en costume noir et cravate zébrée du plus bel effet. Ce que le Shins avaient oublié chez eux, The Hives vont le servir sur un plateau, c’est à dire folie, humour et rock n’ roll. Quoiqu’il arrive les cinq rigolos ne seront jamais essentiels au monde de la musique, ils auront beau faire comme si, ils n’inventeront jamais rien non plus. Ils le savent d’ailleurs probablement eux aussi et quand Almqvist prend la parole pour se vanter de ses propres mérites « Oh I can’t stand it anymore ! Too fucking good music ! » personne n’est dupe du ton parodique de l’affaire. Donc autant ne pas perdre de temps et balancer ce que le public veut : du fun, du fun et encore du fun en trois accords et deux minutes maximum. Ce qui a le mérite de pouvoir enchaîner plus de chansons que la concurrence, chansons qui se partagent entre les anciennes que le public du jour connaît plutôt pas mal (franc succès de Hate To Say I Told You So ou Walk Idiot Walk) et les nouveaux du Black & White Album à venir en octobre, c’est à dire quasiment les mêmes. De toute façon, inutile de chercher de la prétention là où il n’y en a aucune et admettons que le groupe frappait la journée d’une bonne dose de style, entre jets de baguettes synchronisés, grimaces de guitariste et pose post-Jagger du « howler » de service. Notre ami Pelle serait bien d’accord avec moi, mais surtout avec lui même, et comme il le dit si bien, « Quand je suis d’accord avec moi-même, c’est là que commence le magic de les Hives ! »

Au loin sur la Cascade, la belle Émilie Simon délivre un set plutôt nerveux accompagnée de ses fidèles musiciens. Toute de blanche vêtue, elle tranche avec les tenues sombres de ses partenaires. Un ange dans un univers de démons ? On passe.

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Arcade Fire par écran interposé

L’heure que tout le monde attend est enfin là. 21 h 45, l’heure montréalaise. Alors que plusieurs spectateurs (probablement hautement alcoolisés) se trompent et foncent voir les 2 Many DJ’s en train de remixer Arcade Fire mélangé à du CSS sur la scène de la Cascade, la véritable formation québécoise fait son entrée sous des applaudissements nourris à l’opposé du site. Le groupe de Win Butler et Régine Chassagne (qu’elle est formidable, soit dit en passant) a écumé les festivals cet été et commence donc à avoir du métier pour faire défiler ses ritournelles baroques christianisées. Le livre biblique rouge est bien évidemment de la partie et apparaît de façon magistrale à chaque coupure entre les morceaux. La mise en scène du groupe un brin cirquesque est toujours enivrante en contrepoint de l’attitude de marbre de Win Butler, qui semble épuisé par tant de concerts en si peu de temps, mais, tel un Hector de bronze, jette toutes ses dernières forces dans la bataille. Les tambours volent donc pour le plus grand plaisir de tous ! Les tubes de Funeral sont maintenant totalement digérés par un publique capable de chanter à l’unisson les mélodies les plus accrocheuses et les titres de Neon Bible, bien qu’évidemment moins populaires pour le moment, sont quant à eux parfaitement exécutés. On retiendra Black Mirror et bien sûr Intervention impressionnant avec sa partie introductive d’orgue mélangée à une rythmique acoustique enivrante. Une merveille que ce groupe en action capable de former de petits tourbillons sonores qui ravagent une foule à peine contentée. Comme d’habitude, Arcade Fire quitte la scène sur les détonnant Rebellion (Lies) qui laisse le public médusé et toujours assoiffé. Le contrat sera ensuite rempli grâce à un rapide retour pour une ultime pépite de Funeral et les Canadiens partent définitivement laissant derrière eux un délire de contentement. Performance à la hauteur de toute les attentes, Arcade Fire a définitivement trouvé une recette qui marche et qui en plus est vraiment savoureuse.

