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Drop Drop

Drop Drop

Nervous Cabaret

par Béatrice le 16 octobre 2007

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paru le 11 septembre 2007 (Naïve)

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Les lecteurs ne le savent pas (du moins, pas encore), mais, à B-side, on a un truc fantastique, tellement fantastique qu’il reste bien caché dans les coulisses. J’espère que ces messieurs les rédac’ chefs ne m’en voudront pas trop de dévoiler son existence au public (ou plus exactement, à la fraction du public qui cliquera sur le logo "Nervous Cabaret – Drop Drop" de la page d’accueil cette semaine, ce qui réduit considérablement le nombre de personnes concernées). Si c’est le cas, rédac’ chefs et correcteurs qui me lisez, n’hésitez pas à me le signaler, je réviserai le texte en conséquence. Soit dit en passant, je ne pense pas que la "révélation" que je m’apprête à faire constitue une grave atteinte au secret professionnel. Mais on n’est jamais trop prudente.

Ces précautions prises, nous pouvons enfin en venir au fait. Ce truc fantastique dont je veux vous parler, c’est un truc qui porte le (pas si) doux (que ça) nom de "gestionnaire de disques", et qui, comme vous l’aurez aisément deviné, sert à gérer les disques envoyés à B-side dans l’espoir que quelqu’un par ici daigne écrire un article dessus. Sans rentrer dans les détails techniques et compliqués, le gestionnaire de disques, c’est un espace web où sont rentrées les références des différents disques reçus, et dans lequel les rédacteurs et rédactrices sont invités à faire leur marché en piochant ici ou là ce qui leur semble intéressant. Présenté comme ça, reconnaissez-le, ça a vraiment l’air d’un truc fantastique. Le problème, c’est que comme bien souvent, dès lors qu’on confronte la (fantastique) théorie à la (banale) pratique, on se rend compte que ce n’est pas si fantastique que ça en avait l’air sur le papier. Car dans la pratique, ce qu’il se passe, c’est que le gestionnaire de disque se retrouve rapidement rempli par des disques-dont-personne-ne-voudra-jamais et des-disques-que-personne-ne-connaît-ni-n’a-envie-de-connaître. Oh, mais que voilà une remarque déplacée, me direz-vous. N’est-ce pas justement l’essence même du boulot des rédacteurs de web/maga-zines que de les écouter, ces disques dont personne n’a jamais entendu parler – car qui d’autre le fera, hein, qui, si même vous, qui les recevez pour rien, le refusez ?
Et puis, c’est en farfouillant parmi les inconnus qu’on déniche les perles avant tout le monde, alors rien que pour ça, ça vaut le coup, non ?

Certes, certes, tout cela est très vrai, et c’est pour ça que, tant bien que mal, le gestionnaire de disques se vide peu à peu et continue à servir à quelque chose et à être fantastique au moins au sens où il simplifie pas mal la vie de pas mal de monde (et en particulier de ceux qui ont donné leur adresse aux labels et reçoivent tout ce bazar chez eux). Mais ce qui est tout aussi vrai, c’est que les perles sont, par définition, rares, et qu’il s’ensuit que piocher dans le gestionnaire de disque sur la foi d’un simple nom attrayant ou d’une brève description alléchante comporte une part de risque non négligeable. Autant le dire tout net, la plupart du temps, ce sur quoi l’on tombe ne ressemble pas franchement à une perle, même de très loin… Et c’est là que le gestionnaire de disque révèle toute sa vicelardise, car, une fois qu’on a le disque chez soi, la moindre des choses est d’écrire quelques paragraphes dessus, ce qui suppose qu’on trouve assez d’inspiration dans le disque en question pour remplir son quota de paragraphes hebdomadaire, et accessoirement qu’on écoute le disque suffisamment pour pouvoir prétendre s’être fait un avis dessus, et s’assurer qu’il n’y a pas plus matière à disserter que ce qu’on en a déjà tiré. Parfois, c’est vraiment dur. Alors on se retrouve à misérablement blablater trois paragraphes durant sur le gestionnaire de disques et ses attraits trompeurs, sans toucher un mot de l’album qui est censé être au cœur de l’article.

Mais à un moment, il faut bien se mettre à en parler, de l’album, autrement, ça fait pas sérieux. Donc parlons-en, de cet album (ou essayons). En l’occurrence, la pas très bonne pioche dans le gestionnaire s’appelle Drop Drop et nous vient du groupe Nervous Cabaret, qui n’est en réalité pas tout à fait inconnu puisqu’il s’agit là de son deuxième album. L’excuse du "mais je savais pas ce que c’était quand je l’ai demandé" perd du coup en pertinence, je sais… Toujours est-il que le premier album du groupe, qui s’appelait simplement Nervous Cabaret, avait rencontré un petit succès en France après sa sortie en 2006, et traîné en bonne place dans les rayons des Fnacs pendant quelque temps. Pas grand-chose, mais assez pour rendre le nom un peu familier à quiconque aime à traîner entre les dits rayons. Le groupe avait reçu quelques faveurs critiques et publiques, saluant ses performances en concert et évoquant de-ci de-là Tom Waits, Captain Beefheart ou Emir Kusturica, entre autres noms laissant présager une musique dérangée et éclectique (remarquez comme chaque phrase décridibilise un peu plus la pseudo excuse évoquée quelques lignes plus haut). Elle l’est, d’ailleurs, dérangée et éclectique cette musique, mais, de là à ressortir Tom Waits ou Captain Beefheart (qui sont des cartes trop faciles à jouer dès lors qu’un groupe manifeste un penchant pour la musique de cabaret bancale et déviante)…

