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Hoarse

Hoarse

16 Horsepower

par Thibault le 8 juillet 2008

3,5

Première parution européenne en 2000 (Glitterhouse Records), parution américaine en 2001 (Checkered Past Records), puis en 2006 (Alternative Tentacles).

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On ne le dira jamais assez, les années 90 ont été de grandes heures musicales. Au-delà des têtes d’affiches Nirvana, Radiohead ou Red Hot Chili Peppers, on trouvait en grattant un peu une véritable fourmilière musicale de scènes inventives. Kyuss, Fugazi, Jon Spencer Blues Explosion, Les Thugs, Mark Lanegan… Des noms trop peu connus du grand public, mais qui donnent le sourire aux chanceux qui écoutent leurs albums, en pestant que leurs chouchous se soient fait voler la vedette par les remix neuneus des compilations Techno Dance Floor. Parmi ces groupes hélas plutôt confidentiels, 16 Horsepower, tête de pont de ce qui a été baptisé le « Denver Sound » des 90s. Kézako ? Une scène musicale autour de la ville de Denver (Colorado, USA) qui mélange de la country et du folk dans une teinte rock, sombre et cafardeuse, presque gothique chez certains groupes, et qui pioche abondamment dans la tradition et les mythes américains. Une scène sur laquelle 16 Horsepower règne sans partage : tel Kyuss qui écrase le monde du stoner rock, la bande franco-américaine menée par David Eugene Edwards est tout simplement ce qui se fait de mieux en la matière. De 1992 à 2005, elle s’est imposée comme une valeur sûre grâce à des albums remarquables (notamment les très bons Sackcloth ’n’ Ashes et Low Estate) et à des concerts de haute volée. Au point que le groupe a jugé bon en 2000 de sortir un live, Hoarse, enregistré essentiellement à Denver (on y reviendra toujours !).

Enregistré lors de la tournée de Low Estate en 1998, ce disque propose donc trois titres du premier album (Black Soul Choir, American Weeze, Horse Head) , une « rareté » du premier maxi sorti en 1995 (South Pennsylvania Waltz), quatre titres du second album (la chanson titre Low Estate, For Heaven’s Sake, Black Lung, Brimstone Rock) ainsi que trois reprises inédites et alléchantes, Bad Moon Risin’ de Creedence Clearwater Revival, Fire Spirit du Gun Club et Day Of The Lords de Joy Division. Une set-list quasi irréprochable, qui offre un large regard sur la musique de 16 Horsepower, tout en donnant de quoi se mettre sous la dent aux fans gourmands de nouveautés. Mais les intérêts de cet album ne s’arrêtent pas là ; les versions y sont parfois plus longues, mais surtout nettement plus intenses. La musique de 16 Horsepower est empreinte d’une flamme quasi mystique (les textes d’Edwards traitent volontiers de rédemption ou d’errance religieuse) qui transcende le groupe (sans jamais tomber dans le prosélytisme ni dans le born-again Christian nauséabond). Les musiciens se font plus nerveux, les guitares et la contrebasse grondent et la voix d’Edwards fait merveille. Surtout, l’atmosphère dégagée par le groupe a quelque chose d’unique, un rare équilibre entre noirceur lancinante et chaleur brûlante. Noir Désir ne s’y est pas trompé en prenant le groupe en première partie de leurs tournées. Une amitié s’est d’ailleurs liée entre ces deux groupes. [1] Amitié illustrée sur l’album par la reprise du Gun Club (influence plus que majeure de ces deux groupes) où Bertrand Cantat vient chanter aux côtés de David Eugene Edwards. Un sacré moment, rugueux et sauvage, qui montre que les musiciens de 16 Horsepower savent faire du rock vif et tranchant quand ils le veulent.

Parmi les belles réussites de ce live, outre Fire Spirit, on peut citer le fabuleux Brimstone Rock, presque sept minutes proches de la transe, le ténébreux Horse Head joué avec violon et banjo ou le terrible For Heaven’s Sake, qui fait trembler les fondations de vos enceintes avec ses riffs rasoirs et son refrain quasi prêché. Enfin, parlons un peu des deux autres reprises. Si Day Of The Lords est très bien exécutée, dans une forme assez proche de l’originale (avec le son 16 Horsepower en plus, ce qui en fait quand même une petite perle), Bad Moon Risin’ est une véritable claque, une réinvention de l’originale. Ça démarre calmement au banjo (mais je soupçonne le groupe d’avoir remplacé les cordes par du fil de fer barbelé) avant de monter progressivement, avec toujours cette superbe voix habitée et lumineuse d’Edwards. Les paroles mêmes semblent avoir été écrites pour le groupe tant elles collent à l’univers de 16 Horsepower (à moins que ce ne soit l’inverse). Chaque mot est dit avec ferveur et justesse :

I hear hurricanes a-blowing.
I know the end is coming soon.
I fear rivers overflowing.
I hear the voice of rage and ruin.
 
Don’t go around tonight,
Well, it’s bound to take your life,
There’s a bad moon on the rise.
 
Hope you got your things together.
Hope you are quite prepared to die.
Looks like we’re in for nasty weather.
One eye is taken for an eye.

Après cela, le groupe sera moins inspiré (retenons quand même Secret South qui contient quelques très bonnes chansons) et finira par se dissoudre dans l’amertume en 2005. On se console en écoutant Hoarse, qui ravive l’ancienne flamme du groupe à chaque passage sur notre platine.



[1dont le passé est assez proche puisque le batteur Jean-Yves Tola avait été membre de Passion Fodder (encore un groupe très injustement oublié, tiens, c’est la journée des réhabilitations), dont le leader n’était autre que Théo Hakola, producteur du premier album de Noir Désir.

Vos commentaires

  • Le 3 février 2012 à 15:13, par Alexei Stavroguine En réponse à : Hoarse

    Secret South est un immense album et Splinters une des meilleures chansons du 16 Horsepower.

    Sinon pour se consoler on a quand même la discographie de Wovenhand... vous auriez pu mentionner cela tout de même.

    Cet article est très intéressant par ailleurs.

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Tracklisting :
 
1. American Wheeze (4’11")
2. Black Soul Choir (4’31")
3. Bad Moon Risin’ (4’10")
4. Low Estate (4’25")
5. For Heaven’s Sake (4’44")
6. Black Lung (4’31")
7. Horse Head (5’07")
8. South Pennsylvania Waltz (5’45")
9. Brimstone Rock (6’47")
10. Fire Spirit (3’21")
11. Day of The Lords (5’01")
 
Durée totale : 52’00"