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This Must Be The Place

This Must Be The Place

Paolo Sorrentino

par Gilles Roland le 2 septembre 2011

3,5

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Dans This Must Be The Place, il est bel et bien question de rock and roll. Cheyenne, le héros, a croisé le fer avec Mick Jagger, copine avec David Byrne (à l’origine d’ailleurs d’une hallucinante scène, entre théâtre grotesque et cirque pop) et inspire la jeune garde. Pourtant, Cheyenne n’a plus rien fait depuis plus de 20 ans suite au suicide de deux jeunes fans. Clin d’œil à l’affaire Suicide Solution d’Ozzy Osbourne ou pas, le problème est récurent et touche souvent les rock star amatrices d’ambiances sombres. On se souvient également de Manson avec l’affaire Columbine même si ici, aucun nom n’est évoqué.
Voici donc Cheyenne. Un musicien sous prozac, accompagné d’une femme fantasque (la toujours épatante Frances McDormand) qui fait de la pelote à mains nues dans une piscine vide et qui croise régulièrement un chien dont il ignore tout. Cheyenne traine avec une jeune gothique (incarnée à l’écran par la magnétique Eve Hewson qui s’avère aussi être la fille de Bono) qu’il essaye de brancher avec un jeune homme un peu paumé et Cheyenne, on l’aura compris, est dépressif.

Si la jeune génération tente de faire sortir Cheyenne de son marasme en lui demandant de passer producteur (et le film d’évoquer un problème récurent dans le rock à savoir la mégalomanie du guitar hero), ce dernier voit sa vie basculer non pas à cause de la musique mais lorsque son père se meurt. Forcé de rejoindre New-York (alors qu’il vit à Dublin), Cheyenne arrive trop tard et trouve son père mort. Un père qu’il ne connait pour ainsi dire pas et qui lui lègue comme seul héritage un paquet de notes concernant un nazi retranché quelque part aux États-Unis. Car Cheyenne est juif et son père, survivant des camps, a consacré sa vie à pourchasser le soldat qui un jour l’humilia.

Voici donc le vieux rockeur parti, un peu malgré lui, sur les traces de cet homme qui durant la seconde guerre mondiale s’acharna sur son père.
C’est à cet instant que le film, jusqu’alors assez coulant et peinard, se projette sur le bitume et devient un road movie. C’est aussi à cet instant que Cheyenne se pose des questions sur sa condition. Interrogations provoquées par les multiples rencontres que va faire le chanteur abandonné. Et c’est aussi là que le bas blessera sans aucun doute une certaine partie des amateurs de rock and roll. En affirmant en substance que son héros n’est qu’un ado attardé attaché par le biais de son look, de son attitude et de ses espérances à une enfance révolue depuis belle lurette, Sorrentino n’y va pas quatre chemins et il est alors facile d’accuser le réalisateur de qualifier les rockeurs d’âmes égarées en manque de repère.

Mais si vous voulez mon avis, il n’en est rien. Maladroit dans sa façon de décrire le mécanisme de pensée de son héros, qui trouve finalement un second souffle dans une quête personnelle qui n’a rien à voir avec la musique, Sorrentino affirme un certain amour de cette musique. Un amour mâtiné de haine, sûrement, mais un amour quand même. Et ce n’est pas la fin qui viendra arranger les choses affirmant plus ou moins que le salut se trouve dans la normalité et que finalement, la marginalité n’est pas la solution.

Il devient alors compliqué de défendre le film, qui en plus de receler des plans absolument sublimes, regorge de répliques plutôt bien vues et autres clins d’œil appuyés au rock business. Ainsi, quand on lui demande pourquoi il n’a pas eu d’enfant, le personnage de Cheyenne répond qu’il ne voulait pas courir le risque de voir sa fille devenir une styliste excentrique...

Il est clair que beaucoup ne sauront voir dans This Must Be The Place qu’un film réactionnaire et absurde (un rockeur qui trimballe une valise et part à la chasse au nazi ???), mais ce serait passer à côté de la beauté de la chose, même si elle l’est indéniablement un peu. Une chose tour à tour informe, parfois vaine, souvent drôle et iconoclaste, qui convoque en quelque sorte dans un grand bordel couillu Arcade Fire et les Talking Heads, Robert Smith, Ces Garçons qui venaient du Brésil, Forrest Gump et Mr Schmidt...

Et quoi qu’on ai pu dire à son propos, Sean Penn est incroyable de justesse.



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