Dernière publication :
mercredi 15 avril 2015
par mot-clé
par index
par Brice Tollemer le 1er décembre 2009
Paru le 16 mai 2000 (Epic)
« On joue selon nos propres règles, déclare Eddie Vedder en cette année 2000. La carrière idéale selon moi est celle de Fugazi. Ce groupe a su suivre ses envies et ne s’est jamais forcé à faire quoi que ce soit pour plaire à un public. Résultat, il est toujours là et sort des albums de plus en plus denses. J’ai énormément de respect pour Ian Mc Kaye et Guy Piccioto ». Voilà comment le chanteur explique la longévité de Pearl Jam après dix années de carrière, durant lesquelles le groupe est passé par toutes les phases possibles : succès explosif et soudain, mal-être de la célébrité, autisme salvateur. Coïncidence ou non, ces différents cycles correspondent aux ères des différents batteurs qui se sont succédés au sein de la formation : Dave Krusen sur Ten, Dave Abbruzzese au temps de V.S. et de Vitalogy, Jack Irons, enfin, présent sur No Code et Yield. Binaural ouvre ainsi la période Matt Cameron, qui officie encore aujourd’hui. La boucle est par ailleurs bouclée, car c’est l’ancien batteur de Soundgarden qui était sur les démos envoyés à Vedder lorsque Stone Gossard et Jeff Ament cherchaient un chanteur durant l’année 1990…
Pearl Jam est sur une excellente dynamique depuis 1998. D’une part, le groupe a enfin réalisé un clip, pour le compte de « Do The Evolution » : assurément la meilleure vidéo de la formation pour l’une de ses plus grandes chansons. D’autre part, une année plus tard, le single Last Kiss (une reprise de J. Frank Wilson & The Cavaliers datant de 1964) devient tout simplement le plus gros succès commercial de toute l’histoire de Pearl Jam. Tout laisserait donc à penser que les cinq musiciens sont rentrés en studio gonflés à bloc pour enregistrer ce sixième album. Mais Vedder avouera plus tard avoir connu quelques difficultés à écrire tandis que les quelques absences de Mike McCready (en cure de désintoxication) n’ont pas facilité le travail en équipe. Le fait également que le producteur de Binaural soit Tchad Blake, peu familier de l’univers Pearl Jam, peut expliquer le manque relatif de cohésion de l’ensemble. Ceci étant, le groupe se montre néanmoins inspiré dans ses compositions. Les énergiques et explosives « Breakerfall » et « Gods’ Dice » dès le début du disque sont là pour faire le boulot. Et elles le font bien. La jolie « Light Years » et la respiration acoustique de « Of The Girl » apportent le nécessaire d’harmonie et de diversité dont a besoin l’album. Album dont la pochette représente la Nébuleuse du Sablier, à la forme si caractéristique. L’espace et le temps liés inextricablement dans une même notion de l’existence. Deux concepts différents que l’on perçoit au même moment. Exactement ce que signifie « binaural », une méthode d’enregistrement qui permet d’écouter de deux manières différentes au même instant. Et il faut avoir profité de « Nothing As It Seems » au casque pour saisir au mieux les ramifications sonores inhérentes au disque. Mais si Pearl Jam prend de la hauteur, il n’en garde pas moins les pieds sur terre et reste ancré dans le présent. A ce titre, « Grievance » et « Rival » évoquent deux évènements importants qu’ont connu les Etats-Unis en cette fin de XXème siècle. La première revient sur les manifestations à Seattle lors du sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce et notamment sur la brutalité de la répression policière :
Pull the innocent from a crowdRaise the sticks then bring em downIf they fail to obey... oh if they fail to obey
La seconde fait elle référence au massacre du lycée de Columbine du 20 avril 1999 :
All my rivals will see what I have in store,... my gunI’ve been harboring fleets in this reservoir,... red sun...And this nation’s about to explode...
Enfin, si Eddie Vedder souligne le modèle de carrière que peut représenter Fugazi, il n’en oublie pas moins les Who et rend un hommage en forme de clin d’œil à Pete Townshend avec « Soon Forget », chanson réalisée au ukulélé, qui, vingt-cinq ans après, fait écho (pour ne pas dire plus) au morceau présent sur The Who By Numbers, « Blue, Red and Grey ». Binaural s’avère au final être un bon album. Il aurait pu néanmoins être beaucoup plus que cela et à l’heure actuelle on ne comprend toujours pas comment des titres issus de ces sessions (et présentes sur Lost Dogs) des réussites indéniables comme « Fatal », « Sad » ou bien encore « Education » n’ont pas été retenues…
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |