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The Evening Visits... And Stays For Years

The Evening Visits... And Stays For Years

The Apartments

par Yuri-G le 12 juin 2007

2,5

paru en 1985 (Twin / Tone)

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The Apartments est le groupe d’un seul homme, Peter Milton Walsh, loser australien au quotidien gris et placide. Peter aura passé une vie à rêver, au bord de la route, trop faible, pas assez sûr de vouloir s’y engager ; cinq albums jonchent ses presque vingt-cinq ans de carrière, de fins repères qui émaillent un parcours triste et banal. Sa petite banlieue natale de Sydney est vraiment loin de tout. Walsh vit dans l’isolement, erre dans la nature, immense, écoute passionnément Bob Dylan et Dusty Springfield. Quand il décide de monter son propre groupe, à l’université de Brisbane, il l’intitule The Apartments, ce « symbole des grandes villes » dont il ignore tout et dont l’agitation, les surfaces métalliques aux reflets crus, le battement continu des lumières scintillantes peuplent ses rêves d’absolu. Ses camarades de fac Grant McLennan et Robert Forster, fondateurs des Go-Betweens, l’aident à enregistrer un premier EP. Les membres du groupe préfèrent l’héroïne à la musique, Walsh est désoeuvré. Il ne peut le supporter et disparaît. Ses premiers espoirs, brisés.

L’échec gagne consciencieusement du terrain. New York puis Londres, Peter a intégré les Colours et les Laughing Clowns, mais rien ne marche. Il rentre à Sydney, la dépression, l’alcool, la solitude. Il compose quelques titres, dans une usine désaffectée, éclairé par les lueurs vacillantes de lampes à pétrole. Un petit label le sollicite, le pousse à enregistrer ses chansons. The Evening Visits... And Stays For Years, c’est le titre - magnifique - du disque. Et quand on connaît son parcours, on sait ce qui résonne si tragiquement dans la voix de Peter Walsh. Ou plutôt... Non. Sa voix se suffit à elle-même. Elle porte son fardeau tel quel, elle est plaintive, souffrante, son timbre gémissant et fragile. Pas vraiment aguicheuse. Une silhouette qui arpente des déserts de mélancolie et de désenchantement. L’histoire, on la connaît déjà en fait, sans besoin de dates, sans lieux, sans visage. C’est simple, il faut écouter All The Birthdays : le renoncement pur. Il n’y a presque rien, mais assez pour être soulevé par une émotion déchirante. Seul un homme qui se croit fermement piégé, condamné au vide et à l’amertume, peut chanter comme ça, avec de tels mots.

So I shrug my shoulders, slip into another tongue
Knowing nothing can be perfect
Took that curse, nothing left could do us any harm
Spare me the rituals of sorrow

Walsh, progressivement submergé par le désespoir, laisse durer le "sorrow" final, l’étend pour mieux l’exorciser, le bannir de son âme ; pendant ces quelques secondes, rien n’est plus présent que son destin de paumé.

Ailleurs, folk, country et blues élégiaques. Il y a Sunset Hotel, évoquant le lieu où ses anciens compagnons allaient s’approvisionner en héroïne, une échappatoire rêveuse, presque insouciante, une chanson de nuit ; Cannot Tell The Days Apart, émouvante, rattrapée par la désillusion, comme le soufflent les guitares un peu râpeuses ; Mr. Somewhere aussi. Le disque est soutenu par des textes très beaux, où se lovent la souffrance, l’abattement. Des constats d’échec, des situations ou des décors qui n’ont plus de sens. Le regard se perd dans le lointain, cherche une vague issue. Sinon, incroyable, les autres compositions ne brillent guère ; où, pour réajuster, n’atteignent pas l’intensité de ces morceaux-là. Des structures très basiques, du blues dévasté, de la country crépusculaire qui sonnent exactement comme ils le doivent. Pas d’éclat, presque plus d’aspérités, si ce n’est les paroles et le chant, l’émotion est étrangement absente (qui peut le croire ?). Loins d’être mauvais, mais s’en contenter lorsqu’on a connu des aveux aussi essentiels ? Un peu comme si Walsh avait réussi, pendant quelques titres, à sublimer son spleen maladif, jusqu’à ce que celui-ci le rattrape pour imposer ses perspectives. Dorénavant, des horizons ternes, moroses, à perte de vue. Et de nouveau l’alcool et la dépression.



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Tracklisting :
 
1. Sunset Hotel (3’09")
2. Mr. Somewhere (2’53")
3. What’s The Morning For ? (3’54")
4. All The Birthdays (5’37")
5. Great Fool (3’50")
6. Speechless With Tuesday (5’20")
7. Cannot Tell The Days Apart (4’43")
8. Lazarus, Lazarus (3’15")
9. The Black Road Shines (4’06")
 
Durée totale : 36’52"