Portraits
The Raconteurs : La Révolution est en marche

The Raconteurs : La Révolution est en marche

par Nils le 10 mai 2006

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Annonce d’une révolution

Je vous vois déjà, effarés et outrés, à l’idée de parler de The Raconteurs : « Qu’est ce qu’il veut nous raconter celui-là avec son groupe du fin fond de Detroit n’ayant même pas joué une fois en dehors du Royaume-Uni et ayant à peine sorti un album ? »

Laissez-moi vous dire quelque chose.

Depuis notre entrée dans ce 21ème siècle, il y a eu pour moi et pour beaucoup trois albums incontournables, dont Elephant. En bonus, la démarcation d’un guitariste de génie : Jack White.
A côté de ça, la naissance de beaucoup de groupes en tout genre sans en trouver un qui persiste sur la durée. Apres la mort des Libertines, la pause des White Stripes (et pour cause) et la petite route de campagne des Strokes qui ne m’excitent pas particulièrement depuis Is This It, il fallait donc attendre et encore attendre qu’un nouveau groupe vienne renverser la tendance... Espérer que le tsunami rock revienne faire trembler nos oreilles. Et bien, le voici ! Un beau jour de février, j’ouvre les Inrockuptibles et je tombe sur un bref article : Jack White monte un groupe avec son pote Brendan Benson ainsi que le bassiste et le batteur des Greenhornes.

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre mais en fait, cela semblait inévitable. Quand Jack White fit part de son intention de faire une pause avec Meg pour créer un vrai groupe à côté, on sentait que quelque chose allait se passer. Un peu comme quand certains fans de football fantasment de voir le meilleur gardien, le meilleur marqueur et le meilleur entraîneur dans la même équipe, ce qui donne souvent une grosse erreur. Détrompez-vous pour le cas présent...

D’un côté, nous pouvions être refroidis. Jack et Meg sont sur une excellente pente avec leurs albums, laissant derrière eux un putain de groupe rock and roll et un Elephant incontournable. De l’autre, quel plaisir d’imaginer Jack White entouré d’un groupe. Non pas que les White Stripes n’en soient pas un mais quand on voit ce qu’il est capable de faire en solo, on peut vite jubiler l’imaginant accompagné d’un autre guitariste et d’une très bonne rythmique. On voyait bien qu’il avait une idée derrière la tête. Mais pas le petit album vite fait, produit avec l’argent en trop dans le porte-feuille qu’a fait gonfler Get Behind Me Satan. Tout d’abord, à l’annonce des trois autres membres, nos neurones commençaient à se réveiller et à espérer autre chose qu’un nouveau groupe à la durée de vie aussi longue et à la qualité musicale aussi mauvaise que Passive Manipulation. Chaque membre a un passé très bien fourni et on ne peut que se régaler devant la fluidité de leur accord ensemble. Après plusieurs mois d’attente, il est temps de savourer et de se préparer à une éruption ; alors oui, la petite graine vient juste d’être plantée et le groupe n’a pas encore un gros passé mais il est important de parler de ce futur volcan rock et de ses origines. La machine est en marche, la révolution, on l’espère, ne fait que commencer.


Composition du renouveau

La particularité de The Raconteurs est bien sûr que, mettant de côté l’amitié qu’ont en commun chaque membre, chacun a déjà posé une (voir plusieurs) patte dans la scène rock internationale. Présentation de ceux qui offriront le 15 mai 2006 pour la parution de leur premier effort une jouissance orchestrale à vos enceintes.

  • Jack White et The White Stripes
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The White Stripes

Les White Stripes naissent à Detroit en 1997, composés de seulement deux membres : Jack White à la guitare et au chant, Meg White à la batterie. À travers Jack White, les influences coulent : mordu de Captain Beefheart et des Cramps (avec l’idée d’absence de basse) et qualifiant Fun House de plus grand album de tous les temps, ce bluesman inspiré par Robert Johnson, Charley Patton et Son House va démontrer avec adresse qu’il est LE nouvel espoir du rock en 2000. Avec un son sale et déchu, le meilleur duo de ces dix dernières années sortira en 1999 un album éponyme d’où on entendra sortir les premiers slide signant notamment le superbe The Big Three Killed My Baby. Comme si le chiffre trois revenait sans cesse dans le groupe, avec leurs trois couleur (rouge noir et blanc) et leurs trois membres (Jack, Meg et la musique).
En 2000 sort De Stijl encore rempli de reprises dont la superbe Death Letter de Son House et Your Southern Can Is Mine de Blind Willie Mc Tell sans oublier Little Bird et Let’s Build a Home qui montrent bien les doigts de Jack White ne semblant pas vouloir décoller du slide et pour cause, il le maîtrise à merveille. Nous approchons de 2001, le duo fait son petit chemin, ayant déjà derrière eux deux bijoux même si beaucoup ne le verront que plus tard. Le groupe tourne sans manager, sans promo, seulement du bouche à oreille et des premières parties. Doug Easly apparaît alors pour White Blood Cells, cet album fait clignoter les panneaux « urgences » et « explosion » avec des titres comme Dead Leaves And The Dirty Ground ou Fell In Love With A Girl et sera leur premier LP sans reprise.

