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The Backyard's Legacy

The Backyard’s Legacy

New Pretoria

par Le Daim le 3 avril 2007

4

paru en février 2007 (French Toast)

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Après deux démos autoproduites en 2003 et 2004, New Pretoria sort son premier album intitulé The Backyard’s Legacy. Au fil de ces dix titres crépusculaires se dessine une Amérique rêvée, quelque part entre polars des années 50 et films de David Lynch. C’est l’Amérique des mirages, brûlant sur le sable des déserts et le bitume des highways bordées de villes-fantômes... Le décor est planté, et il ne pouvait être mieux adapté à un film ayant pour héros les losers que nous sommes peut-être, taraudés par un désir d’ailleurs idéalisés, d’aventure, de changement, qui bute contre l’incapacité frustrante d’agir.

Cette évocation cinématographique est si forte que j’avais exceptionnellement envisagé d’adapter la forme de cette chronique... Dans un premier temps j’avais rédigé une sorte de petite nouvelle noire, un pastiche certes maladroit d’une histoire d’Ellroy ou James Lee Burke. C’était un peu prétentieux sans doute et le patron me rappelant gentillement à l’ordre, j’acceptai finalement de réécrire l’article sous une forme plus académique. Vous l’avez échappé belle, c’est moi qui vous le dit ! Bref...

Les textes et le chant en anglais de Stéphan Lipiansky sont portés par des sonorités acoustiques dans la plus pure tradition du blues et du folk (guitare, mandoline, harmonica, flûte, piano) mais véritablement emmenés vers des sommets d’intensité par les somptueuses pistes de guitares électriques signées JB Fleury... Croyez-le ou non, l’hexagone compte encore au moins un vrai guitar-hero. Pas du genre à aligner les triolets plus vite que son ombre, non, plutôt un maniaque du son mettant sa virtuosité au service de l’émotion et des ambiances. Privilégiant les sons clairs et le claquant de quelque Stratocaster, Fleury rend hommage aux sixties des Shadows, à la country électrique et au surf-rock en noyant ses accords dans la réverb et le tremolo sans omettre de caresser de temps à autre la tige de son vibrato. Parfois, il pousse un peu le gain de l’ampli et, parfaitement appuyé par une section rythmique bien rôdée, donne une tonalité apocalyptique aux morceaux. Pour tout vous avouer, je ne prends jamais la route sans ma compilation de Chris Isaak, dont je m’empresse généralement de sauter tous les morceaux jusqu’à l’ultime Blue Hotel. Ce morceau, précisément, pourrait être le père spirituel de presque tous les dix titres de The Backyard’s Legacy... Toutefois, nos petits français ne sortent pas du four ce genre de pop, car ils ont quelque chose de bien plus riche et tourmenté à proposer. Du premier au dernier titre de cet album, la composition, les arrangements et la mise en place sont impeccables, comportant d’incessantes variations d’intensité, des changements de rythme, des ponts innombrables, des ad lib entêtants, des montées en puissance chutant parfois dans des gouffres malsains... Une véritable corne d’abondance musicale, une boîte de Pandore rock’n’roll superposant les couches de secrets. Tantôt l’ambiance est lumineuse, et nous roulons paisiblement dans l’immensité de l’Arizona sous un magnifique ciel bleu (Country Side), tantôt le décor et les personnages se fondent dans une nuit inquiétante : motels perdus s’effondrant dans la poussière ou sous une pluie sale et torrentielle (All In, sorte de talking-blues terrifiant hanté par une voix que déforme un vocoder : l’un de mes morceaux préférés). Le pedal-steel omniprésent s’adapte à chaque situation, aérien sur les balades mélodiques, fantômatique dans les ambiances plus noires.

On a déjà beaucoup écrit ici ou là que la voix et le phrasé de Stéphan Lipansky rappelent ceux de Lloyd Cole. Je ne peux que confirmer : la ressemblance est même saisissante. C’est une voix de qualité, chaleureuse et à fort potentiel émotionnel dans les mélodies. Je dirais cependant qu’elle manque un peu de folie. On aimerait entendre le chanteur sortir un peu plus de ses gonds sur certains titres, alors que le reste du groupe se laisse aller à des choses plus rugueuses. Moins de retenue, plus de cris ! Cette égalité d’interprétation, alliée à une fidélité indéflectible à UN son, UNE recette de composition, donne aux premières écoutes un sentiment légèrement agaçant de redondance... Qui s’estompe heureusement bien vite, dés lors que la digestion de l’album commence. Ceci est grandement facilité par l’adjonction ponctuelle d’instruments inhabituels. C’est le cas de la flûte traversière dans The Sun, une balade à tomber par terre. Bienvenu également, l’harmonica façon Springsteen dans Silly Place au final explosif. Etrangement les derniers morceaux du disque, peut-être les plus beaux et intenses entre tous, nous font faire le grand écart entre l’amérique délabrée de Lynch et l’Angleterre humide de Morrissey ou Suede. Il résulte de tout cela un album vraiment somptueux, d’une qualité qui témoigne de la virtuosité des musiciens de New Pretoria et de tout le travail qui fut le leur depuis des années. Ce premier disque est plus que concluant, j’espère sincèrement qu’il trouvera un large écho auprès du public indie.



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Tracklisting :
 
1- Cruising (5’04")
2- Country Side (4’16")
3- Town’s Down (5’55")
4- Joining Jack (3’09")
5- All In (4’40")
6- New City Box (3’24")
7- The Sun (5’40")
8- Silly Place (4’12")
9- The Sound And The Fury (6’12")
10- Bonnie (3’43")
 
Durée totale : 46’15"