Chansons, textes
We Shall Overcome

We Shall Overcome

Pete Seeger

par Vyvy le 10 mars 2009

Outre la version de Pete Seeger, We Shall Overcome est une de ces rares chansons dans lesquelles un groupe à un instant précis se reconnaît et s’anime. Le groupe et l’instant ici ce sont le Civil Rights movement et l’aube des sixties.

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Rares sont les chansons qui ont ainsi marqué une génération. Du début des années 50 à celui des années 60, We Shall Overcome sera de tous les combats. Hymne de la non violence, du combat pacifique pour les droits civiques, c’est cette étiquette pacifique et donc attentiste qui causera sa perte et son abandon par le mouvement lors de sa radicalisation. Mais avant que le mouvement la rejette, cette chanson a été le cri de ralliement d’une génération. Et aux prémices de ce cri, on retrouve un groupe d’hommes et de femmes dont sort Pete Seeger, qui va lui donner sa forme actuelle, qui va la répandre sur l’Amérique entière.

En tant que protest song emblématique, elle mérite que l’on se penche sur son histoire si particulière. L’histoire de We Shall Overcome remonte en effet loin, très loin. Le morceau qui sera repris en cœur par les foules révoltées des sixties puise ses origines au milieu du 19ème et au début du 20ème siècle. La trame musicale provient d’un gospel plus vieux que la guerre de sécession, No More Auction Block For Me, tandis que les paroles sont à l’origine celle d’un gospel du révérend Charles Tindley au tournant du siècle (possiblement 1903). Ce gospel où le chanteur entonne "I will overcome someday" va connaître un certain succès dans ces années-là.

La renaissance de la chanson et sa métamorphose en hymne contestataire va commencer en 1946 avec une grève à l’ American Tobacco Compagny à Charleston. Les employés, majoritairement des femmes de couleurs, chantent des gospels en tenant le piquet de grève. Elles vont alors entonner à l’instigation de Lucille Simmons une version un peu remaniée, We Will Overcome Someday. Cet événement somme toute assez banal va avoir de grandes répercussions sur le monde folk de l’époque.

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Zilphia Holton

En effet, la chanteuse Zilphia Horton, femme du fondateur de l’Highlander Folk School, vient à entendre la chanson. Elle va l’apprendre auprès de Lucille Simmons, puis, quelque temps plus tard, passer ce savoir à Pete Seeger en personne. Seeger à l’époque est, au même titre que Woody Guthrie son ancien partenaire au sein des Weavers, le chantre du protest, le centre névralgique du mouvement, un contributeur précieux au lien étroit qui lie la gauche et le folk. Ce lien, il l’attise au moyen de publications : People’s Song, recueil d’hymnes folks, mais aussi plus tard Billboard et Sing Out !. C’est dans son People’s Song de 1952 que paraît pour la première fois la nouvelle version de la chanson, qui a désormais pris son nom de We Shall Overcome. Avec Seeger, We Shall Overcome va entrer au panthéon de la protestation.

Nouvelle version en effet. Seeger a remodelé la chanson que lui a enseigné Zilphia Horton. Il y a rajouté deux couplets respectivement "We’ll walk hand in hand" et "The whole wide world around". Il a surtout changé le “Will” en un “Shall” plus imposant. Bien que Seeger lui-même ne sache plus vraiment si la dernière modification est de lui ou de Septima Clark, employé à Highlander, cette version reste dans toutes les têtes la version de Seeger.

We shall overcome
We shall overcome
We shall overcome some day
 
Oh deep in my heart
I do believe
We shall overcome some day
 
We’ll walk hand in hand
We’ll walk hand in hand
We’ll walk hand in hand some day

Et pourtant ! Seeger va l’enseigner à Guy Carawan et Frank Hamilton, et quand la maison de disque de Seeger craint des reprises hollywoodiennes de la chanson, la vidant de fait de son caractère protestataire, c’est sous les quatre noms de Seeger, Carawan, Hamilton et Horton qu’elle est déposée. Lucille Simmons ne fait pas partie des signataires.
Seeger l’enregistre et la sort en 1959 sur Sing Out ! Hootennany. Les royalties sont toutes versées à une fondation d’Highlander pour la promotion de la musique noire américaine dans le sud des États-Unis.