Le folie est donc en marche. Apparition TV, multiples récompenses, couvertures magazines font sortir le groupe de leur Amérique profonde. Du jour au lendemain, le duo aterrit tout d’abord au centre de la scène rock internationale puis à Londres pour enregistrer en deux semaines (quatre jours pour leur album éponyme) leur quatrième et meilleur opus : Elephant. Les perles fusent avec Ball and Biscuit, Seven Nation Army et The Hardest Button To Button dont la face B Good To Me fut écrite par Brendan Benson. Sortent aussi largement du lot There’s No Home For You Here et Black Math. Avec ce buzz, Jack White tutoiera les Rolling Stones, signera la BO de Coffee and Cigarettes et jouera en duo avec Dylan ; et il y a de quoi. Le groupe montre donc en quatre albums qu’il a de quoi recoiffer la planète ; Jack White prouve qu’il est un des plus grands songwriters des années 2000, ayant bien retenue la leçon de ses prédécesseurs blues du sud des États-Unis. Les tournées s’enchaînent, le succès vient de tous les continents (de nombreux fans les attendent en Amérique du Sud) mais après deux ans de trêve, le duo revient avec Get Behind Me Satan. Outre son talent d’écriture, Jack White nous montre avec cet album qu’il sait aussi faire danser ses doigts sur un piano, un marimba ou un banjo, que la folie des couleurs est toujours là et que le duo est toujours prêt à nous étonner en signant de superbes morceaux au rythme entraînant avec Blue Orchid, voire électrique avec les slides de Red Rain et la folle-bluesy Instinct Blues, une des meilleures chansons de l’album avec la dansante The Denial Twist. Jack White crée donc le duo le plus excitant du 21ème siècle.

  • Brendan Benson
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Brendan Benson

Avec seulement deux albums à son actif, Brendon Benson s’impose comme un des meilleurs songwriters pop de ces dernières années. Après quelques déboires avec son premier opus One Missipi, Brendan Benson quitte la maison de disques Virgin et devient voisin de Jack White à Detroit. Comme ce denier, Brendan Benson est multi-instrumentiste, il s’inspire des Beatles et de la pop 60s et 70s. Très influencé et fasciné par Jason Falkner et Jack White, ces derniers travailleront avec lui sur ses deux albums.

Arrivé à Detroit, il se met tout de suite au travail et la ville semble lui réussir, il y écrit Lapalco, sûrement son meilleur opus à ce jour avec les imparables Pleasure Seeker et Folk Singer. En 2005 sort Alternative To Love, bourré de magnifiques ballades malines comme Alternative To Love, dansante sur Cold Hands Warm Heart voire efficace avec les sublimes Biggest Fan et Flesh And Bone. On parlait Power Pop ci-dessus ? Contrat rempli avec I Feel Like Myself Again et Between Us, voire plus acoustique et simpliste sur Get It Together.

  • Patrick Keeler Jack Lawrence : The Greenhornes

The Greenhornes se compose de trois membres : Craig Fox (guitares/chant), Jack Lawrence (basse) et Patrick Keeler (batterie). Cette formation, sur pied depuis 1996, ne se révèle vraiment qu’en 2005 avec Sewed Soles. Ce superbe album bourré à craquer de bijoux musicaux nous permettra de sentir des influences orientées sur les Kinks et les Beatles. Le groupe a bien évidemment travaillé avec Jack White ce qui leur a permis d’assurer la première partie des White Stripes la même année mais ils ont aussi collaboré avec Brendan Benson sur leur EP East Grand Blues. Sort directement du lot, encore plus en live, Jack Lawrence et son imbattable jeu de basse, quoi de mieux pour accompagner Jack White qui n’était pas habitué à cet instrument dans son jeu ?

