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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 8 janvier 2008
Paru le 18 septembre 2007 (Ecstatic Peace/Differ-Ant)
Cette escapade en solo de la part du leader de Sonic Youth n’est pas la première et sûrement pas la dernière. Mais loin des expérimentations barrées de certaines collaborations, on ne trouvera pas ici de noise bruitiste ou de free-jazz guitaristique. Car contrairement à leur habitude, les membres de Sonic Youth adorant profiter de leurs aventures solo pour pousser un peu plus loin les limites de l’écoutable sur disque, c’est même vers l’acoustique que ce tourne ici Thurston Moore, à l’image de certaines chansons du dernier opus de son groupe (Do You Believe in Rapture ?ou Or). Un disque reposé, toujours plein de guitare, mais moins agressif, plus serein. Voire mélancolique.
Ce qui interpelle d’emblée, c’est cette quasi-prédominance de la guitare acoustique. Venant d’un gars possédant un nombre incalculable de guitares électriques, ce choix a de quoi surprendre, si bien que, m’attendant à un déluge d’accords tordus et de larsen, je suis passé totalement au travers des premières écoutes. Les préjugés ayant la peau dure, j’y cherchai ma dose de noisy rock et d’électricité, et, déçu, je laissai le disque trôner trop loin de ma platine. Mais après un mûrissement toujours bénéfique, je décidai d’ouvrir mes oreilles et mon esprit pour y laisser entrer ce Trees Outside The Academy.
Pas que le disque soit foncièrement anti-sonic-youthien. On y retrouve la voix habituelle de Thurston, ce jeu de guitare frénétique et la batterie si reconnaissable de Steve Shelley. Mais ce cocktail est cette fois tourné vers la mélodie, vers une idée de collection de chansons pop. Ce mouvement a été amorcé chez Sonic Youth depuis Murray Street voire NYC Ghosts & Flowers, soit depuis leur collaboration avec Jim O’Rourke. Au lieu de briser violemment les règles de la pop et du rock, le groupe pénètre toujours un peu plus dans les structures classiques pour les faire plier avec plus de finesse. Pour ce disque, Thurston Moore nous caresse donc dans le sens du poil, avec des mélodies simples, mais avec une finesse qui fait plaisir à entendre. Tout comme le surprenant violon de Samara Lubelski, qui se fait entendre sur plus de la moitié du disque.
C’est comme si une certaine mélancolie et une pointe de tristesse semblaient poindre chez cet éternel adolescent. The Shape Is In A Trance serait un peu le pendant folk et dénué de rage d’un morceau de Goo. De même, Honest James, hommage à James Brown diffuse un spleen, notamment par la voix touchante de Christina Carter, plutôt éloigné de celle de Kim Gordon. Bref, une retenue et une volonté de rester dans son petit coin qui séduisent par leur modestie. Bien sûr, on pourra toujours prendre son pied sur les ruades de Wonderful Witches ou les méandre électriques du morceau éponyme, d’autant que Moore y est épaulé par la guitare de son ami J. Mascis, maître ès soli de Dinosaur Jr. Il reste juste dommage que certaines mélodies fasse beaucoup trop penser à certaines des derniers albums de son groupe, comme celle de Never Light qui reprend exactement celle de Turquoise Boy.
On n’échappe donc pas si facilement à ses origines, que ce soit son groupe ou son enfance, et Moore aime à les rappeler, d’autant que c’est son disque à lui ; American Coffin, son fracas de larsen et son piano enrhumé de fond de pièce rappellent les antécédents du garçon, tout comme cette piste finale, ce Thurston @ 13 qui, via un extrait d’une cassette enregistré à ses 13 ans, nous fait entendre les délires sonores du garçon et surtout l’imagination d’un jeune homme qui n’a rien d’autre à faire et n’a d’autres solutions que de se réfugier dans la musique. A presque 50 ans, Moore n’a pas abdiqué et il avance toujours, avec son groupe et en solo, en gérant sa carrière à sa guise (le disque est sorti via son propre label Ecstatic Peace !). La douce mélancolie et la modestie qui s’en dégagent font de ce Trees Outside The Academy, deuxième opus solo de son auteur, le disque idéal pour passer l’hiver sous sa couette et reprendre des forces pour se bouger sur le prochain Sonic Youth. Une agréable surprise, quoi.
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