Sur nos étagères
23

23

Blonde Redhead

par Sylvain Golvet le 15 mai 2007

4

paru le 16 avril 2007 (4AD)

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L’état de grâce. C’est à ce genre de défi que devait faire face Blonde Redhead pour cet album, retrouver ce moment unique dans une discographie, où les recherches stylistiques prennent tout leur ses sens le temps d’un disque miraculeux, alias Misery Is A Butterfly en 2004. Et rien n’est plus dur. Auteurs d’albums honnêtes jusqu’alors, très emprunts d’influences sonicyouthiennes, ils n’ont cessé de s’améliorer au fil des années pour atteindre ce climax émotionnel rempli de mélodies aériennes et racées. C’est dire si ce 23, leur septième album (!) était attendu au tournant et avait la lourde tâche de continuer à nous faire voyager les canaux auditifs vers de nouvelles contrées merveilleuses.

Autant jouer carte sur table, le groupe échoue dans cette quête impossible, et cette suite déçoit forcément, en tout cas dans son ensemble, puisqu’il regorge de suffisamment de bonnes choses pour qu’on évite de lui faire subir un aller direct au vide-ordure. Il faut dire qu’il tient plutôt bien la route sur sa première partie et les cinq premiers morceaux méritent à eux seuls le détour. Plus ramassé, le son de ce 23 évoque plutôt les lendemains difficiles et la gueule de bois. Le mixage d’Alan Moulder n’est pas forcément étranger à cela, ayant probablement été engagé en raison de son travail sur le Loveless de My Bloody Valentine. On retrouve en tout cas de l’urgence des débuts, tout en gardant cette ligne pop, tendant même vers de l’électro sombre pour certaines ambiances plombées sans être plombantes (SW, Publisher).

Et de My Bloody Valentine il est question dès le premier morceau 23, où les accords de guitare s’accidentent dans leur course pour donner des sons de plus en plus à la limite de la justesse. Cet esprit de nostalgie viciée donne aussi le meilleur de lui-même dans Dr Strangluv ou dans le morceau de l’album qu’est SW. Bizarrement, alors que les morceaux sont composés collectivement, le groupe est au meilleur quand Amadeo est au micro. Sa voix haut perchée et maniérée ajoute une tension à Spring And By Summer Fall ou SW (toujours lui), qui bénéficient de mélodies comme l’ont pu être Kool Thing ou Mote chez Sonic Youth, des morceaux qui semblent être sur une lancée que rien ne pourrait arrêter.

Malheureusement, la route est semée d’embûches et le groupe choisit de freiner ses ardeurs dès la deuxième partie du disque. Et Silently se plonge maladroitement dans un son eighties kitsch et dépassé, aux synthés mal programmés et aux handclaps douteux. La reprise en main des claviers permet à Publisher de sortir du lot, dans un duo vocal qui évoque la collaboration Tricky/Björk d’Enjoy (sur l’album Post de la diva nordique). Le disque se termine alors sur un rythme un peu plus pépère, avec trois morceaux où la voix aérienne de Kazu fait plus (Top Ranking) ou moins (Heroine) de belles choses.

Il est toujours difficile de faire le deuil d’un disque qui nous a bouleversé. On pourra ainsi toujours regretter l’écriture plus variée, les arrangements plus foisonnants, la magie palpable. Mais plutôt que de courir après un passé handicapant, Blonde Redhead a choisi d’aller de l’avant, de continuer ses recherches musicales. Partant de ce principe, l’album aurait gagné à être plus ramassé, à l’image de la parfaite première partie du disque, quitte à aller au bout de la démarche. C’est plus en cela que le disque peut paraître décevant. Tout en étant loin d’être mauvais.



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Tracklisting :
 
1. 23 (5’18’’)
2. Dr Strangeluv (4’47’’)
3. The Dress (4’00’’)
4. SW (4’35’’)
5. Spring And By Summer Fall (4’15’’)
6. Silently (3’57’’)
7. Publisher (4’01’’)
8. Heroine (4’11’’)
9. Top Ranking (3’27’’)
10. My Impure Hair (4’52’’)
 
Durée totale : 43’20’’