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The Life Pursuit

The Life Pursuit

Belle And Sebastian

par Milner le 14 février 2006

4,5

paru le 6 février 2006 (Rough Trade / PIAS)

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Si certains ne tiennent pas leurs promesses, ils ne s’appellent pas Belle And Sebastian. A la première note, The Life Pursuit intime automatiquement le respect. Il passe d’une traite, une fois de plus. Inutile de rappeler qu’à chaque découverte d’un disque de Belle And Sebastian, l’auditeur devient tendu, reste en alerte constante, se délecte, tremble, habitué qu’il est à recevoir un nouveau choc mélodique remontant jusque dans ses synapses. Les treize découvertes dévoilées, aussitôt s’imprime le besoin de les réécouter. Car après le départ du groupe en 2003 de chez Jeepster pour Rough Trade dans un souci de diffusion grand public, la bande à Stuart Murdoch avait jeté son dévolu sur le producteur spectorien Trevor Horn, responsable dans le passé des affres des dévêtus Frankie Goes To Hollywood ou plus récemment de la musique du duo russe Tatu, pour le résultat que l’on connaît : à moitié réussi aux goûts de la frange hardcore des fans de Belle And Sebastian car symphonique, pompeux et trop bon enfant ; totalement abouti pour le reste du commun des mortels pour peu qu’il eut le bonheur d’entendre au moins un titre de ce drôle de groupe en 2003. Toujours dans cet optique, les Écossais fournissent ainsi à Tony Hoffer (producteur de Beck et Air, entre autres) le loisir de montrer de quel bois il se chauffe lors des séances d’enregistrement sous le soleil de la Californie.

Ce septième album est encore un test. Faire dans l’énervé quand on est étiqueté pop voluptueux. A ce jeu-là, une poignée de chansons imparables se détachent dès la première écoute. White Collar Boy, construite sur l’unique instrumental d’Oasis A Quick Peep, réveille par moment le fantôme Hot Love de T.Rex par des chœurs bien chauffés pour laisser les guitares rugir au moment du climax, solo de hard-rock débarquant à la face de l’auditeur sans crier garde. Tout est ficelé et la progression dramatique perdure jusqu’au morceau suivant The Blues Are Still Blue, de nouveau empreinte de nostalgie glam-rock, (influence insoupçonnée jusqu’alors) qui sonne exactement comme un titre des années 70 écrite par la bande à Bolan et chantée par Steve Harley. Le dernier volet de cette courte série de feu évoque Sparks et Queen première période, voire Mott The Hoople et s’apparente bel et bien à un standard définitif pour le groupe, le genre de truc qui vous enfonce dans la grosse plaque de marbre de l’Histoire car Funny Little Frog a de quoi faire fondre les plus réticents comme neige au soleil.

Au delà de ces réjouissances rétro, le Belle And Sebastian précieux et délicat réapparaît bien sûr avec Act Of The Apostle II, la tiède Mornington Crescent ou Dress Up In You. Écouter le piano, déguster les chœurs et parfois les cuivres comme on n’en fait plus au pays du Loch Ness et la mélodie finira sans plus attendre par agir. Plus que jamais voué au renouveau, The Life Pursuit s’en approche étonnamment sur le plan sonore. Hoffer concocte une atmosphère irréelle sur le titre d’ouverture, un peu comme du Air pop qui ne négligerait pas de chanter. Il fait frétiller les sens sur le dansant We Are The Sleepyhands, une composition que Beck Hansen n’aurait sûrement pas refusé, truffée de guitares sidérantes qui donnent l’impression que le combo Funkadelic s’invite à la fête. Le titre le plus étrange est Song For Sunshine, un hymne à l’astre lumineux bourré de clins d’œil à la soul disco que proposaient un temps les Jackson Five, ce qui convient aussi pour To Be Myself Completely, l’esprit Motown en plus, évidemment. Par rapport aux précédentes livraisons, l’ambiance américaine ressort sérieusement car l’album évoque finalement des cultures qui s’affrontent, l’Amérique contre l’Europe, deux traditions musicales aussi. Les différents facettes vocales de Murdoch vous susurrent des mirages difficilement contrôlables, son timbre de voix dévie les titres vers des résultats fascinants, l‘imagination déraille.

La production de l’album ressortira peut-être plus luxueuse mais le théâtre musical sera forcément plus dépouillé. Le sujet ici est plus concentré, un peu comme à la boxe : frapper à la face et au ventre rapidement puis s’enfuir. A ce stade, The Life Pursuit devrait être du terrorisme culturel tellement il semble aisé pour la communauté de Glasgow d’écrire des mélodies inouïes à étaler à la face du monde. Mais, d’ici-là, en auront-ils envie ? Rien n’est sûr lorsqu’on vient juste de publier un album qui ne se prend pas au sérieux. Attendre et espérer, tels semblent être les résolutions à tenir à la fin de cette livraison studio dont l’extrême qualité semble en être la denrée majeure.



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Tracklisting :
 
1- Act Of The Apostle (2’55")
2- Another Sunny Day (4’03")
3- White Collar Boy (3’19")
4- The Blues Are Still Blue (4’06")
5- Dress Up In You (4’20")
6- Sukie In The Graveyard (2’54")
7- We Are The Sleepyheads (3’32")
8- Song For Sunshine (4’06")
9- Funny Little Frog (3’06")
10- To Be Myself Completely (3’15")
11- Act Of The Apostle II (4’20")
12- For The Price Of A Cup Of Tea (3’17")
13- Mornington Crescent (5’40")
 
Durée totale : 49’22"