A la suite du concert, les hommes de Jean-Paul Huchon ouvrent à gauche de la scène une brèche pour permettre aux bons Parisiens de retrouver leur ligne 9 préférée. On sait jamais, des fois qu’on voudrait s’aventurer dans Saint Cloud la Rouge ! Brrrrr…


Samedi 25 août

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Les allemands sont les maîtres des marionnettes

« Tiens, et si on se mattait un petit épisode du Muppet Show avant d’aller à Rock en Seine ? » Que nenni, les organisateurs ont pensé à tout et nous offrent sur la scène de la cascade le show mythique en version hip hop. Voici donc Puppetmaztaz, groupe de rap allemand (ouinnn !) avec marionnettes (ouaisssss !), mené par les pendants à survêtements de Kermit, Rowlf, Animal, tous dirigés par le MC Gonzo. Bien sûr les mimiques des marionnettes adaptées au côté vindicatif du rap font immédiatement sourire, d’autant que les morceaux sont entrecoupés de dialogues savoureux et par l’apparition progressive de nouveaux personnages (et oui même Yoda était là !). La petite troupe se paie même le luxe de faire bouger le public grâce à des chansons plutôt efficaces et des intrus inventives loin d’être mises en retrait par rapport au visuel. Alors bien sûr, les vrais rappeurs qui se cachent derrière ressentent probablement une frustration et c’est sûrement pour cela qu’ils se permettront une petite sortie en chair et en os, avec perruque, à l’occasion d’un morceau très Beastie Boys. Jolie mise en bouche pour cette deuxième journée.

The Fratellis ouvrent les hostilité sur la grande scène pour trois quarts d’heure de sous-Oasis décapants. Performance très efficace pour les amateurs du genre mais qui ne peut cependant que laisser un goût amer de déjà vu. Le combo familial a ainsi le choix, soit il évolue dans les années à venir, soit il disparaît. Pourvu qu’ils choisissent la première option. Les quelques nouveaux titres délivrés pour le public de Rock en Seine ne laissent malheureusement pas envisager cela.

Si les Fratellis ne font pas dans l’originalité, les Cold War Kids qui leur succèdent sont d’une autre trempe. Fort d’un premier album classé parmi les bonnes nouvelles de 2007, le groupe produit un son épatant, pour cela grandement aidé par la voix mi-féminine, mi- soul man du chanteur. Ajoutez à cela le soutien efficace d’un bon guitariste et la mayonnaise prend instantanément. Derrière ces mouvements de cou à la Thom Yorke lorsqu’il est au clavier tout en chantant, le leader du combo propulse les titres du groupe vers des sommets d’intensité grâce à un melting pot musical très perfectionné. En effet, les Cold War Kids ont la chance de compiler une musique très efficace et en même temps originale avec en plus de cela une présence scénique remarquable, sans grandiloquence. Le titre Hang Me Up To Dry, joué en dernière partie de set et ultime pépite du groupe laisse exploser son aspect tubesque pour combler une foule qui ne regrette plus du tout l’annulation de la diva de la maison du vin. Nouvelle preuve que la Guerre froide est terminée, ses enfants préfèrent faire chanter les foules plutôt que de stocker des missiles dans le grenier. Pour notre plus grand plaisir. Révélation de l’année.

Même si celui-ci tend de plus en plus vers les sphères rock, la présence d’Eric Truffaz confirme l’éclectisme de la programmation qui se penche ici vers le jazz fusion. Tant mieux pour nous d’ailleurs, la prestation étant loin d’être inintéressant. Même si votre serviteur a quelque peu raté le début du set, le beau temps et le bon son rendaient idéales les conditions de la prestation ou la virtuosité des musiciens était moins portée sur la branlette que sur l’envie de créer une ambiance envoûtante et un écrin soutenu pour les (assez rares) interventions du trompettiste. C’était donc souvent prenant sauf quand Ed Harcourt viendra les rejoindre. Là le côté « chanson pop mélangé à des arrangements jazz » passait beaucoup moins bien. Malgré tout on retiendra les très jolis soli de clavier de Patrick Muller et l’intense jeu de batterie de Marc Erbetta.

