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The Shit That Can Defy Gravity pt. II

The Shit That Can Defy Gravity pt. II

par Lazley le 9 juin 2009

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Cet article prolonge Mike Patton : The Shit That Can Defy Gravity

Transition : Making people sick ?


Shit lives forever !

Avec le « beautiful with the sick » d’Angel Dust et la tournée gargantuesque qui suit, on atteint des sommets de bodily fluids, balancés en geysers à la face du monde. Mike persiste dans le crado, se versant des bouteilles de pisse sur le crâne en plein concert, exhortant la foule à lui cracher dans la bouche (Faith No More, concert chilien de 1995)…

Pinacles de l’immondice, qui semblent bâtir une chrysalide junk, dont la coque porte deux noms : Disco Volante (Bungle, 1995) et King For A Day, Fool For A Lifetime (FNM, 1995).

Un couple frôlant l’inceste, coït forcé orchestré par le lead singer des deux formations-matrices via l’inclusion de Trey Spruance dans la géopolitique de Faith No More. Pis que brouillées, les frontières sont annihilées, et Patton peut se lancer dans un repli toujours plus masturbatoire, un bourbier vocal d’où émerge du grand. Star A.D. fait du désormais moustachu un prêcheur de big band, Just A Man pousse jusqu’au gospel à 50 voix…

King For A Day... est une tentative singulière typée songwriting de Mike. Deux exemples frappants d’une surprenante avancée :

Man was born to love, though often he has sought
Like Icarus, to fly too high, and far too lonely than he ought
To kiss the sun of east and west, and hold the world at his behest
To hold the terrible power, to whom only gods are blessed
But me, I am just a man
  • Just A Man
And dying is dry, like a fact of history
And when you die, you’ll become something worse than dead
You’ll become… A legend
  • Star A.D.

A noter que les deux extraits en question sont sussurés en spoken word, attirant l’oreille pour mieux distiller ces roboratifs constats de vacuité humaine. On peut ajouter au corpus cette reprise dans « Ricochet » de la punchline carnassière de Bill Hicks, comique officiel de la fausse alternative nation et grand ami des membres de Tool : « It’s always funny until someone gets hurt and then it’s just hilarious ».

Phrase résumant presque ce Patton croissant, hilare et spasmique dans le foutoir nineties. Sur King For A Day, le cri primal se délite progressivement de sa gaine de fébrilité adolescente pour devenir un surin dont la lame s’affûte de morceau en morceau.

Disco Volante vient ainsi offrir un bréviaire de la nouvelle arme vocale, qui permet à Mike d’encapsuler (enfin !) la dernière de ses marottes : Violenza Domestica – en italien s’il vous plaît ! – enchaîne bruit de frottements de couteaux, de claquements de gorge, et perd en chemin le sens de la parole.

La tournée Disco Volante verra Mike arborer un masque de caoutchouc directement inspiré du fumetti (comics) italien Diabolik, pendant rital de notre Fantômas national (nom qu’il faut retenir pour la suite), lui enserrant la tête et ce qui lui reste de mots. Le Faith No More suivant, « Album Of The Year » (1997), sera une redite tirant vers le trip-hop musclé au fumet d’enterrement, conduisant à un de ces splits (1999) qui se font si rares, puisque reconnaissant simplement que « notre musique commençait à devenir mauvaise ».


Get me out of this air-conditioned nightmare !!!

Mike se rêve de toute façon déjà ailleurs. En bretteur vocal recyclant des cartouches de démo, par exemple. Adult Themes For Voice (1996) et Pranzo Oltranzista (1997), sortent sur Tzadik, le label du compère Zorn. Le premier est une horreur intégrale (on cherche en vain un autre qualificatif), collage d’essais-gargouillis sur des errances d’une minute trente en moyenne. Dispensable, bien sûr, mais on sent Patton tâtonner vers une nouvelle obsession, qui paraît déjà moins trouble et sans issue sur le second, probablement grâce au coup de main de Marc Ribot, guitariste expert en déconstructions savantes.

Bungle dans tout ça ? Là aussi, une lassitude s’installe, gravée cette fois au tison des querelles d’ego. Le duo antagoniste Spruance/Patton pousse ce marronnier rock jusque dans ses derniers retranchements, en opposant deux personnages musicaux quasiment irréconciliables ; car Spruance grandit depuis 1995 et la fondation de Secret Chiefs III, son combo caporalisé au line-up changeant. Une certaine idée de l’orient y est à l’honneur, et l’on y malmène son surf rock/death metal/électro haineuse/easy listening/persianisme sous les auspices de l’érudition philosophique du maître des lieux.

Le clash avec un Patton, toujours plus porté vers les nouveautés occidentales (le rap abscons, le trip-hop tellurique, l’ambient sournoise…), ne pouvait que s’opérer…

Sauf que California (1999), le dernier acte de Mr Bungle, est contre toute attente un joyau d’unité reconstruite. Ce petit vestige de la Babel perdue des membres du groupe (Dunn grignote vers des contrées free-jazz) est, de même que l’Aenima de Tool (some say the end is near), une des plus… belles manières qui soit de finir le XXe siècle pop. Réactualisant Brian Wilson, les moines tibétains, l’Hawaï fantasmé des slide guitarists, les cot-cot Princiers et se posant en héritiers de la passion de Zappa pour le doo-woop, Bungle concasse son dadaïsme trashy sans la moindre once de modestie.

Concisions et CHANSONS sont au rendez-vous de l’histoire, Patton lance de fabuleuses embardées sur ce qu’il sait être son dernier sacerdoce. Vanity Fair est le genre de cauchemars qu’Al Green doit sûrement faire de temps en temps (s’entendre chanter un précis de soul pareil, dans un corps blanc !!! Déjà fuckin’ vu, comme on dit au pays du Messie Barack O.). Retrovertigo se permet une coloscopie de la symphonie pop parachevée par les double A-sides des Beatles. Golem II : The Bionic Vapour Boy, ou les Ronettes sifflotés par un R2-D2 ayant robotiquement mué et Goodbye Sober Day,, son chœur final de 60 Patton empilés déclamant des litanies hindoues avant le "TCHAK !!!" cisailleur et l’hallali définitif.

Les chemises à fleurs et le chat empaillé qui surplombe l’un des mini-claviers de Patton sur la dernière tournée de son premier amour ne décrisperont rien ; Bungle ne survivra pas au troisième millénaire, qui commencera sans lui mais poussera son premier cri avec les Strokes. Dur.

Pour Mikey, qui atteint la trentaine, les ruminations sont pourtant loin d’être à l’ordre du jour. Car une entreprise ébauchée de longue date, puis consolidée juste avant l’enterrement de ses deux grands faits d’armes, occupe sans relâche son cerveau fiévreux…



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