Sur nos étagères
In London 1966*1967

In London 1966*1967

Pink Floyd

par Dumbangel le 22 novembre 2005

4,5

réédité en juillet 2005 (Pucka record/Import)

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte Imprimer l'article Envoyer l'article par mail

Janvier 1967 : le Floyd est à l’avant-garde du psychédélisme anglais. Les reprises de R&B des débuts ont laissé place à une musique expérimentale totalement “free form”. Il faut dire que tout s’est enchaîné très vite pour eux. A peine formé, durant le printemps 65, le groupe ne tarde pas à se faire un nom dans le milieu underground londonien. Ils jouent ainsi en invité d’honneur à la Roundhouse, à l’occasion du lancement du magazine International Times. La rencontre avec Peter Jenner et Andrew King, deux managers qui croient en eux, scelle le futur immédiat du quatuor qui s’apprête à écrire le premier chapitre de sa longue épopée. Multipliant les concerts, la première consécration arrive fin décembre 66 puisqu’ils sont en vedette de la soirée d’ouverture d’une nouvelle salle de Londres : l’UFO, futur temple de l’underground britannique.

C’est dans ce contexte plutôt favorable que Peter Whitehead fait appel au groupe pour Tonite Let’s All Make Love In London, un film documentaire qu’il réalise et ayant pour thème le Swinging London. Le Floyd se retrouve donc au beau matin du 11 janvier 67 dans le studio Sound Techniques, sous la direction de Joe Boyd, qui y produira également Arnold Layne et Candy And A Current Bun, quelques jours plus tard, ce qui aboutira à la signature du groupe chez EMI, à la fin du mois suivant. Pour l’heure, le groupe est encore loin d’être signé et envisage encore moins une véritable carrière professionnelle. Cette séance d’enregistrement est donc une véritable aubaine. Whitehead est là avec sa caméra pour filmer la session qu’il finance et n’utilisera que dix secondes de film. Le Floyd décide d’offrir Interstellar Overdrive au réalisateur. Le titre est déjà un classique du groupe lors des concerts qui a alors pris l’habitude de le faire durer lors de longues improvisations. La petite histoire veut que ce soit Peter Jenner qui, en voulant parler d’une chanson de Love dont il ne souvenait plus du nom, fredonna la mélodie à Syd. Ce dernier prit alors sa guitare et suivit ce que fredonnait Jenner. Syd utilisa l’accord qui deviendra le riff principal du morceau.

Whitehead, à l’époque, n’utilisera pas l’intégralité du morceau enregistré à l’occasion, mais uniquement les cinq premières minutes pour illustrer le début de son film. On retrouve donc sur le CD London 66-67 enfin le morceau de la BO dans son intégralité, soit un Interstellar Overdrive de 17 minutes au compteur. Dès les premières mesures, le groupe nous entraîne dans un tourbillon sonique d’où s’échappent des échardes d’électricité pures sortant de la guitare de Barrett. Le guitariste qui, en communion avec l’orgue de Wright, semble vouloir nous indiquer la direction à suivre afin de nous arracher de l’attraction terrestre. Rythmique fuzz qui finit par se répondre à elle-même tant elle est baignée d’écho, glissements de bottleneck sur les cordes libérant une multitude d’harmonique sur son passage, claquement de cordes se désaccordant au gré de l’instant présent, voilà Syd au sommet de l’art de la libre improvisation. Un art où finalement chaque membre du Floyd excelle, se répondant ainsi les uns aux autres dans une totale folie anarchique pour finalement aboutir à se simili de cadavre exquis musical, explorant de nouvelles sphères inédites et inconnues jusque-là.

A l’origine, le Floyd ne devait offrir qu’Interstellar Overdrive au réalisateur. Mais leur efficacité va aboutir à laisser un trésor pour les fans qui ne sera déterré que 24 années plus tard, en 1991 lors de la sortie en vidéo de London 66’67. Whitehead ayant réservé le studio pour une durée de deux heures et le Floyd refusant de faire une seconde prise d’Interstellar Overdrive, le groupe décide de se lancer dans une improvistion pour le fun. Ainsi nommée car c’est Mason qui avait lancé le morceau et en avait défini l’atmosphère, Nick’s Boogie est un moment d’improvisation pure, juste pour Whitehead pour combler le temps. Sur ce fameux Nick’s Boogie, la musique des Floyd se fait encore plus spatiale. Ce morceau renferme en lui une beauté étrange, sensation en partie due aux sonorités inquiétantes développées par les quatre musiciens. Sous les roulements étouffés et menaçant des toms de Mason, la basse de Waters ne perd pas de temps pour dévoiler ses premières fréquences graves. Syd, Barrett porté par ce rythme obsessionnel, en profite pour tisser de bien mystérieuses arabesques musicales et autres ondes sonores enivrantes. Des sonorités inédites pour leur époque, que Syd, en véritable alchimiste en chef, arrive à tirer de sa fameuse Telecaster Esquire argentée à miroirs aux moyens de la fameuse chambre d’écho Binson Echorec.. Le tout est délicatement ponctué par les brèves, mais toutefois terrifiantes, interventions spectrales et fantomatique de l’orgue Farfisa de Rick, clavier au tonalité déjà délicieusement acides en temps normal mais là aussi métamorphosé grâce au pouvoir fascinant de la Binson. Si Interstellar Overdrive, de part sa construction en creux et en vague, évoque plus un long tour en grand 8 sous speed, Nick’s Boogie s’apparente plus à une douce descente d’acide et de contemplation introspective tel que l’on devait le vivre à l’époque, lors d’un voyage narcoleptique. Sans les terribles effets secondaires. Ouf ! Merci à eux.

De part son caractère historique, le disque est surtout destiné aux inconditionnels de la période psychédélique du groupe. Avec les deux morceaux enregistrés lors de ces sessions, nous sommes bien plus proches du Floyd expérimental tel qu’il se présentait en concert, que du lumineux groupe pop, auteur de petites miniatures type Arnold Layne ou See Emily Play. Le groupe nous livre ici une musique intemporelle, libre de tout mouvement. Une musique qui se déforme sans cesse, mouvante, insaisissable, vivante, à l’image de leurs light show d’époque. On peut signaler au passage que l’on peut retrouver l’équivalent visuel de ce disque, avec le DVD du même nom sortie depuis peu qui regroupe ces fameuses séances de studio filmé par Whitehead, ainsi que des image du Floyd à L’UFO et des images d’archives du fameux ‘14 Hour Technicolour Dream’, auquel le groupe participa. Une occasion de revoir un Syd Barrett, charismatique et envoûtant, alors en pleine possession de ses moyens, qui avait encore un contrôle sur sa vie et sur son talent créatif. Plus qu’un flash-back en forme de témoignage historique, ce document et sa bande sonore sont un vibrant hommage au petit prodige de Cambridge.



Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n'apparaîtra qu'après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom



Tracklisting :
 
1. Interstellar Overdrive (16’46")
2. Nick’s Boogie (11’50")
 
Durée totale : 28’36"

+ bonus cd-rom :

  • Interstellar Overdrive issu du DVD London 66’67
  • Interviews de Mick Jagger, David Hockney, Michael Caine, Julie Christie extraits du film Let’s All Make Love In London
  • interview du réalisateur Peter Whitehead