Sur nos étagères
Space Oddity

Space Oddity

David Bowie

par Psychedd le 7 février 2006

4

Première parution en novembre 1969 (Philips), deuxième parution en 1972 (RCA)

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A l’époque où il enregistre cet album, David Bowie a déjà une bonne connaissance du monde musical. Et non musical d’ailleurs : en 1966, il apparaît à la télévision pour parler de son association de protection des garçons chevelus.

Parce que chevelu, ça, il l’est. Il surfe sur la grande vague psyché de l’époque (et se fait encore appeler à ce moment Davie Jones) et pond de gentilles ritournelles pop sans prétention.
Et puis, il change son nom, de peur qu’on l’amalgame avec le petit Davy Jones des Monkees. On ne sais pas trop comment, il va devenir David Bowie, nom qui promet de grandes choses... Mais pas tout de suite. Il sort un premier album en juin 1967 et ne soulève pas l’enthousiasme.

Mais le garçon a de la suite dans ses idées. Plus que de la suite dans les idées, il vire à l’obsessionnel sur un morceau, écrit en 1968, dont il existe à peu près 4 versions différentes (il y en a même une en italien !). Chanson qui va bien le faire en 1969 alors que Neil Amstrong pose ses grands pieds sur la Lune pour la première fois. Tout à fait dans le ton, Bowie avec la sublime Space Oddity va pouvoir toucher du monde. Enfin c’est ce qu’il croit. Il y a d’abord un album à enregistrer. Et là, ça se complique : la version originale de 1969 s’appelle en toute simplicité David Bowie. Les américains, qui aiment bien faire genre, transforment ça en David Bowie / Man Of Words, Man Of Music. Admirez la modestie de ce titre...
Déjà, ça fait deux pochettes différentes. Et comme si ce n’était pas suffisant, on se rend compte dans la maison de disque que le premier album s’appelle également David Bowie. Il va falloir attendre 1972, et la vague glam menée par un Bowie qui n’a plus tout à fait la même tronche et qui, il faut bien l’avouer, à fait beaucoup mieux depuis ce second coup d’essai, pour remédier au problème. D’autant plus qu’à sa première sortie, l’album n’avait pas eu un succès phénoménal.

Mais Space Oddity étant, entre temps, devenu un des morceaux fétiches du monsieur, l’idée lumineuse se pointe : on change de pochette, on montre le Bowie/Ziggy de l’époque (ce qui en soit même est une aberration, nous ne profiterons plus jamais de sa merveilleuse permanente édition 69) et on l’appelle du nom du tube. Ca le fait déjà plus et ça interpelle dans le vécu. Mais la surprise a dû être de taille quand les fans impatients de la star glam ont posé le bras de la platine sur le vinyle...

Quoique le début n’est pas perturbant : le disque démarre par Space Oddity, qui restera toujours l’une des plus belles chansons de Bowie, celle qu’on écoute en boucle en s’émerveillant sur les harmonies vocales et l’originalité musicale du bonhomme qui mérite définitivement son surnom de « Caméléon ». Le proto glam même. En une chanson, l’évolution de Bowie est perceptible. Il n’empêche... Qui pourrait croire que cet étrange garçon aux yeux vairons et aux cheveux bouclés, fortement, voire trop, influencé par Dylan, va révolutionner la musique et aider à créer un mouvement aux côtés de Marc Bolan et de T-Rex ? Ben, pas grand monde en 1969...

D’autant plus que passé le chef d’œuvre d’ouverture, on peut s’inquiéter : le reste va-t-il être à la hauteur ? Oui, et non... Il n’y a pas que du bon dans ce disque, voire même de l’évitable (Janine en tête). Mais il y a du très bon aussi. Entouré d’une bonne clique de musiciens, dont son cher Tony Visconti, déjà producteur, mais aussi bassiste pour l’occasion, Rick Wakeman (Yes) au mellotron et au clavecin, Tim Renwick (Elton John, Mike Oldfield, Pink Floyd...) à la guitare et à la flûte. Belle équipe et jolis sons. Bandes passées à l’envers, ambiances éthérées, flûtiaux aériens et voyage au fil des émotions. Déjà à la recherche de quelque chose d’autre...

Pure énergie dylanienne, harmonica à l’appui, dans Unwashed And Somewhat Slightly Dazed ou God Knows I’m Good, Bowie redevient un peu plus personnel dans Letter To Hermione, belle chanson d’amour où sa voix se fait toute en douceur, loin de ses intonations nasillardes parfois fatigantes.
Mais rien en comparaison avec des morceaux comme Cygnet Committee, qui dure quand même 9 minutes 30 et qui permet à Bowie de s’énerver un bon coup, après une lente montée en puissance jusqu’à une fin libératoire. Dans cette belle brochette notons aussi The Wild Eyed Boy From Freecloud, reprise magistralement dans les concerts des Spiders From Mars et qui donne envie de s’égosiller en même temps que lui. Une fois de plus, la chrysalide Bowie semble s’ouvrir et laisse s’échapper une aile de grâce, signe annonciateur que son talent n’en est qu’à l’étape d’ébauche et que bientôt, il sera capable de balancer une bonne grosse claque dans notre gueule... Et puis bien sûr, pour rester dans l’esprit de 1969, après les voyages spatiaux, le disque s’achève sur Memory Of A Free Festival. Et bien que l’artiste place l’action à Londres, comment ne pas penser à Woodstock, évènement final d’une génération qui vit ses derniers instants d’amour et de paix et qui rappelle que malgré tout, Bowie s’est épanoui dans cette ambiance et qu’il n’est pas facile de s’en séparer aussi aisément. Alors bien sûr, les cœurs finaux peuvent rappeler des choses comme Hey Jude et toute autre chanson à reprendre avec sa communauté d’amis. Mais quelle majesté dans ce final ! Car il faut le dire, ce n’est pas facile de bien finir un disque. Et les interventions originales de ce qui semble être un accordéon ou encore de bandes à l’envers empêchent l’ensemble de s’enliser dans du lourd et du redondant. C’est fort...

Au final, on a l’impression d’avoir entendu quelque chose d’étrangement différent, un peu brouillon, mais parfaitement cohérent. Ce n’est peut-être pas le meilleur de Bowie, mais c’est un album particulièrement attachant que l’on peut réécouter sans se lasser. Encore empreint d’une naïveté toute juvénile et de l’énergie qui va avec, il n’est jamais ennuyeux et c’est bien le minimum que l’on puisse demander.

A écouter d’urgence et à ranger directement dans les meilleures places de nos étagères donc...



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Tracklisting :

1. Space Oddity (5’14")
2. Unwashed And Somewhat Slightly Dazed (6’10)
3. Letter To Hermione (2’30")
4. Cygnet Committee (9’30")
5. Janine (3’19")
6. An Occasional Dream (2’56")
7. Wild Eyed Boy From Freecloud (4’47")
8. God Knows I’m Good (3’16")
9. Memory Of A Free Festival (7’07")
 
Durée totale : 45’35"