Ces trois crasseux, avec des morceaux comme It’s Not Real, Can’t Stand It ou la sublime The End Of The Night nous replongent à 200 à l’heure dans le garage 60’s ! Un paquet de titres proposés dans cet album pourrait apparaître sur une compile Nuggets .

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The Greenhornes
  • Dean Ferita

Vous ne le verrez pas en clip ni sur les photos promos mais vous l’entendrez sur chaque chanson de l’album et le verrez sur scène, c’est Dean Fertita au clavier. Très peu discret sur les compositions du groupe, mais on l’accueille volontiers. A noter qu’il est aussi le clavier de Brendan Benson.


Echos bruyant et résonnant

Pour résumer, avec des membres tels que je viens de vous les présenter, The Raconteurs va nous balancer un superbe arc en ciel d’influences. Du rock aux échos blues, folk, garage et électrique (Jack White), de la pop bien écrite (Brendan Benson) et une goutte de psyché-garage pour couronner le tout (The Greenhormes).

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Brendon Benson et Patrick Keeler

Pendant l’attente et avant la consécration, les questions pleuvent. La première, on pourrait la poser à Jack White pour se rassurer, de but en blanc : « T’es sérieux ou pas ? » C’est vrai qu’à première vue, sur le papier en tout cas, le groupe peut ressembler à un petit délire entre amis. Effectivement, Brendan Benson et Jack White se connaissent depuis un moment et avant tout, c’est une relation d’amitié qui les relient. Les deux membres de Greenhornes sont aussi proches de Jack White, qui a collaboré avec eux et les a invités en première partie de sa dernière tournée. Alors ,tout ce petit groupe d’amis ne voudrait-il pas avant tout faire une sorte de « trip » qui après cet album n’existera plus pour laisser place aux groupes principaux de chacun ? Pour l’instant, impossible de répondre. Nous ne sommes même pas sûr que le nombre d’albums vendus soit une réponse à cette question et une motivation pour le groupe. Juste que les principaux groupes de chacun ne sont pas laissés de côté, il y aura d’autres albums dans un futur... indéterminé. Avec ce groupe il va falloir arrêter de regarder Jack White comme un leader. Il n’y en a tout simplement pas. Le groupe s’accorde, fusionne, cela devient un tout. Une entité à laquelle on confiera volontiers nos oreilles. Le combo guitare/chant est évidemment assuré par Jack White et Brendan Benson mais il est parfois rejoint par Jack Lawrence. Seulement, quand on regarde plus loin, là où la coopération de Jack White et Brendan Benson devient intéressante, c’est pour l’écriture des chansons. Tout deux réputés pour être d’excellent songwriters, il est évident que leur album Broken Boy Soldier va en découler.

Deuxième question qui trotte dans toutes les têtes en attente d’un album : « Et les White Stripes ? » Jack White déclare récemment : « Je n’arrive pas à croire que nous ayons berné tant de gens en emmenant si loin un groupe de deux personnes ». Avouez que ça peut laisser songeur quand même... Et bien non, on rassure les fans du groupe aux trois couleurs, Jack White laissait entendre à The Evening Echo qu’il avait des chansons en tête pour le prochain album du duo. Seulement, d’autres questions plus angoissantes commençaient à émerger. Le duo Jack White / Brendan Benson va-t-il étouffer la basse de Jack Lawrence ? Patrick va-t-il se lâcher ou plutôt rester discret sur ses fûts ? Pour ça, il fallait passer à l’acte, l’écoute. Il y avait plusieurs moyens de découvrir les premiers sons que pouvait produire le groupe. Nous ne sommes plus dans les années où il fallait mettre des jours de volonté et de sueur pour trouver une K7 audio pourrie avec un court bootleg de Dylan ou se contenter du vynil d’un groupe pour voir le visage des membres. Sont donc disponibles beaucoup de chansons du futur album en audio ou vidéo. Il est temps de se jeter dessus pour découvrir ce que peux donner la formation en live et ce que nous réserve l’album. Effectivement, que l’océan d’Internet profite à des vieux loups plutôt qu’a des Singes de l’Arctique. L’ère Internet est là, alors oui même The Raconteurs a son super Myspace mais grâce à la gigantesque toile, on trouve les premières perles. Sans se fouler. Et ça change du reste.

