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Zombie Birdhouse

Zombie Birdhouse

Iggy Pop

par Aurélien Noyer le 27 mars 2007

4,5

paru en 1982 (Animal Records)

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Zombie Birdhouse, un des trésors les plus cachés du rock ? Ça se pourrait bien, tant cet album semble à la fois totalement méconnu et indispensable dès la première écoute. Bien sûr, Iggy Pop, c’est les Stooges, c’est Lust For Life, avec un peu d’indulgence, on pourrait même dire que c’est Brick By Brick. Mais qui connait Zombie Birdhouse ?

Pour comprendre l’anonymat dont souffre cet album, il n’est peut-être pas superflu de revenir à l’époque de sa création. 1982. Iggy est au fond du trou. Mentalement, financièrement, il a encore tout foiré. Bowie l’avait aidé à s’en sortir par deux fois déjà : en poussant son manager à s’occuper des Stooges et en produisant Raw Power dans un premier temps, puis quelques années plus tard en lui offrant la possibiltés d’enregistrer deux classiques avec The Idiot et Lust For Life. Mais le succès de Lust For Life n’a eu qu’un temps et fut écourté par un triplet d’albums médiocres, pour ne pas dire ratés. Le temps de sortir New Values, Party puis Soldier et l’Iguane est un has-been, viré par son label, désespérant les quelques fans qui lui restent fidèles. Par chance (et sans doute par générosité), Chris Stein, guitariste de Blondie, l’invite à rejoindre son tout nouveau label, Animal Records. Le deal est très simple, Iggy peut enregistrer ce qu’il veut.

Une aubaine pour le chanteur dont le côté expérimental semble être trop souvent sous-estimé. Ainsi boucle-t-il en quelques semaines Zombie Birdhouse. Avec l’aide de Rob Duprey, guitariste rescapé de la calamiteuse tournée Soldier, de Chris Stein à la basse et du batteur Clem Burke (Blondie), Iggy va enregistrer le disque le plus étrange de toute sa discographie, une sorte de cathédrale de bric et de broc. Les moyens sont limités, l’instrumentation sonne souvent cheap, mais ces contraintes forcent Rob Duprey (qui s’occupe des arrangements) à tendre vers le maximum d’efficacité. Ainsi les claviers et la boîte à rythme de Eat Or Be Eaten ont un certain côté envoûtant sur lequel Iggy peut se lâcher, jouer au chanteur new-wave puis d’un seul coup, se faire crooner au détour d’un refrain. Parfois (souvent ?) à la limite de la justesse, son chant n’a jamais été aussi inventif Colérique sur Run Like A Villain, sarcastique avec The Ballad Of Cookie McBride, véritablement émouvante pour Ordinary Bummer ou complètement barrée dans Street Crazies, sa voix est capable de tout et il ose tout.

Bien sûr, la musique est à l’avenant. Souvent squelletique dans ses arrangements, elle pourrait pâtir des mauvaises conditions d’enregistrement tant on devine le manque de moyens et de matériel de qualité. Mais c’est finalement le contraire qui se produit. Le son est râpeux, sec et aride. Alors même si certaines sonorités sont facilement reconnaissables et pourraient permettre de dater le disque, on est rassuré de s’apercevoir que le disque évite tous les écueils des années 80s. Aux soli de guitare flashy et aux synthés triomphants, on préfèrera largement les riffs crades et sinueux de The Horse Song ou les rythmes étranges de Watching The News.

Quand on connait le contexte d’enregistrement de l’album, on n’est donc pas surpris d’entendre Zombie Birdhouse sonner comme un baroud d’honneur, l’œuvre d’un artiste qui n’a rien à perdre et met toutes ses tripes et sa créativité sur les bandes. Iggy chante donc comme si c’était son dernier album, son testament. D’ailleurs, il lui faudra ensuite attendre trois ans et l’aide de Bowie (une fois de plus) pour enregistrer et retrouver la voie du succès avec l’album Blah Blah Blah. Car, bien sûr, Zombie Birdhouse sort dans l’indifférence générale. Les rares fans de l’Iguane ne comprennent pas vraiment, la presse n’a rien à foutre de l’ancien parrain du punk, mouvement enterré par l’émergence de la new wave. Et l’album va très rapidement sombrer dans l’oubli.

Pourtant, maintenant qu’Iggy a retrouvé la place qui lui revient de droit, à l’heure où les Stooges enchaînent les tournées mondiales, il serait peut-être temps de réhabiliter ce disque et de reconnaître enfin le talent polymorphe d’un chanteur qui n’est pas seulement le braillard énervé qui exhibe ses attributs à chaque concert.



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Tracklisting :
 
1. Run Like A Villain (3’07")
2. The Villagers (3’56")
3. Angry Hills (2’56")
4. Life Of Work (3’50")
5. The Ballad Of Cookie McBride (3’03")
6. Ordinary Bummer (2’46")
7. Eat Or Be Eaten (3’16")
8. Bulldozer (2’18")
9. Platonic (2’38")
10. The Horse Song (2’59")
11. Watching The News (4’17")
12. Street Crazies (3’49")
13. Pain And Suffering (3’42")
 
Durée totale : 42’37"