La classe à l’anglaise fait son apparition aux alentours de 19 heures avec le toujours merveilleux Jarvis Cocker. Il a beau maintenant être presque vieux et ne toujours pas savoir parler français après quatre ans de vie parisienne, il reste quoi qu’il en soit formidable avec sa veste, ses grosses lunettes et sa musique si stylisée. Et les petites merveilles pop de son album solo homonyme le sont également, passant parfaitement l’épreuve du live à grande échelle. Jarvis a toujours une présence scénique impressionnante aussi bien quand il questionne un représentant du public couvert de boue – « The muddy man » pour les intimes - que quand il s’effondre après une partie de chant de bravoure. La voix est toujours reconnaissable parmi cents, qui porte en elle toute l’ironie british caractérisée par le songwriting de Cocker. Un des meilleurs live de la journée qui aurait mérité d’être programmé plus tard, au crépuscule, comme le regrette d’ailleurs le chanteur pour que le ciel puisse s’harmoniser avec ces beaux accords feutrés. Mais cela n’aurait sûrement pas branché les nombreux fans de Tool même si l’ancien leader de Pulp, au lieu d’offrir à son public une reprise de son combo d’origine (dommage !) a choisi de reprendre un petit Black Sabbath de derrière les fagots qu’il est même capable de parfaitement s’approprier. La classe !

La Cascade présente en début de soirée l’une des grandes sensation de l’année : CSS. Le combo quasi-féminin (n’oublions pas le mec batteur un brin titubant à la recherche d’une bière qu’il ne trouvera jamais et c’est tant mieux !) a fait le déplacement du Brésil pour faire se trémousser les Parisiens. Mission accomplie entre hommage à Paris Hilton (décidément, pas moyen d’y échapper à celle-là) et appel à faire l’amour. Toutes guitares dehors, les filles de CSS savent mettre une ambiance de feu qui ravit les lycéens mais laisse un peu de marbre les plus vieux… qui attendent les Rita Mitsouko. Sympa en effet mais sans plus, une sorte d’anti-Shins, ou la musique qui ne passe pas ailleurs qu’en festival. Malgré la tenue fluorescente kitchissime de la chanteuse et ses efforts pour soulever l’enthousiasme.

Mon collègue Giom étant parti bien vite dans l’enfer du pogo [1], c’est à moi de vous parler de Jesus & Mary Chain, en tant qu’observateur plus « objectif ». Accueillir à Paris la reformation du groupe mythique des frères Reid était paraît-il un événement, plutôt une occasion de se faire une idée de l’aura qui entoure ce nom depuis plus de vingt ans maintenant pour ma part. Parce que je n’ai jamais pu aller au delà de trois morceaux de Psychocandy faute à l’inaudibilité de la production. C’est donc plutôt de la curiosité qui me pousse vers la grande scène, émoustillé depuis avoir appris qu’ils ont été rejoint par Scarlett Johanson pour Just Like Honey à Coachella, dans une sorte d’hommage à Lost In Translation, même si je ne me fais pas trop d’illusion. La formation est à cinq, sans Bobby Gillepsie à la batterie bien sûr (le grand garçon a son groupe Primal Scream depuis longtemps maintenant), mais les deux frères ennemis sont bien là. Dès la deuxième chanson, ma curiosité cède la place au plaisir de retrouver Head On, repris par les Pixies sur Trompe Le Monde. Et bien exécuté qui plus est, on est bien loin du brouhaha confus, le son est certes agressif, secoué de larsens, pour l’un des concerts les plus forts du festival, le tout sonne à la fois dur, enlevé et urgent. Il n’est pas la peine de chercher où les BRMC ont été piquer leur son, les écossais sont là pour remettre les pendules à l’heure et sans pour autant paraître en retard d’une guerre (mais peut-être qu’on avait pas pris beaucoup d’avance). En tout cas le concert semble unanimement salué par le public alors que l’ambiance reformation + jeu de scène inexistant pouvait augurer du pétard mouillé. Jim Reid s’en étonne presque lui-même lui qui promène habituellement sa mine acariâtre, se permettra même d’en sourire (« Oh, you enjoyed it ! »). C’est ce qu’on appelle un retour gagnant.

Soyons clairs, Les Rita Mitsouko ne sont pas ceux que nous attendions le plus. A la vue de la foule qui s’amasse devant la scène de la Cascade, on peut cependant se demander s’il ne s’agit pas de la grande tête d’affiche de la journée (n’en déplaisent aux fans de Tool depuis longtemps installés devant la Grande Scène à attendre la révélation du troisième oeil). Les Rita donc ont un patrimoine musical bien établi mais n’en abusent pas, laissant la part belle à de nombreuses nouvelles compositions. Dommage car elles ont très peu de saveur. Le groupe n’est jamais aussi efficace que quand il revisite ses tubes parlant d’histoires d’amour qui finissent mal ou de personnages amoureux de la vie et finalement assassinés par la mort. Le reste n’est que futilité et manque de corps. Le public, beau joueur, applaudit chaque titre mais ne se réveille véritablement que quand il reconnaît les premières notes de morceaux hautement radiodiffusés ces vingt dernières années. On n’échappe difficilement à son passé, surtout quand il a été décrété patrimoine mondial de la chanson française par RTL 2. La déception de la soirée.

Quand les premières infos sur la programmation sont sortis un nom sautait déjà aux yeux : Tool sera à Rock en Seine en ce mois d’août 2007. Cependant l’info n’aura interpellé que les connaisseurs puisque si le groupe jouit d’une réputation élogieuse chez les amateurs de rock extrême, il semblait peu probable que l’évocation de leur venue ait excité le lecteur parisien des Inrockuptibles. Car Tool est bien le contraire du groupe hype, il s’est fait sa réputation à force d’albums atypiques et immersifs. Louons donc le courage des programmateurs de les proposer en tête d’affiche d’un samedi soir, d’autant que leur musique se prête assez peu à la fête et à la communion. De fait, même si le côté spectaculaire aura attiré les curieux, il faut avouer que les rangs étaient bien moins serrés que lorsque la célèbre islandaise investira la grande scène le lendemain. Ce qui peut se comprendre vu le caractère hors du commun de l’ « art total » que propose Tool. En clair, on adhère ou on rejète. (voir l’excellent dossier de Ramblin’ Man)
Etant moi-même déjà bien convaincu par leurs énormes qualités discographiques, j’avais hâte de découvrir le spectacle à réputation élogieuse du groupe sur scène. Et force est de constater est que le show était plutôt conforme aux folles espérances que j’avais placées dedans. En gros, je voulais être bouleversé, agressé et transporté et je l’ai été. Aidés par un son ultra puissant et par un dispositif scénique tout en projections vidéos, lumières et lasers, les quatres larrons ont déployé tout leur énorme savoir-faire technique au service de monstrueux morceaux tels que Jambi, Schism ou le plus ancien Flood. De petites épopées sonores lardés par une basse tourbillonnante, une batterie labourante et une guitare extra-terrestre. Et par-dessus ce lourd écrin se pose la voix de Maynard James Keenan. Non mais sans déconner, comment fait cet homme pour avoir tant de charisme sans que l’on ait pu apercevoir de lui qu’une ombre ornée d’une (fausse ?) crête et chaussée de santiags ? Dommage que son organe vocal soit noyé par ses collègues toute la première partie. Ensuite ce ne fut que délire dans mon cerveau, entre terrible solo de batterie sur Forty Six & Two ou pendant les 11 minutes du torrentiel Rosetta Stoned. Pari réussi et vainqueurs par KO de ce festival.


Dimanche 26 août

La rumeur court. Justice, le combo electro ultra à la mode pourrait être programmé à la dernière minute ce dimanche 26 comme aventureusement annoncé par plusieurs organes de presse influents. Et s’il se cachait derrière le pseudo de Housse De Racket ? Et bien non, ce sont les vrais Housse De Racket qui s’installent sur la scène de l’Industrie en début d’après-midi, avec leur vrai concept Lacoste, leur vrai musique pour dessin animé qu’on n’aime pas regarder. N’en déplaise au cependant bien nommé Boris Bockor, une finale de Wimbledon 80s avec le grand Munichois blond restera toujours un spectacle hautement plus savoureux que ce concert. Si c’est ça la nouvelle French Touch made in banlieue ouest parisienne, au secours ! Une personne du public pose même l’hypothèse d’un lien familial entre Jean-Paul Huchon et un membre du groupe pour expliquer cette hasardeuse programmation. Nous tairons son identité pour lui éviter des problèmes...

