Chansons, textes
The Days of Pearly Spencer

The Days of Pearly Spencer

David McWilliams

par Emmanuel Chirache le 5 octobre 2010

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Avis à tous les auteurs compositeurs : pas la peine de s’embêter à composer des centaines de chansons, pas même une dizaine, pour avoir du succès. Car la postérité rock, c’est un peu comme le café Maxwell, une seule cuillère suffit, sauf qu’au lieu d’une cuillère, vous mettez une chanson. Enfin je me comprends. Prenez ce brave David McWilliams par exemple, Irlandais de son état, né en 1945 près de Belfast. En 1966, le chanteur est remarqué par le producteur Phil Solomon, qui avait déjà managé d’autres Irlandais fameux, les Them, et enregistre un album, puis un deuxième avec une campagne de presse agressive dans le New Musical Express et sur le flanc des bus londoniens. Dans l’encart publicitaire du NME, on apprend ainsi que David va bientôt vendre des millions de disques, signer plein d’autographes et passer à la téloche. L’article ajoute : "et pour la première fois, nous vous disons tout sur un chanteur pop AVANT qu’il devienne une star". Malheureusement, le conte de fées n’aura pas tout à fait lieu comme ça, puisque la BBC boude le disque sous prétexte qu’il passe par ailleurs sur les ondes pirates et concurrentes de radio Caroline (celle qui inspira le film Good Morning England)... or, dans un business où la radio fait encore la loi, ce boycott condamne le pauvre petit McWilliams, qui ne méritait pas ça. Nul n’est prophète en son pays, notre irish troubadour reste donc anonyme au Royaume-Uni.

Heureusement, comme toujours quand un Grand-Breton est déconsidéré chez lui, il y a la France ! La France, patrie adoptive pour tous ces rosbeefs et autres mangeurs de patates incompris par ces grandes îles septentrionales stupides, engoncées dans leur délire obsidional indécent. Tout ça pour dire que le single de David The Days Of Pearly Spencer, à l’origine la face B de Harlem Lady, va soudain cartonner chez nous dans des proportions qui vont dépasser l’entendement. C’est alors l’effet boule de neige, puisque le monde entier, à l’exception des Anglo-saxons, qui aiment à se démarquer du reste de la planète en se donnant des airs supérieurs de mauvais aloi, le monde entier disais-je va hisser le morceau au sommet des charts. Grâce à une seule petite chanson, David McWilliams est devenu riche. Car il ne remettra plus jamais ça, retournant bien vite dans les limbes des rayons obscurs de la folk music.

Mais The Days of Pearly Spencer, elle, ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Il faut reconnaître que la chanson tutoie la perfection, avec ses arpèges folk délicats, cette basse qui groove et ces couplets scandés avec force par McWilliams. L’orchestration vient apporter un souffle épique à une mélodie déjà très accrocheuse, via une section de cordes haute en couleurs, mais aussi l’utilisation assez audacieuse du mégaphone lors du refrain. Rappelons que la sortie du single est relativement contemporaine de Mai 68 et de ses slogans crachés avec le même instrument... Indéniablement, le titre séduit et emporte l’adhésion par ces envolées mi-pop orchestral, mi-folk subtil. Du grand art, si bien que les reprises vont alors se succéder en cascade.

The Days of Pearly Spencer - The Grass Roots (Lovin’ Things, 1968)

Parmi les premiers à s’emparer du morceau, citons les Grass Roots, groupe de folk-rock américain méconnu et mésestimé dont il faudra bien que nous vous parlions un jour sur Inside Rock. Sortie en 1968 sur l’album Lovin’ Things, la version du groupe est à son image, plus groove que l’originale, plus langoureuse aussi. La différence avec celle de McWilliams reste toutefois légère et pourtant elle n’est pas une simple redite et on y trouve un véritable intérêt.

The Days of Pearly Spencer - The Avengers (single, 1968)

Toujours en 1968, donc contemporain de l’original, le groupe de rock psychédélique néo-zélandais The Avengers en livre une interprétation assez réussie et teintée de psychédélisme. En effet, les violons sont ici remplacés dans le refrain par un clavecin et des chœurs, alors que dans les couplets ce sont des cuivres qui prennent le relais. Le piano, lui, est plus agressif. L’ensemble est charmant.

