Un grand corps pas malade gesticule. Charme dégingandé derrière le micro. Vocalises et chemise rose. Ainsi qu’un sourire…à tomber par terre et se faire piétiner par des spectateurs de meilleure constitution. Luke LaLonde.

Un bassiste aux yeux de fou. Un peu graisseux, un peu hirsute, un peu collant. Efficace malgré look de bûcheron au chômage. Mitch Derosier.

Un beau gosse blasé qui tape, bien net, sur ses fûts sans avoir l’air de trop y toucher. Steven Hamelin

Les Born Ruffians ont un look de Television vitaminé et, en CD ou en concert, nous emmènent dans leur monde. Dans leur pays, plutôt. Les citoyens de ce pays sont des post-ados de tous âges, qui partagent une légère débilité et un langage fait de hé !, de ah ! et de oh !. Mine de rien, c’est un peuple intelligent et sensible. Leurs mœurs sont très proches des nôtres, avec cependant un lourd penchant pour l’introspection. Et le pays des Born a son drapeau : rouge, jaune et bleu.

Red Yellow & Blue : le titre du premier album – signé auprès du prestigieux label d’habitude électro, Warp – et le titre de la première piste qui, musicalement brumeuse et martiale, ne donne pas le ton de la suite, mais la résume bien par ses paroles. Rouge pour la furie, jaune pour l’optimisme et bleu pour la déprime. De la déprime transcendée en furie optimiste, c’est la formule magique des Born Ruffians. C’est ce qu’ils font et c’est ce que ça nous fait. Quel que soit votre état de déprime léthargique pyjama/cornflakes, l’écoute de Red Yellow & Blue vous fera tressauter le popotin sur votre chaise à roulette. Sans pour autant nier que la vie est moche : magie.

Dans les cas de capotage amoureux/échec social/marasme économique/vide insondable de l’existence/Loosing my religion, le chef propose donc son menu « optimisme forcené à la Born Ruffians ».

Commencer par une bonne rasade de Hummingbird. L’hymne des Born Ruffians – « We’re not going to die like this » - reveille les papilles auditives et participe de la lutte contre le scorbut (vitaminé, les Born, on vous dit).

Enchaîner sans précipitation en piochant dans le piquant Barnacle Goose, l’acide Badonkadonkey, l’aigre-doux I Need a Life et le roboratif Foxes Mate for Life pour se remplir de mélodies, de chœurs et de cris. Le tout accompagné par un ou deux verres de la chanson-titre Red Yellow & Blue, pour l’ivresse et l’amertume doucereuse.

S’attarder sur le dessert, la parfaite comptine Little Garçon. Tomber un peu amoureux au son de l’harmonica. Puis se remettre et

finir par le clou : Kurt Vonnegut, fort en caféine, de quoi être définitivement convaincu du talent des trois Canadiens et redonner la pêche pour tout recommencer du début.

Ou s’intéresser à This Sentence Will Ruin/Save Your Life un de leurs premiers titres, avant l’album RY and B, qui avait pleinement prouvé l’efficacité des hé hé hé héhouuuuu !

Born Ruffians, c’est le poulet Tandoori de ceux qui en ont marre du steack/frites. Comprendre (la métaphore culinaire aurait-elle des limites ?) : l’indie rock que l’on peut écouter quand on en a marre des vieilles icônes. Et c’est moins plastoc que Vampire Weekend.

Hummingbird

Tagadagatagagadatagadagadaaaapiiiing(pinping)
Oh oh ohoh – Oh Oh ohoooh oh – Oh oh oh ohoh ohoh Oooh
Pimpan padapiim papapapa pim pim pipim pimpaaa papa papoum
(Tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchi tchiki vrrrr)