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The Best Of Taste

The Best Of Taste

Taste

par Our Kid le 20 mars 2006

4

paru le 21 août 2000 (Polydor / Universal)

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En 1967, deux super-groupes, trios explosifs de surcroît, se partageaient tous les honneurs. Cream et The Jimi Hendrix Experience représentaient le présent et l’avenir aussi bien que, au hasard, The Beatles ou Dylan. Architectes sonores, accros du (gros) son, stakhanovistes de la scène mais aussi et surtout, instrumentistes infiniment compétents qui traumatisèrent des générations de musiciens et entraînèrent une flambée de groupes dans leurs sillages, les deux formations disposent d’une place de choix au Panthéon du rock. Il faut dire que rares étaient les concurrents, il y avait bien The Who mais le grand public ne reconnaît les quatre qu’entre 1969 et 1973, trop peu longtemps pour rester dans l’inconscient collectif. Pour une fois, la réponse au monopole du power trio n’est pas à chercher du côté de Carnaby Street ou de San Francisco mais dans un coin paumé de l’Europe pluvieuse, celui où ses habitants bouffaient des patates pendant vingt ans pour survivre. Et là, on comprend mieux les raisons d’un tel anonymat. Quoi ? Taste ? On parle de quoi ? Du goût de la patate, c’est ça ? En gros, voici un rapide panel des réponses que suscitent l’évocation de ce groupe. N’attendons plus pour présenter ces Irlandais.

Déjà, par leur présence, ils tordent le cou à des rumeurs qui voudraient que le British Boom Beat n’ait fait des émules qu’en Angleterre. Faux ! Le second foyer s’est développé à ... Belfast, en Irlande du Nord (pas encore sous administration anglaise). Des groupes comme Them en sont évidemment les meilleurs ambassadeurs mais des dizaines de combos se sont formés ça et là, accompagnant les plus grandes stars. En parlant de star, la figure centrale de Taste est quelqu’un de bien connu pourtant : Rory Gallagher. Même s’il n’est ni le père ni l’oncle d’une célèbre fratrie dans le monde de la musique, Rory est pourtant un prodige, un as de la six cordes. Professionnel à 15 ans, il quitte Cork, sa ville natale et monte à Belfast, quittant sa République d’Irlande, en quête de succès. Là-bas, il rencontre un bassiste, Richard McCracken et un batteur, John Wilson, anciens accompagnateurs de Them. C’est ainsi qu’en 1967 est fondé Taste. Le groupe ne durera pas plus de trois années mais ce sera suffisant pour graver quatre albums, dont deux live et tourner dans les moindres recoins du monde occidental. Musicalement, le trio nous offre un blues pur, traditionnel et racé, teinté d’harmonies celtes, techniquement irréprochable et toujours généreux. En fait, Taste est surtout un power trio heavy-psyché, comme le suggèrent les prestations scéniques faites d’improvisations incroyables. Gallagher joue également du saxophone (comme sur On The Boards) et de l’harmonica, tandis qu’il chante d’une charmante voix chaude avec un léger éraillement mais qui n’occulte jamais le fait que c’est un guitar hero incontournable.

La présente compilation dévoile à merveille la musique du groupe, bien que résumer quatre albums en 28 titres n’est jamais chose aisée. Dès le premier morceau, Blister On The Moon, on est en présence d’un truc incroyable. Un guitariste qui passe sans transitions d’une fulgurante rythmique à des soli composés de phrasés rapides et concis. Évidemment, on est intrigué. Le son est puissant et la musique du trio fait mouche. Compositions originales à l’appui, Taste se veut tantôt sonique (Born On The Wrong Side Of Time), tantôt charmant et légèrement rural, via le standard country I’m Moving On, popularisé par les Stones. Gallagher se révèle vraiment un boulimique de notes, lorsqu’il les propulse en saccades, ou plutôt en cascades. Comme Cream, un classique du blues devient un tour de force scénique de plus de huit minutes (Sugar Mama) et la machine est lancée pour ne plus s’arrêter, même si elle s’attarde parfois du côté du jazz avec l’excellente It’s Happened Before, It’ll Happen Again, un sommet du répertoire du groupe. Un morceau qui s’intègre d’instinct dans les têtes et qui bénéficient de changements de rythmes fracassants car réussis. Les ballades mélancoliques, à dominante acoustique, achèvent l’auditeur et montrent un visage insoupçonné du trio, confirmant son réel potentiel, tel que le prouve If The Day Was Any Longer. Le groupe étant taillé pour la scène, on appréciera d’autant plus les versions de I Feel So Good (un écho au I’m So Glad de Cream ?) et Sinner Boy et ce qui en ressort : du son et pas une erreur de technique. Les trois donnent tout ce qu’ils ont (le batteur en perd même ses lunettes) et la fidèle Strato de 1961 de Rory livre sa pleine mesure dans de telles conditions. Le cocktail habituel divergences musicales, peu de rentrées d’argent et un management à problèmes aura raison du groupe qui se sépare en 1970, laissant le champ libre à son guitariste pour une carrière solo à succès, gâchée par sa disparition en 1995. Néanmoins, avec Taste, on détient la preuve qu’un power trio officiant dans les années 1960 avec un pseudonyme de cinq lettres ne rencontre pas systématiquement la gloire éternelle même s’il compte parmi ses fans des figures comme John Lennon. Un affront que lève cette réédition, aidée en cela par des notes de pochettes et des photos qui tentent de réhabiliter le combo. À notre tour maintenant.



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Tracklisting :
 
1- Blister On The Moon (3’24”)
2- Born On The Wrong Side Of Time (3’58”)
3- Leavin’ Blues (4’14”)
4- Hail (2’24”)
5- Same Old Story (3’30”)
6- Catfish (8’01”)
7- I’m Moving On (2’28”)
8- What’s Going On (2’46”)
9- Railway And Gun (3’36”)
10- Eat My Words (3’44”)
11- On The Boards (5’59”)
12- It’s Happened Before, It’ll Happen Again (6’31”)
13- If The Day Was Any Longer (2’07”)
14- I Feel So Good (7’37”)
15- Sugar Mama (8’09”)
16- Sinner Boy (5’40”)
 
Durée totale : 74’15”