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Blast Tyrant

Blast Tyrant

Clutch

par Sylvain Golvet le 26 avril 2011

4

Paru en 2004 (DRT Entertainment).

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À priori, rien de palpitant chez Clutch. Depuis ses débuts en 1990 le groupe poursuit son petit parcours pépère, dans l’indifférence quasi-générale (même si quelques singles ont réussi à percer sur les ondes US), au point d’aligner jusqu’à aujourd’hui neuf albums studio, quatre albums live, sans compter les opus rassemblant de nombreux inédits sans jamais apparaître dans les classements rock des deux décennies passées, et ce malgré un cortège non négligeable de fans dévoués. De sacrés bosseurs donc, d’autant que l’arbre de cette activité de studio cache une immense forêt de concerts incessants de par le monde.

Comment expliquer cette sous médiatisation ? Il faut dire que le groupe œuvre à la lisière du stoner, genre intrasèquement marqué par une atmosphère sulfureuse et psyché. Or psyché, Clutch ne l’est pas trop, et il a le malheur de proposer une des formules les plus classiques et une des moins violentes du stoner, à l’instar de ses collègues de Five Horse Johnson. Par contre le groupe possède une dose non négligeable de groove, de charisme et de classe. C’est à se demander pourquoi un groupe comme Fu Manchu est beaucoup plus mis en avant alors que pour tout sympathique qu’il soit, il se révèle tout de même moins riche sur la longueur. Comme il n’est jamais trop tard pour parler des bonnes choses, rétablissons un peu la balance.

Schématiquement, Clutch, c’est un peu ZZ Top avec une grosse voix et du groove. Bon, bien sûr, c’est un peu plus compliqué que ça. Déjà, Clutch vient du Maryland, près de Baltimore, ce qui n’est évidemment pas le Texas. Et puis, le blues-rock de maintenant se devant d’évoluer, le son de Clutch se révèle en toute logique plus lourd et plus puissant que celui de ses aînés barbus.

Blast Tyrant, (titre complet : Blast Tyrant’s Atlas of the Invisible World Including Illustrations of Strange Beasts And Phantoms, rien que ça !) est leur 6ème opus. Il s’est imposé comme l’un des classiques du groupe, sûrement parce qu’il équilibre deux ses aspects : la puissance des albums précédents, comme la pure furie rock de Pure Rock Fury, allié aux racines blues développés dans les albums suivants (From Beale Street to Oblivion en tête). Le tout soutenu par un groove démentiel.

À l’évidence, on a affaire à des musiciens qui connaissent leur métier. Sans jamais être ostentatoires, les petits trucs de compositions sont très bien dosés. Ici un changement de rythme, là un son de guitare qui descend de plusieurs tons, là des choeurs qui amènent une petite touche funk plus qu’heureuse (Subtle Hustle à entonner à tue-tête). Formé aux jams, c’est typiquement le genre de groupe qui est sûr de ses effets mais qui ne l’utilise qu’au service de la chanson.


Individuellement chacun sait se défendre. Le batteur est juste exceptionnel. Son jeu classique, au son clair, est agrémenté d’une belle science de la caisse claire, avec ce qu’il faut de laid back pour inviter au déhanchement. La guitare de Tim Sult est toujours inventive, avec des soli jamais chiants, bien aidée par des jeux de pédales et de mix venant déranger la relative monotonie d’un jeu tout en riffs. Le bassiste brode lui aussi quelques motifs pas piqués des hannetons. Et là-dessus, l’une des caractéristiques les plus immédiatement notables de Clutch, c’est la voix de Neil Fallon. Le chant n’étant pas sa priorité, Fallon œuvre plutôt dans le registre de la prédication musclée. Disons qu’il harangue avec mélodie, et que son organe puissant lui permet de retenir l’attention de n’importe quelle âme égarée. Puisant dans la Bible comme dans les mythes gréco-romains, Fallon, plus malin qu’il en a l’air, parsème ses paroles populo-ironiques de références mythologiques diverses. En gros, le cadre bar miteux/alcool/flingues/pick-up se mêle à quelques figures comme Mercure, Lazare ou la figure gospel de John The Revelator. Un exemple parmi d’autres : la campagne américaine peut alors devenir le cadre de rites féminins secrets à base d’alcool sous des cyprès (Cypress Grove).

Blast Tyrant, c’est donc 15 morceaux pour autant de petites bombes, du tubesque The Mob Goes Wild à Promoter (Of Earthbound Causes), qui pourrait être la version texane d’un morceau d’un RATM dont le blues et les prédications religieuses auraient remplacés le rap dans ses influences. C’est encore plus prégnant sur Army of Bono qui aurait pu être un inédit d’Evil Empire. Clutch peut aussi calmer le jeu avec The Regulator et son motif de guitare folk-blues, qui se mèle ensuite avec une belle classe avec les riffs sinueux d’une guitare électrique de plus en plus percutante.

Et puis l’envie de remuer et de danser prend le dessus, grâce aux petites cloches de Cypress Grove, au funk puissant de Subtle Hustle, et surtout lors d’un des sommets groove de l’album, l’énorme de Worm Drink qui dans sa deuxième partie vous lance un déhanchement obligatoire aux sons des percussions et des « Whaoo » des chœurs. En conclusion, (Notes From The Trial Of) La Curandera fait retentir l’orgue qui fera le succès des deux albums suivants, avant de finir par le jam caché WYSIWYG.

Rahh vivement le Hellfest !



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