Le destin de la chanson va s’accélérer au tournant des sixties. En 1960, Guy Carawan la présente aux étudiants réunis dans le congrès fondateur du SNCC (Student Nonviolent Coordinating Committee, Comité de coordination étudiant non violent).

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Guy Carawan

Le sort en est jeté, la chanson sera désormais associée irrémédiablement à la non violence et connaîtra le même sort qu’elle dans ces sixties tourmentées. Car les sixties ce ne sont pas que les Beatles et le Swingin’ London ; les sixties outre-Atlantique, c’est la décennie du centenaire de l’abolition de l’esclavage, la décennie des mouvements de rues, notamment, et surtout, celui des droits civiques.
Mais le tournant des années 60 est une période ou Seeger est maintenu en dehors des circuits médiatiques traditionnels. Seeger en effet a des problèmes avec la justice américaine, depuis le Maccarthysme, quand, inquiété et interrogé, il avait refusé de répondre sur ses liens gauchistes en faisant appel au premier amendement. De fait, poursuivi pour Contempt of Congress, il n’échappe à la prison qu’en faisant appel de sa condamnation en 1962. Mais la chanson continue son chemin pendant ses années sombres. De nouveaux acteurs vont entrer en scène et aider Seeger à faire de We Shall Overcome LA chanson de ce combat. L’heure est en effet au changement. La situation devient critique et partout dans le Sud, commencent les événements (boycotts...).

1963 sera l’année du couronnement de We Shall Overcome. C’est d’abord l’année où Seeger enregistre en live au Carnegie Hall l’album du même nom, l’album se vendra par la suite à 500 000 exemplaires. C’est ensuite l’année où, au Newport Folk Festival, ce sont les Freedom Singers, Peter, Paul & Mary, Bob Dylan et Seeger qui, ensemble, entonnent l’hymne. C’est enfin l’année où, à la fin de la marche sur Washington, Joan Baez, Dylan et Peter, Paul & Mary finissent avec We Shall Overcome leur prestation... Les Freedom Singers vont faire voyager la chanson, à travers des tournées nationales.

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Joan Baez et Bob Dylan à la Marche sur Washington

Mais c’est avec Joan Baez que la chanson va connaître sa plus grande notoriété. Joan Baez, bien plus que Seeger, va faire de cette chanson le synonyme du mouvement. Joan Baez qui la chantait dans tous ses déplacements « engagés ». Joan Baez qui, en 1969, la chante à Woodstock. Mais un mouvement en vieillissant, en évoluant se débarasse de ce qu’hier il acclamait : la chanson est trop marquée par la non violence du début des années 60 pour ne pas être reniée par les Black Panthers & Malcom X. Avec la mort de Martin Luther King, les émeutes, la radicalisation du mouvement noir, la chanson va de plus en plus tomber en désuétude, d’autres chants lui étant préférés.

La chanson a fait le tour du monde, montrant aux autres peuples le visage d’une Amérique plus humaine. D’autres versions ont fleuri (notamment une en espagnol, chantée par les grévistes dans les plantations du Sud des États-Unis dans les années soixante), et certaines provoquent encore à l’heure actuelle un chaud engouement.

Pete Seeger et Lucille Simmons ont continués au fil des années de la chanter. Mais Seeger, bien qu’il reste actif ne chante plus beaucoup. La relève se présente désormais sous la forme de Bruce Springsteen qui, au travers de son dernier album We Shall Overcome : The Seeger’s Session, donne une nouvelle jeunesse à la chanson, l’offrant à un nouveau public, à de nouveaux enjeux.



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We Shall Overcome par Pete Seeger est disponible sur l’album du même nom sorti en 1963. Chantée par Joan Baez, elle est disponible sur l’album Joan Baez In Concert Vol. 2 également paru en 1963.

sources :

Protest Song : la chanson contestataire dans l’Amérique des sixties, Yves Delmas et Charles Gancel
wikipedia