Soyons honnêtes, on aurait dû s’en douter, et passer son chemin en prenant un autre virage dans ce fichu gestionnaire. Le moins qu’on puisse dire en effet, c’est qu’à aucun moment Nervous Cabaret ne cherche à mentir sur la marchandise. Cabaret, indéniablement, ou en tout cas il y a des velléités évidentes de créer une ambiance débauchée, éthylée, branlante et colorée. Nerveux, oh combien ! Oui, tout ce que le nom promet est là et bien là, en quantités par trop abondantes… C’est d’ailleurs là que le bât blesse. La fièvre, les tâches de couleur rapidement et anarchiquement brossées, le bouillon débordant cherchant à mélanger du punk, du jazz, de l’opéra-bouffe, de la musique gitane et des chants de marins ivres bon marché, c’est bien gentil, mais ça ne fait pas un disque. Enfin, si, ça peut faire un disque, la preuve. Le problème, c’est que ça ne garantit en rien de sa qualité. Abondance de biens ne nuit pas, à condition qu’on sache les doser, et à trop vouloir en faire dans toutes les directions, on finit par oublier où l’on va, se perdre, et n’arriver nulle part. Ici, l’errance qui tourne en rond commence par un Break In Violence qui en effet fait un peu violence mais surtout s’excite, probablement tou content de nous emmener visiter un Père Lachaise qu’on a connu plus beau et plus paisible, et puis les choses se brouillent dans un tourbillon de trompettes, d’envolées vocales qui ne retombent jamais, de rythmiques endiablées qui refusent de se reposer, pour atteindre un sommet de syncope éreintante sur No Politics, No Sex, au cours de laquelle Elyas Khan (le chanteur, oui c’est son nom) scande un slogan de bas étage comme si sa vie en dépendait. Après ce morceau de bravoure (pour l’auditeur au moins autant que pour les musiciens), c’est un peu mieux, un peu calmé, un peu joli même ; on y tendrait bien une vague oreille presque charmée, mais on n’a plus vraiment envie de faire attention (ceci expliquant peut-être cela). C’est fatiguant, les gens constamment excités qui veulent à tout pris occuper tout l’espace et plus encore.

Deux batteries, des percussions, des cuivres déchaînés, un clavier volumineux, une voix qui n’en peut plus de s’amplifier et s’étaler, plus les traditionnels guitare-basse-bidouillages électroniques, quand chacun n’a qu’une idée en tête et que cette idée est justement de n’en faire qu’à sa tête et d’être le plus échevelé possible, vous êtes sûrs que ça tient dans une chanson ? Un peu de discipline, messieurs, je vous en prie, on ne s’entend plus écouter dans ce cabaret. Oh et puis il faudrait vous calmer un peu, l’hystérie, ça va cinq minutes, mais plus, ça devient franchement énervant. Mais non, on a beau supplier, ils ne se calmeront pas, ou alors rien qu’une poignée de secondes, le temps de reprendre leur souffle et de repartir de plus belle, en chœur (ou à peu près) s’il vous plaît. Il y a sûrement des trouvailles intéressantes dans le lot, des mélodies pas trop mal troussées, des arrangements bien pensés, voire une chanson agréable (Flame Girl, peut-être, qui ne part pas trop mal, et qui serait même plutôt jolie), mais tout est tellement noyé dans un brouet troublé de bonnes intentions qu’on les distingue à grand peine, et que toutes ces choses disparaissent aussitôt qu’on a essayé de s’y accrocher. Un peu comme la fin d’une soirée trop animée mais ennuyeuse, à ce moment où tout se brouille et où le monde semble vous passer devant les yeux, caché derrière un écran de verre fumé, si proche, trop proche, suffocant… mais tellement lointain qu’il en devient étranger… capable d’étouffer sans toucher, de s’échapper en laissant la lourdeur peser, peser, peser… On s’y perd, on y voit trouble, on a la tête qui enfle, on ne demande qu’une chose, s’en aller, s’endormir... Mais le disque ne se calme pas pour autant, au contraire. Et puis cette voix, cette voix qui n’en peut plus de surjouer la fièvre et de se livrer sans retenue à l’emphase la plus vulgaire… Non, vraiment, c’est pas très beau, tout ça… Ou alors ça l’est, et c’est moi qui n’y ai rien compris, mais alors par pitié, expliquez-moi ! Parce que je veux bien imaginer que ça passe mieux sur une scène, ça y passe peut-être même très bien, à partir du moment où il y a de l’espace et du mouvement, mais je tiens à vous rappeler, en cette ère numérisée, qu’un CD, c’est petit, et que pour faire tenir et bouger beaucoup de choses dans si peu d’espace, mieux vaut les arranger ingénieusement, à fortiori quand une de ces choses qu’on cherche à y faire rentrer, c’est le bazar. Autrement, c’est le bazar qui l’emporte.



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Tracklisting :
 
01. Break In Violence (3’37’’)
02. Père Lachaise (2’09’’)
03. Sleepwalkers (3’52’’)
04. The Toast (4’13’’)
05. No Politics, No Sex (2’44’’)
06. Dead Naked (4’38’’)
07. Les Enfants Du Papillon (4’16’’)
08. Pocket Full Of Gold (2’58’’)
09. Flame Girl (3’37’’)
10. Cat Head (4’20’’)
11. The Ark (4’04’’)
12. Everything Matters (4’48’’)
 
Durée totale : 45’16’’