S’il y en a en revanche qui ne payent pas de mine en arrivant et qui ressortent avec les honneurs ce sont bien les Devotchka. Attention, il ne s’agit nullement, malgré leurs influences balkaniques indéniables, d’un nouveau Emir Kusturica du pauvre ! Devotchka est de Denver et fait magnifiquement dans le cosmopolite grâce à son chanteur Nick Urata, capable de reprendre Venus In Furs du Velvet sans que personne s’en rende compte tant sa version chamboule l’originale. Autre médaille au tableau, la musique du nouveau film cool humaniste Little Miss Sunshine, vite reconnue par tout Parisien cool et humaniste qui se respecte. A part ça, des cuivres virevoltants, un violoniste hors-pair qui sait faire de son instrument l’objet le plus bondissant qu’on puisse connaître et toujours ce chanteur capable de s’offrir complètement lors de certaines envolées vocales, sans tricher, pour de vrai, comme un bon. Il quittera la scène en frottant son manche de guitare sur la scène de la Cascade qui en frémit de plaisir et offre un vrai son rock’n’roll comme on en a finalement assez peu entendus ce dimanche. A suivre…

Mark Ronson n’en est pas à son coup d’essai. Il a plein d’amis pour qui il offre son aide de bidouilleur sonore : Robbie Williams, Lily Allen ou Amy Winehouse (cette dernière fut citée une fois mais vite remise au placard suite à la réaction de certains du public qui n’ont apparemment pas accepté ce rendez-vous manqué). Ici, le gentil New-yorkais se présente avec son collectif ma fois assez séduisant. Rappeur et rappeuse, cuivres gonflés à bloc, guitare syncopée, chanteur à voix, reprise de Just de Radiohead ou – bien sûr – des Smiths, tout est là pour faire un bon concert comme ce fut le cas. Une bonne surprise de la journée et un artiste prometteur qu’on espère revoir par chez nous si les avions volent encore dans les années à venir. Ronson quitte la Grande Scène sous les applaudissements. Succès mérité.

Malgré le possible forcing de Philippe Manœuvre, visible à tous les coins du site cette année, le public n’aura pas le droit à ses chouchous les Naasticines. Pourtant la jeune scène rock parisienne est quand même parvenue à gagner sa place via Nelson. Peu porté sur le garage primaire, les quatre franciliens se sont plutôt tourné vers les sonorités froides et tendues de Joy Division, les mêmes défendues depuis quelques années par Interpol ou Editors. Auteurs d’un album plutôt réussi, leur prestation se faisait attendre sur la petite scène de l’industrie et le public répondait présent. Un peu artificiellement habillé « post-punk » pour l’occasion (petit gilet noir, cravates), les musiciens sont en fait bien plus jeunes que pouvait le laisser penser l’écoute du disque, ce qui peut avoir valeur de compliment. Le groupe jouant sans bassiste ce sont des basses électroniques qui accueillent le groupe sur scène et qui soutiennent les premières chansons tendues et exécutées avec énergie. L’album Revolving Doors sera égrené avec une belle envie sur cette scène qui doit être une étape importante pour eux et leur carrière alors que les premiers rangs répondent bien présent sans tomber dans le cliché groupie de 16 ans en pamoison. Malgré tout, on ressent par moments la jeunesse du combo de par quelques approximations techniques un peu gênantes. Mais un peu excentré de ce buzz « rock-n’-folkien » Nelson devrait profiter sereinement dans les mois à venir de ce show réussi.

Cette année Rock en Seine c’est un peu le grand n’importe quoi vestimentaire, entre CSS et sa chanteuse à combinaison fluos, Bat For Lashes et ses frippes néo-babas, en attendant la cheftaine du l’excentricité qui se porte sur soi. Pour le moment c’est au tour de Kelis de nous présenter sa collection particulière, à base de robe bleue à paillette et collants jaunes, du plus bel effet. Mais ne croyez pas que son show se limite à sa garde-robe, ce serait être médisant, d’autant que la new-yorkaise, protégée des Neptunes, bénéficie du talent de son groupe. Les trois premiers morceaux seront étonnement rock, voire presque rap-métal, en tout cas très funky et lourd. Ils parviennent même à faire sonner le tout comme du jazz fusion lors de deux ou trois breaks basse-clavier. Malheureusement dès l’arrivée du premier slow, la machine se grippe dans une ambiance trop R&B, alors que la miss hurle de plus en plus fort dans le micro, bousculant tout les règles de la saturation. Elle aura eu raison de notre patience, au profit de la grande scène.

Kings Of Leon est un peu l’événement rock de la journée sur la grande scène dans une journée plutôt électro-hip-hop et le public est bien présent pour accueillir les quatres hommes du Tennessee. Une origine sudiste qu’ils auraient bien du mal à cacher voire plutôt tendance à revendiquer tant tous chez eux cadre avec les clichés qu’on a sur cette culture : esprit familial (trois frères et un cousin), croix au cou et cheveux longs et crasseux, jouant une musique mélangeant la country, le blues et le classique rock, de Lynyrd Skynyrd à Led Zeppelin. Mais même si le groupe entre en scène avec une sorte d’oratorio il ne fait pas vraiment preuve de grandiloquence et serait plutôt du genre Strokes que Guns & Roses, chose appréciable. Entre ruades rock n’ roll et ballades, la guitare heavy sound de Matthew Followill est toujours tempérée par le chant profond et cassé de son frêre Caleb. Le show un peu plus long que la moyenne de ces trois jours est un des succès public du week-end tant celui-ci ravive chez les gens l’esprit d’un festival rock à l’ancienne, une sorte de Woodstock par procuration. Il ne sera pas rare de croiser des quadras prenant leur pied en bougeant la tête (attention figure de plus en plus difficile). Finalement, les origines religieuses de la petite famille (un père prêcheur pentecôtiste) nous gratifieront d’un petit « God Bless You All » en guise de départ. Admettons.

Just Jack est la nouvelle sensation funky anglaise du moment. Une chose est sûre, sa réputation n’est pas usurpée. L’homme réussit le pari de faire danser la foule entière venue le regarder sur la Cascade. Même les plus réticents bougent les hanches au son de Writer’s Block, tube en block justement. Just Jack est en plus accompagné d’un très bon groupe qui sait mettre en valeur le sens du rythme qui va bien de ce Jack Allsopp. A nos côtés, le staff de l’artiste semble heureux, leur poulain a définitivement de l’avenir comme le prouve des nouvelles versions de certains titres testés pour la soirée et qui reçoivent également un accueil enthousiaste. « La réponse douce à The Streets » ? Et si c’était même mieux ?

Faussement qualifié de groupe trip-hop, Faithless transforme l’espace d’un instant la Grande Scène en véritable dancefloor pour amateur de rave soft. L’occasion pour tout le monde de faire la fête comme rarement dans ce genre de festival. La sœur de Dido se défonce sur ces beats electro tandis que son acolyte masculin fait lever les bras de tout le monde et réussi à mettre l’ambiance en cela aidé par une musique binaire ultra efficace mais un peu douteuse sur la durée. Bien sûr, il y eu Insomnia pour rappeler à chacun les heures de gloire de l’electro 90s mais on a de la peine à être plus enthousiaste devant une formation qui certes sait faire se trémousser mais qui a du mal à prétendre à autre chose. Peut-être n’est-ce justement pas leur ambition. Le batteur reste cependant impressionnant, perdant des litres d’eau à la minute mais tenant un rythme de tous les diables. Certains ne connaissent pas le service minimum.

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Bromheads Jacket. Ah ces rock stars !

