Livres, BD
Lipstick Traces

Une Histoire Secrète du Vingtième Siècle

Lipstick Traces

Greil Marcus

par Giom le 25 juin 2005

5

publié aux Éditions Allia en 1998, 548 pages.

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Voilà un pavé des plus passionnants ! Le Lipstick Traces de Greil Marcus, publié par les excellentes éditions Allia en 1998, reste l’un des ouvrages les plus aboutis parmi ceux consacrés aux mouvements contestataires du XXème siècle. Partant de la théorie suivante : chaque mouvement reproduit sans le savoir le même message et les mêmes pratiques que les mouvements qui lui sont antérieurs pour finalement influencer d’autres expressions de révolte en devenir, Marcus étaye alors son propos en montrant par exemple comment Johnny Rotten, jouant Anarchy In The U.K. en 1976, doit tout au mouvement de l’Internationale Situationniste mené en France par Debord dans les années 1950.

Ce livre, qui porte bien son sous-titre, nous fait voyager à l’intérieur d’un XXème siècle aux aspirations révolutionnaires et aux inventions artistiques les plus radicales. On pense notamment à ce nouveau type de cinéma créé par Isou et Debord dont l’exemple le plus frappant est peut-être le film de ce dernier, intitulé : Hurlements en faveur de Sade. Lors de ses rares diffusions, Debord et ses amis faisaient alterner pendant vingt minutes des écrans blancs, durant lesquels les membres de l’I.S. récitaient des textes, avec des écrans noirs marqués par le silence. Après cette première phase de l’œuvre déjà très expérimentale, s’ensuivait environ une heure trente d’écran noir et de silence. À la fin, les spectateurs hurlaient au scandale et demandaient leur remboursement dans un vacarme assourdissant. Le souhait de Debord de créer des « situations de vie artistiques » se réalisait alors puisque ces mêmes spectateurs poussaient ainsi des « hurlements en faveur de Sade ». Vous avez dit concept ?

Ce livre, véritable somme d’érudition hallucinante, est passionnant car il tente d’illustrer et d’intellectualiser le même besoin de révolte propre à toutes les générations d’êtres humains. Proche de la démarche d’Albert Camus dans son essai L’Homme révolté, Marcus va plus loin en créant un véritable lien entre des évènements, des époques, et des êtres souvent très différents. La musique, avec l’exemple punk, apparaît ici comme l’ultime moyen d’expression d’une sorte de nihilisme en même temps revendiqué et repoussé.

Attaque contre Notre-Dame de Paris, manifeste contre Charlie Chaplin, dérives urbaines, dégradation du jubilé de la Reine... les évènements qui ont marqué le dernier siècle s’accumulent dans ce livre à la lecture très agréable car, en plus de s’imposer comme véritable théoricien de la contestation, Marcus sait aussi en raconter ses plus hauts faits de la façon la plus limpide qui soit.

A lire, donc, aussi bien pour les nostalgiques de Rotten, Debord, Tzara ou même Saint-Just, sorte de Che Guevara français du XVIIIème siècle et seul révolutionnaire à l’image encore non salie, dont on ne peut résister à citer la très belle phrase qui lui servait de manifeste avant qu’il ne subisse à son tour les foudres de la Terreur : « Le bonheur est une idée neuve en Europe ! ». Ce qui apparemment n’a pas convaincu tout le monde.



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