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mercredi 15 avril 2015
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par Fino le 10 avril 2007
paru en octobre 2006 (Keben Records / Magdalena)
"On a vu un truc qui s’appelait Le Singe Blanc ; deux basses et une batterie, les dignes héritiers de Beefheart". C’est en effet au Capitaine - dont on ne sait plus s’il a finalement été enlevé par les E.T., qu’il peint dans le désert ou est mort -, et à ses rythmes maladivement secoués que l’on pense lorsque le trio de Metz (eh oui, on a fait plus sexy) déballe son Strak !. C’est magiquement déconstruit, ça fait du mal, et on s’attend à une saillie rauque de Don Vilet à chaque nouvelle mesure.
Il est d’ailleurs réjouissant que cet album (tout comme les précédents du groupe), formidable d’audace, ait vu le jour et ait été pressé. L’hypocrisie serait vaine : nombreux seront ceux qui trouveront inécoutable les délicieuses éructations sonores du Singe Blanc. C’est à la fois naturel, tant l’oreille est habituée à certaines structures, et fort dommage, tant ce qui est proposé mérite que tout un chacun y jette une oreille plus de trois minutes.
Ce "free rock", c’est l’émancipation d’un autre genre, il y a de cela un demi siècle maintenant, qu’il suggère. Le free jazz et la bordée d’injures les plus violentes qui l’ont vu s’épanouir, ont donc marqué le chemin avant que le syle, à défaut de faire l’unanimité, soit reconnu. Les traces de pas que le grand frère a laissées nous indiquent qu’il est aisé et peu pertinent de réduire l’art de Thomas (chant et basse), Vincent (re-basse) et Kévin (batterie) à un empilement de bruits non travaillé, jeté là par hasard ou fainéantise.
Strak !, ses intitulés à scruter et ses textes... et ses textes, composent une musique formidable de malaise, de grandiloquence et d’extravagance. On a la vague impression d’observer un petit chimpanzé en tutu se cogner frénétiquement la tête contre un mur, quelque chose d’avoisinant ou de complètement différent, mais le disque fait réagir, atout qui devrait à lui seul propulser tout un chacun vers son écoute. Le Singe Blanc, roi des brutales changements de vitesse mais aussi de monde, passe de l’étrangement titubant à la démonstration de puissance, de l’angoisse au grand guignol, du zouk dans la jungle à la folie urbaine. Une musique qui se sent bien davantage qu’elle ne s’analyse.
Certains morceaux ont l’excentricité plus effrayante que d’autres (le bref Geluk Tu Chluk et son indomptable furie), mais d’une façon générale, cette expérience à vivre de bout en bout et résolument indiffusable en radio, secoue dans bien des sens, au point de ne plus vraiment savoir si l’on est revenu au point de départ lorsque la dernière piste s’achève.
Enfin, puisque même le grandiose a une fin, celle-ci se fera dans la destruction des enceintes, Blayen s’achevant sur un épais crachotement donnant l’impression que la bande se consume, si bande analogique il y avait... Tout ceci avant sensation d’annihilation du matériel d’enregistrement sous forme de piste cachée. Si l’Armée de Terre est bien plus qu’un métier, alors Strak !, à irrationnel constant, est beaucoup plus qu’un simple disque.
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