Pour un groupe comme Bromhead Jacket, jouer à Rock En Seine, quand bien même sur la plus petite scène, c’est un peu la chance de leur vie. Tim, le chanteur/guitariste de ce trio originaire d’une petite banlieue de Londres, avouera que c’est la plus grande scène sur laquelle ils aient pu jouer. Leur chance est d’avoir pu jouer en même temps que Faithless et donc rameuter les réfractaires à l’esprit « Dance Machine 12 » de la grande scène. (non mais sans déconner Faithless ! Et pourquoi pas 2 Unlimited ?) Chez les britishs ce serait plutôt pogo-slam. C’est peut-être d’ailleurs ce qu’il manquait encore à ce stade du festival (n’ayant pu tout voir), un bon petit punk des familles, à échelle humaine et qui se prend pas la tête. D’ailleurs le leader le promet vite « Je serais beaucoup mieux dans la foule avec vous. Mon câble de guitare est trop court mais vous inquiétez pas, j’y arriverais ! » Musicalement rien de transcendant donc, l’accent cockney est bien là, la rythmique sans temps mort aussi, bref tout fait penser à une sorte d’Arctic Monkeys en plus brutal et moins sophistiqué. Notre ami chanteur fera comme prévu son slam grâce à quelques fans, dont certains sont les premières personnes éméchées que j’ai pu croiser depuis le début des festivités. Le set terminé, on peut alors se préparer à jouer des coudes devant la grande scène pour la diva en chef.

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Björk de loin

On y est, c’est le grand final de l’édition 2007 ! C’est bien sûr Björk qui a amené une bonne partie du public cette année, tant sa présence est rare et souvent limitée en places. Malgré une aura quelque peu en déclin, son show reste un évènement incontournable, on sera donc serré et limité en vision comme il se doit. Ce qui est dommage tant le spectacle est autant visuel que sonore. L’attente se fera donc en contemplant la scène décorée de tentures, de drapeaux et d’oriflammes, ornés d’un bestiaire islandais, le tout formant une sorte de revendication d’identité assez poussée. Les chœurs/cuivres féminins, qui portent même leur petit drapeau individuel, nous ferons patienter avec un petit air de cuivre sans micro. Puis la petite fée en robe à froufrous dorés arrive pieds nus et en forme. Accompagnée d’un batteur, d’un clavier, d’un homme aux machines, elle s’est aussi entourée d’un ami de longue date, Mark Bell (LFO), en charge d’une part importante des enregistrements d’Homogenic. Un clin d’œil au passé pas si anodin et classiquement chez une tête d’affiche de festival, Björk proposera une setlist revisitant ses maintenant 13 ans de carrière solo. Mais comment résumer une telle œuvre en 1h20. Ce dilemme fera logiquement regretter à chacun de ne pas retrouver son morceau préféré, celui qui l’a fait basculer un jour dans l’univers immersif de la sorcière du son. Oui, Bachelorette manque cruellement. Mais le reste provoque son lot de plaisir, de nostalgie, de frisson ou d’exaspération parfois (plus rare quand même). Contrairement à ses derniers disques, Björk sait doser les émotions passant d’une pop song electro Innocence au magnifique Jogà. La première partie est plutôt calme, l’occasion d’écouter cette toujours magnifique voix sur Immature, Hidden Place. La petite touche de cuivre fait son effet et la relecture des arrangements est souvent pertinente. Puis Earth Intruders et son rythme electo-tribal va lancer une deuxième partie de concert bien plus dansante (I Miss You, Five Years), tempérée à mi-parcours par une petite comptine pour piano et voix appelée Mother Heroic (pour ses enfants ?) et par un Oceania en version tango du plus bel effet pour le début de rappel. Au final, le public se sentira en pleine piste de danse avec l’hymne émancipateur Declare Independance, d’une rare férocité chez elle, accompagnée pour l’occasion par le duo Justice officiant à l’incompréhensible machine à runes (comme quoi la rumeur était fondée) Elle aura beau nous avoir agacé avec Medùlla, endormi avec le milieu de Volta, Björk en live reste de l’or en barre pour une artiste pop d’une constance et d’une cohérence sans pareil. Allez à la prochaine.

Et la foule de repartir en rang vers leur petit nid douillet. Il paraît que le festival a fait moins d’entrées qu’espérées et il est vrai que l’on était moins serré que d’habitude. D’autant que la mairie de Saint-Cloud a su gloser des prix un peu élevés des places. Pourtant vu le soutien de la région et publicitaire, on peut penser qu’il sera encore reconduit quelques années, avec une programmation toujours alléchante, bien que de plus en plus dispersée. Un festival de parisiens nantis ? Oui, mais un festival de parisiens nantis avec de la bonne musique !

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À l’année prochaine


[1Et quel pogo ! (note de l’intéressé).

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