Je connais une chanson - Frank Alamo (45 tours, 1968)

Toujours la même année, l’horrible Frank Alamo et ses dents blanchies sort l’adaptation du titre en français, ce qui donne Je connais une chanson (moi aussi Frank j’en connais une, qui est vachement mieux que la tienne d’ailleurs). Difficile aujourd’hui de retrouver cette ancienne face B... en revanche Deezer propose une nouvelle version plus récente qui s’impose comme l’un des pires ratages jamais réalisés dans le domaine. Il y a des jours où l’on se demande comment des gens constitués d’un cerveau, des professionnels de la musique qui plus est, peuvent massacrer sans vergogne une mélodie aussi simple et belle. Entre la voix ignoble du chanteur, les paroles insipides ("je connais une chanson, amoureuse d’un violon", bah merde alors), les effets ringards des années 80, et surtout ce petit solo final de guitare électrique digne d’un Steve Vai du pauvre, on ne sait plus où donner de la tête. Ce n’est plus Frank Alamo, c’est Fort Alamo...

The Days Of Pearly Spencer - Raymond Lefevre (Raymond Lefevre et son orchestre n°6, 1968)

Autre curiosité, autrement plus intéressante, cette reprise easy listening instrumentale par le chef d’orchestre français Raymond Lefevre. Dans les années 60, l’arrangeur publie plusieurs vinyles entièrement composés de reprises de hits internationaux, dont Days of Pearly Spencer fait partie. Le morceau original étant déjà très orchestral, la différence tient surtout à l’absence de voix, celle-ci étant jouée par divers instruments (le premier est délicat à identifier, guitare, dulcimer ?). Le résultat fait évidemment penser à l’Andrew Loog Oldham Orchestra, que le manager des Stones avait créé à la même époque pour reprendre les tubes pop du moment, mais aussi les morceaux de Jagger et Richards. Les arrangements de Lefevre sont cependant plus fins, subtils, élégants. "A la française", quoi.

Il volto della vita - Caterina Caselli (45 tours italien, 1968)

Bon, à part la langue italienne et la voix féminine, ce single chanté par Caterina Caselli ne possède pas un intérêt primordial. On ne l’aurait jamais entendu qu’on ne s’en porterait pas plus mal. Mais il faut au moins reconnaître à la jeune femme une qualité : elle ne s’appelle pas Frank Alamo.

The Days of Pearly Spencer - The Vietnam Veterans (Days of Pearly Spencer, compilation 1988)

Encore des Français ! groupe de rock psyché des années 80, les Vietnam Veterans ont réalisé cette reprise curieuse, à base de synthés sobres et de guitares planantes. Ce n’est pas génial mais c’est très honorable, tout comme le groupe d’ailleurs, sorte de ménage à trois entre The Jesus and Mary Chain, Nick Cave et le Gun Club. Bon, je suis sympa, je vais finir là-dessus côté français et vous épargner la version reggae d’un certain Kamille...

Kein Sieg Für Pearly Spencer - Jan Bohne (album introuvable, années 90)

Tiens, ça on n’avait pas encore eu : la version chantée par un enfant. En plus, c’est en allemand, on fait d’une pierre deux coups. A en croire le clip, superbe, l’histoire parle maintenant d’un coureur automobile alors qu’il s’agissait à l’origine d’un clochard... Le gamin a une tête à vous vendre des chocolats Kinder ou du Nutella, mais il ne chante pas top, il suffit de l’entendre ahaner le refrain "kein Sieg für Pearly Spencer, ahaa" pour regretter d’avoir croisé son chemin. Il s’appelle Jan Bohne, il a grandi et on peut consulter sa fiche professionnelle ici : http://www.xing.com/profile/Jan_Bohne.

The Days of Pearly Spencer - Sagi Eiland (Youtube), 2009

Juste histoire de prouver que toutes les reprises Youtube ne sont pas des daubes sans nom, voici une sympathique cover de Sagi Eiland, chanteur israélien qui interprète le morceau dans une veine Leonard Cohen, psalmodique, épurée,qui fonctionne plutôt pas mal.



Vos commentaires

  • Le 16 décembre 2011 à 22:04, par Douzbb En réponse à : The Days of Pearly Spencer

    Merci pour cet article et ce très sympathique travail de recherche. Je ne suis pas Germanophobe, mais le petit allemand m’a foutu la trouille. Une voie de crabe

    Bon il manque la formidable et plus belle reprise de ce morceau, celle de rodolphe buger ex leader de kat onoma http://www.youtube.com/watch?v=UZj57adDGYI

    musicalement
    Douzbb

  • Le 4 juillet 2013 à 23:01, par Alex En réponse à : The Days of Pearly Spencer

    Oh la rigolade sur la version Fort Alamo ! Merci, je me roule par terre

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