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par Aurélien Noyer le 15 mai 2007
paru le 8 mars 2005 (Luaka Bop)
Dans une interview pour l’émission Tracks, Bo Diddley accusait les Blancs de lui avoir volé le rock’n’roll, à lui dont le jungle beat se rapproche diablement des rythmes africains et dont il reste si peu de traces dans cette musique pour petits Blancs qu’on appelle le rock. Mais que Bo Diddley se rassure... Il ne le sait peut-être pas, mais durant les années 70, l’Afrique a produit quelques groupes de rock dont certains se retrouvent compilé sur ce disque, judicieusement nommé The Funky Fuzzy Sounds Of West Africa.
Car du fuzz, de la polyrythmie, de la transe, des beats saccadés et funky, des soli perdus dans l’espace, ce disque en est plein. La réappropriation du rock et de ses codes par les rythmes africains donne alors un mélange surprenant, rappelant parfois le reggae par son côté nonchalant (Awon-Ojise-Oluwa de Gaspar Lawal), parfois la soul à la James Brown (Keleya de Moussa Doumbia). Mais ce qui choque, c’est l’extrême diversité des styles et la question se pose si cette compilation ne serait pas que la partie immergée de l’iceberg, d’un mouvement rock africain qui n’aurait jamais été reconnu, faute de moyens ou de médiatisation. Quoiqu’il en soit, il faut reconnaître que le label Luaka Bop (fondé par David Byrne) a fait de l’excellent boulot, tant la qualité est présente.
Même si on entend parfois le côté désormais vintage du matos ou le manque de moyens des groupes, l’inventivité et l’originalité sont là comme en témoigne l’electro-funk de William Onyeabor et son Better Change Your Mind ou le heavy Allah Wakabarr de Ofo & The Black Company. On sent au détour d’un refrain ou d’un solo l’envie d’innover et de mélanger les styles. C’est parfois peu de chose, par exemple ce sax coltranien venant agrémenter la funky Keleya, mais on ressent clairement cette volonté de faire du rock sans renier les sonorités africaines.
Car il faut être clair. Les groupes présents sur cette compilation jouent du rock, du funk, de la soul... Mais pas cette soupe sans âme que l’on appelle la world music. La grande différence étant qu’ici, les musiciens ne cherchent pas à "sonner africain", le but n’est pas de vendre de la musique pour hippies qui cherchent une prétendue authenticité. Ainsi les limites stylistes et musicales sont celles que seuls les musiciens s’imposent. La contrepartie de cette liberté est la longueur de certains morceaux qui auraient peut-être mérité d’être un peu raccourcis.
Mais il est certain que même ces longueurs sont ne pas passionnantes, elles n’en reste pas moins agréables car le groove qui s’en dégage est on ne peut plus communicatif. Au final, cette compilation n’est rien d’autre qu’une juste réhabilitation de la véritable musique africaine, loin des sonorités figées que certains qualifient de musique "folkorique". Alors pour une fois que les sons africains ne sont pas pillés par des producteurs occidentaux sans scrupules (Solomon Linda, auteur de la chanson Mubube qui est devenu Wimoweh -alias Le Lion Est Mort dans nos contrées francophones- n’a jamais touché un seul centime de royalties et est mort dans la misère), on ne peut que saluer le travail de Luaka Bop...
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