Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Our Kid le 28 mars 2006
paru le 24 mars 1996 (Polydor)
Trop longtemps que durent ces préjugés idiots ! Idiots voire carrément révisionnistes. De la même manière que la musique de The Beach Boys se résume le plus clair du temps à la « chanson de Babybel ® », The Bee Gees n’est guère mieux loti : un tube et un succès comme Stayin’ Alive collent plus que jamais à la peau du trio, tel un vieux chewing-gum dont on aurait toutes les peines du monde à extraire de la semelle de sa chaussure. Et pourtant... Quelle magnifique histoire que la carrière des frères ! Premier disque en 1958, à une époque où nos garçons perdaient encore leurs dents. Départ de la famille Gibb vers l’Australie au moment où l’Angleterre devient le centre du monde musical. Les frangins perfectionnent leurs voix sous le soleil en enregistrant une trentaine de chansons (Maurice et son jumeau Robin ont alors 16 ans) et trustent les hits-parades de l’île aux kangourous avant de déménager à Londres pour profiter de la situation. Débarqués en 1967, The Bee Gees s’imposent d’emblée comme une alternative plus que crédible aux Beatles via un premier album et des succès qui s’enchaînent à une cadence infernale : New York Mining Disaster 1941, To Love Somebody, Massachusetts, World, Words, I’ve Gotta Get A Message To You - présents sur la compilation - à ranger aux côtés de Lonely Days, Spicks And Specks ou encore I Started A Joke, le tout en deux années !
Comment se fait-il que ce groupe décroche tant de tubes ? Pour la bonne raison que les frangins Gibb sont doués. Rôdés au plaisir des harmonies à trois voix depuis leur enfance, les Mancuniens ont la bonne idée d’écrire leur propre matériel, sous l’impulsion de Barry, le grand frère et le leader. Non contents de disposer de voix extraordinaires, ces derniers sont surtout d’habiles compositeurs aux qualités ignorées du grand public. Une recette simple pourtant : un titre qui attire l’attention, un morceau reconnaissable dès ses premières notes et des thèmes qui valent le détour malgré l’apparence de ballades donnée aux chansons. En effet, un titre comme New York Mining Disaster 1941 ne relate pas un fait historique mais une situation dans laquelle un homme cherche désespérément sa femme dans un éboulement de terrain, Massachusetts parle d’un endroit magique où l’on doit mettre les pieds au moins une fois dans sa vie, en 1967, à l’époque où tout le monde ne jure que par San Francisco... I’ve Gotta Get A Message To You raconte les dernières volontés d’un condamné à la chaise électrique... on est loin des gentils garçons qui ne chantent que l’amour, même si c’est un art dans lequel ils excellent (comment pourrait-il en être autrement avec de telles voix ?) et qui a fait leur réputation. De telles compositions ne laissent personne insensible. To Love Somebody, destinée à l’origine à Otis Redding, sera certes massacrée dans les années 1980 par Jimmy Sommerville mais le trio peut se targuer d’avoir des morceaux repris par Elvis Presley, Al Green, Nina Simone et Janis Joplin, entre autres. En résumé, seuls Lennon et McCartney ont écrit plus de numéros un aux États-Unis !
Les États-Unis, justement, vont devenir la deuxième patrie du groupe et leur fournir une source d’inspiration unique, à un moment de leur carrière où des rivalités internes et des problèmes de management se conjuguent pour faire disparaître commercialement les frères de leur île natale. Sentant que le vent tourne et sur les bons conseils d’Eric Clapton, The Bee Gees débarquent à Miami en décembre 1974 et se regénèrent artistiquement. Le changement est radical : sans le vouloir, la fratrie met au point une musique qui sera désignée plus tard sous l’appellation de disco, alors qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que de pur R&B. Décidemment, les étiquettes ont la vie dûre ! Jive Talkin’, Nights On Broadway ou You Should Be Dancing sont le parfait exemple de la mutation qui s’opère musicalement. L’heure est à la célébration du corps par la danse mais c’est aussi à ce moment-là que se développe la voix de fausset de Barry, qui deviendra une marque déposée du groupe par la suite. Entouré de personnel compétent, le trio explore au maximum cette musique noir qui leur porte chance. En 1977, ils sont approchés pour réaliser la B.O. du film Saturday Night Fever, événement fondateur du disco outre-Atlantique (alors que sévit la tornade punk en Europe) et succès mondial qui bat tous les records de ventes à l’époque. Il faut dire que les morceaux y figurant achèvent. How Deep Is Your Love, More Than A Woman, Stayin’ Alive et son alter ego Night Fever sont des morceaux inoubliables et qui ne généreront qu’une série de pales imitations de la part du mouvement disco, Amanda Lear en tête. La force du groupe est de trouver le truc imparable sur chaque morceau. Sur Stayin’ Alive, on a le droit à une ligne de basse d’anthologie en guise d’apéritif ainsi qu’un beat qui colle parfaitement au rythme cardiaque du danseur. Bien vu ! Les parties vocales d’How Deep Is Your Love constituent un autre sommet de la carrière du groupe. À la suite de cette année faste, les trois vont livrer deux autres tubes avec Too Much Heaven - l’une des chansons préférées de Brian Wilson - et la terrifiante Tragedy avec son refrain qui nous saute au visage comme un ressort, même si on s’éloigne des canons du disco.
À partir de 1980, après avoir été les vedettes du fiasco cinématographique Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, la fratrie va connaître le même sort que The Beach Boys après l’épisode Smile : ils passent du jour au lendemain du statut de stars mondiales à celui de paria de huitième zone. Lassée de voir les Gibbs truster les charts, inonder les radios et tourner des films, la presse va mettre en place des censures pour le moins efficaces (les radios décrétaient des « week-ends sans Bee Gees ») et, en deux temps, trois mouvements, le trio se retrouve privé de voix. Plutôt que de s’insurger, la formation décide de prendre du retrait et se lance dans la production. Barry travaillera avec la grande Dionne Warwick ou encore la Streisand. Du lourd. Les années 1980 ne verront que rarement les trois sortir des disques sous le nom Bee Gees même s’ils ne chôment pas pour autant. La présente compilation s’arrêtant en 1990, on ne trouve pas de tubes parus durant la « décennie synthé » mais présente tout de même un aperçu de la carrière du groupe, en dépit de l’ommission de perles comme How Can You Mend A Broken Heart ou Love You Inside Out, mais, quitte à finir leur vie dans leurs éternels costumes blancs mettant en valeur un torse bronzé surmonté d’une chaîne en or et une dentition blanchâtre qui ravirait la recherche Signal (qui avance, rassurez-vous), Barry et Robin - Maurice est décédé en 2003 - savent ce qu’ils ont accompli et la dette que leur doivent des gars comme George Michael. Bien que The Very Best Of The Bee Gees n’en fasse pas mention, le trio a même eu un passé garage, il y a très longtemps. En 1966.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |