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Mog

Mog

Haymarket Riot

par Parano le 27 décembre 2006

4,5

paru en 2004 (Thick Records)

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Si vous lisez cette chronique, c’est que vous êtes curieux. Qui connaît Haymarket Riot ? Levez la main ? Personne. Bon, ce n’est pas gagné. Pochette laide, groupe inconnu, j’ai intérêt à être bon si je veux avoir encore quelques lecteurs à la fin de l’article. J’irais donc droit au but, sans tergiverser, ni m’égarer dans une vague digression qui n’intéressera que mon psychiatre, et encore, de toute façon ce n’est pas mon genre de parler pour ne rien dire (non, je ne suis pas payé au signe) : cet album est un joyau. Une pure merveille de rock/punk/post/hardcore/indie/silly/crispy/mellow/popy/song, une perle rare égarée dans les profondeurs de l’océan mazouté du rock indépendant. Ha, j’en vois qui ouvrent un œil. Allez, on se réveille au fond de la classe !

Haymarket Riot est l’un des groupes américains les plus excitant du siècle naissant, à mille lieues des gesticulations du punk californien, ou des hululements convenus du revival rock garage. Nerveux, catchy, porté par une rythmique sèche et deux guitares étourdissantes, Haymarket Riot entre, avec Mog, leur second album, dans la cour des grands. Malheureusement pour eux, la distribution confidentielle de leur label Thick Records, et l’indifférence générale qui accueille les productions indépendantes, les a privé d’un succès plus large. Formé en 1999 à Chicago, et emmené aujourd’hui par Kevin J. Frank (chant, guitare), Fred Popolo (basse, chant), Chris Daly (guitare) et Shane Hochstetler (batterie), Haymarket Riot a connu bien des déboires sans jamais jeter l’éponge.

Le groupe a rapidement été assimilé à la scène hardcore de Washington DC, Fugazi et Jawbox en tête. Pourquoi se fatiguer les neurones ? Les étiquettes, même underground, font vendre et rassurent le lecteur foireux de Rolling Stone, de Spin, ou des autres torchons à la solde des majors (NME, Kerrang, Rock Sound, etc... vous voulez la liste ?). La musique de Haymarket Riot est bien plus subtile que ça, et ne se réduit pas à la seule esthétique hardcore. Ces types, qui ont tous passé la trentaine, ont visiblement écouté autre chose que les productions Dischord, et leur album respire, là ou d’autres étouffent sous le poids des références. Je soupçonne fortement Kevin et Fred d’avoir autant usé les vinyls des Who et de Pink Floyd que ceux de Drive Like Jehu. Harmonies vocales, mélodies efficaces, Haymarket Riot sait moduler les ambiances, sans jamais céder un pouce sur le terrain de l’énergie et de l’engagement.

Mog a été enregistré en une semaine par Steve Albini himself. Rien d’étonnant, donc, à ce que le son soit sec, sans aucune fioriture. Les adeptes de Pro Tools peuvent remballer la glacière et aller planter leur parasol chez les Foo Fighters ou Korn. L’album s’ouvre sur un beat qui évoque étrangement le We Will Rock You de Queen. You Might Know Who We R, But We Know Who You R, premier titre de Mog, se balance furieusement au dessus de nos têtes, sur le fil tendu d’un riff malin et lumineux. Avec Cue, Haymarket Riot renverse la table et casse les chaises, avant que la hargne de My Donuts, God Damn ! ne nous fasse bondir aux quatre coins de la pièce en improvisant un concours de air guitar. Ce morceau, c’est un peu leur Smells Like Teen Spirit, voyez-vous ; le truc qui vous électrise et vous fait enlacer le manche à balais. Effet garanti en concert. La quiétude revient avec Uneasy Consequence et Plastic Bottle Kid, qui glissent comme un cours d’eau paisible avant d’enfler sous l’orage et tout emporter.

Et les filles dans tout cela, me direz-vous ? Le rock, ça parle bien de filles, non ? Soyez rassuré, Haymarket Riot y a pensé, avec Vera, chanson sombre et torturée, à faire vomir Brian Wilson. Slaughterhouse relance la machine avec force et finesse, avant que le délicieux Pushing air ne vienne secouer les enceintes. Mog s’achève en douceur sur un titre lent et évocateur, le bien nommé Sleep, élégante manière de rappeler à l’auditeur qu’il est temps d’éteindre la chaîne hi-fi. Pas une faute de goût dans tout cela. L’album s’écoute de bout en bout sans jamais lasser, sauf, peut-être, les grincheux, qui verront dans Haymarket Riot un sérieuse menace à la suprématie de Fugazi. Bref, ces types devraient vendre des containers entiers d’albums, plutôt que de dealer des pizzas pour payer la facture d’Albini. Courage les gars !



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Tracklisting :
 
01. You Might Know Who We R, But We Know Who You R (3’05")
02. Cue (2’21")
03. My Donuts, God Damn ! (3’31")
04. Uneasy Consequence (3’04")
05. Plastic Bottle Kid (3’21")
06. Vera (4’29")
07. Slaughterhouse (3’39")
08. Pushing Air (3’32")
09. Sleep (3’31")
 
Durée totale : 30’46"

Site officiel