Premièrement aller sur le site officiel du groupe. Rempli de vert et de noir on s’y ballade avec le clavier et on tombe sur deux chansons : Store Bought Bones et Steady As She Goes ainsi que le clip de cette dernière. Ça fait mal de tomber là dessus en premier, Steady As She Goes est déjà perçu comme un tube, couplant parfaitement la basse et la guitare. C’est donc la première écoute des voix de Brendan Benson et Jack White ensemble, et le résultat montre que le mariage est parfait ! Il y a ensuite les chanceux anglais (qui a dit comme d’habitude ?) qui ont pu assister à plusieurs concerts, et entendre d’autres performances sur radio. Avec le live à Glasgow, on peut d’ores et déjà confirmer le potentiel live du groupe, promettant une très bonne claque avec Intimate Secretary et, après comparaison sur leur site officiel, une sensation nommé Store Bought Bones. Avec le live XFM, ça frappe en pleine face avec Level, Hands et Together. Suivi du premier single du groupe, on s’en doutait, Steady As She Goes.

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Jack White à Glasgow !

Quelques semaines avant la sortie de l’album tout semble ok, mise à part le nom du groupe, qui est déjà pris en Australie. The Raconteurs s’appellera The Saboteurs au pays des kangourous. Les lives résonnent dans nos oreilles, espérons que les versions studio de ces bijoux ne soient pas sabotées...


La Révolution prête à éclater

Detroit ne semble pas être une ville accueillante, souvent qualifiée de sale, pauvre et grise ; on se demande si le groupe ne cherche pas à sortir de cette mélancolie même si Jack Lawrence et Patrick Keeler sont de Cincinnati, dans l’Ohio. Stop aux branleurs, on range Arctic Monkeys, Bloc Party, Franz Ferdinand ou autres Subways. Le groupe est déjà mature. Tout le monde a déjà de l’expérience. Preuve en est avec leur futur tube Steady As She Goes, ligne de basse simple mais efficace, ce morceau carrément génial montre bien la structure du groupe avec la rythmique de Jack et Patrick, les paroles de Benson et le reste orchestré par Jack White. Moins entendu sur les lives, c’est avec Steady As She Goes, Store Bought Bones ou Level que Dean Fertita montre l’importance de son clavier sur cet album. On se demandera juste pourquoi il n’est pas plus promu au sein du groupe car sa puissance musicale est à la hauteur des autres. Le groupe est rempli de créativité, de vitalité, de force et de maîtrise de la musique. Chaque membre impose parfaitement son jeu et le tout donne un parfait mélange. L’album est court, mais comme l’a dit un collègue en parlant de Sewed Soles
des Greenhornes : "Chose frappante quand on insère le CD pour la première fois dans sa platine : un disque de 20 chansons qui va se tenir de bout en bout. La chose est assez rare aujourd’hui pour être soulignée."

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Le groupe en studio.

Vous ferez la même déclaration avec Broken Boy Soldier sauf que vous n’aurez que 10 titres mais qu’importe ! Il y en a pour tous les goûts, là où les ballades Call It a Day et Together passent comme des lettres à la poste et font ressortir le côté Brendon Benson. Vous aurez aussi le droit à de l’électronique avec Intimate Secretary, un rythme pop-rock bien bombé avec Broken Boy Soldier qui rappellera un des albums de The Music et une pure merveille de technologie entraînante et extraterrestre avec Store Bought Bones. Après plusieurs écoutes de l’album, on se dit que le choix d’une courte durée (34’15" en tout) est vraiment un très bon point car ici, la qualité est largement privilégiée par rapport à la quantité !

Ce premier LP du groupe prend fin avec quelques résonances folk sur Yellow Sun et avec l’inévitable perfection blues Blues Veins qui conclura cette merveille d’album comme on en fait que très rarement ces derniers temps. The Raconteurs semble avoir tout compris au son d’aujourd’hui même si comme pour les White Stripes, le groupe enregistre à l’ancienne mais produit bien ici une nouvelle musique. Celle qu’on attendait depuis un moment et qui vient sauver un rock en grosse perte, The Rescuers.

Sources :

  • White Stripes :
Readycan : http ://raconteurs.redcandycane.net/
The White Stripes par Florent Mazzoleni
  • Brendan Benson :
Luciole
site officiel du chanteur http ://www.brendanbenson.com/


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