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Dinosaur

Dinosaur

Dinosaur Jr.

par Parano le 10 août 2009

4,5

paru en mai 1985 (Homestead Records)

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Le hardcore mène à tout, à condition d’en sortir. Prenez Dinosaur Jr., l’un des groupes les plus excitant du rock indépendant, à une époque ou l’indépendance n’était pas un argument de vente. Ces types ont commencé leur carrière en cognant sec et vite dans des groupes bourrins de la côte est des États-Unis, avant de tout plaquer pour inventer la musique qui allait révolutionner le rock : Non, pas le nu metal, ni l’émocore, et encore moins le rock vaguement garage de ta petite sœur. Je parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, je parle du grunge. Oui, Dinosaur Jr. est le premier groupe grunge de l’histoire. Guitare crades et dissonantes, psychédélisme 70’s, désenchantement et cheveux longs (gras ?), le tout porté à ébullition dans la marmite punk. Avec d’autres formations, aussi incontournables que l’agglomération parisienne un jour de grand départ (Sonic Youth, Hüsker Dü, Melvins), Dinosaur Jr. a consciencieusement fait à la courte échelle au petit prince Cobain, avant de se faire marcher sur la tronche par un ramassis d’opportunistes (Pearl Jam ?), mais ça c’est une autre histoire.

En 1985, sous le règne du cow boy libéral Reagan, Dinosaur (pas encore junior) sort son premier album : Dinosaur Jr.. Le groupe écume les clubs depuis quelques mois, fracassant les crânes sur un mur de guitares, à un niveau sonore aux limites du supportable. J Mascis tient la baraque. Sa voix geignarde et ses solos à rallonge, emblématiques d’une génération qui glande en écoutant aussi bien Venom que Neil Young, ne ressemblent à rien de connu. Mascis, leader un poil autoritaire, est admirablement soutenu par la basse agressive de Lou Barlow, qui pousse également la chansonnette. À la batterie, Murph impose sa frappe énorme et achève d’assommer le public. Dinosaur est rapidement remarqué par Gerard Cosloy, fondateur du fanzine Conflict et du label Homestead. Cosloy a du flair. Il a fait signer Sonic Youth et Big Black, et s’empresse de recruter Dinosaur. Aussitôt, le trio s’enferme dans la cave d’un hippie local et enregistre 11 titres, brouillons et imparables.

L’excitation que procure ce premier album est telle qu’on en oublie ses défauts : une pochette ringarde, où un type pose dans un champ de coquelicots, sous les rayons d’un soleil hilare. Un son approximatif, semblable aux productions SST de l’époque (Black Flag), où les instruments, ultra compressés, sont comme écrasés, avec la voix qui tombe comme une liane dans la soupe. Plouf. Ça devait être cool à l’époque, c’est assez ignoble aujourd’hui (ne vous marrez pas, on verra comment sonneront les albums de Franz Ferdinand dans vingt ans). Ce n’est pas avec ça que le trio allait faire fortune, ni affoler la critique. Heureusement, Dinosaur Jr. a le talent, les pédales fuzz, et le charisme des grands. L’album contient son lot de tubes intemporels (Forget The Swan, The Leper, Repulsion). Entre hardcore virulent (Mountain Man), ballades lumineuses (Severed Lips) et rock dépressif (Quest), Dinosaur Jr. renverse des montagnes sous un déluge de décibels. Les mélodies sucrées de Mascis sont incroyablement maltraitées, mais résistent à tout. Larsens, plaintes et grognements dissimulent à peine la maîtrise instrumentale du trio.

Dinosaur Jr. est une petite révolution dans la sphère underground. Un groupe de hardcore qui culbute le meilleur du rock et réhabilite les (longs) solos de guitare, on avait encore jamais entendu ça dans les clubs de la côte est. Moins arty que Sonic Youth, moins barré que les Meat Puppets, plus inspirés que tous les autres, la bande de J Mascis prend le public à la gorge. Les albums qui suivront s’éloigneront progressivement de cette sublime intransigeance. Dinosaur Jr. est peut-être, avec You’re Living All Over Me, paru en 1987, le seul disque indispensable et indiscutable du groupe. Après l’avènement des Pixies, et le succès de la dynamique quiet / loud, Nirvana n’aura plus qu’à se baisser pour rafler la mise et révéler le rock indépendant au monde entier. Dinosaur Jr. profitera de cette hystérie médiatique, à un moment où Mascis, resté seul aux commandes du navire, aura sombré dans l’auto parodie. Juste retour des choses pour un groupe fondateur, qui aura laissé à d’autres les lauriers de sa gloire. Si ce n’est pas encore fait, précipitez vous sur cet album, mettez le son à fond, et fermez les yeux. Qui a dit que les années 80 était les pires de l’histoire du rock ?



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Tracklisting :
 
1- Bulbs Of Passion (4’16")
2- Forget The Swan (5’09")
3- Cats In A Bowl (3’35")
4- The Leper (4’04")
5- Does It Float (3’18")
6- Pointless (2’47")
7- Repulsion (3’04")
8- Gargoyle (2’11")
9- Severed Lips (4’02")
10- Mountain Man (3’28")
11- Quest (4’27")
12- Does It Float (live) (3’53")
 
Durée totale : 44’22"