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par Emmanuel Chirache le 20 mai 2008
Paru en octobre 2007 (Naïve)
Un soleil malade se lève sur l’enfance du monde. Voici comment l’artiste bosniaque Sadko Petkinovic a conçu la pochette de ce Shine, le nouvel album solo de la chanteuse de K’s Choice. Un dessin aux pastels et aux feutres, dont le style volontairement naïf ne doit pas nous faire oublier la douleur qui s’y dissimule. « J’habite à Londres mais je reviens souvent en Bosnie-Herzégovine depuis la fin de la guerre en ex-Yougoslavie, explique Petkinovic. A chaque fois, je suis content de voir que la vie reprend son cours. Mais le soleil qui brille est encore rouge sang, je n’oublie pas que les gens que je croise ont tous perdu quelqu’un parmi leurs proches. » Admiratrice des gouaches réalisées par le Bosniaque qui furent exposées à la Bankrobber Gallery de Londres l’été dernier, Sarah Bettens a logiquement fait appel à lui pour la jolie couverture de son deuxième disque.
Que pensez-vous de ce paragraphe ? Vous y avez cru ? Tout cela est un tissu de mensonges. Regardez bien cette pochette. Regardez mieux. C’est fait ? Vous venez de scruter attentivement ce qu’on peut qualifier sans exagération de pochette la plus laide de l’histoire du rock, un truc inimaginable de mocheté, au point qu’on se demande comment la maison de disque a pu laisser passer une horreur pareille. « Rien n’est plus pur que la perspective d’un enfant, ainsi j’ai demandé à des élèves d’une école primaire locale de dessiner ce à quoi ils pensaient quand ils entendaient le mot "shine". Une semaine plus tard, j’ai eu quelques centaines de beaux dessins et des choix durs à faire », raconte Sarah Bettens, qui est parvenu à sélectionner le dessin d’enfant le plus inexpressif et le moins charmant du monde. Une image qu’on n’oserait même pas punaiser sur les murs d’une classe de maternelle et au sujet de laquelle les parents du bambin doivent éprouver une honte bien compréhensible. "La pureté d’un enfant", mon cul oui. Ce sont des petits salopards. Entre eux, la loi du plus fort règne en maître et malheur aux plus faibles ! De plus, si la pureté a la tronche de cette pochette, je tremble à l’idée d’apercevoir un jour la trombine de la niaiserie.
Par ailleurs, sommes-nous bien certains que l’auteur est un enfant ? et pas un programme informatique à l’intérieur duquel ont été codés en 1 et en 0 tous les défauts qui font qu’on déteste les enfants quand on les connaît vraiment : égocentrisme, candeur, platitude, manque totale d’imagination. L’enfant entend "shine" (briller), alors il pense "soleil". Génial. L’un des pires cadeaux qu’on puisse faire à un gamin est de le considérer comme un artiste. Je ne résiste pas au plaisir de citer le mot de Jean Cocteau à propos de Minou Drouet, fillette de huit ans propulsée poétesse par une mère adoptive arnaqueuse et un éditeur peu scrupuleux ("l’affaire", comme on disait alors, divisa la France à la fin des années 50). Cocteau donc, lança à l’époque un magnifique « tous les enfants sont des poètes, sauf Minou Drouet. » Difficile toutefois d’appliquer la sentence à notre affaire, car si tous les enfants sont en effet des poètes, ils peignent en revanche comme d’horribles sagouins. Ils barbouillent et reviennent de l’école avec des mains presque aussi dégueulasses que ce qu’ils ont crayonné. D’ailleurs, c’est pour ça qu’ils s’arrêtent presque tous une fois qu’ils sont en âge de juger leur travail. Vers huit ou dix ans, beaucoup mettent un terme sage à une carrière médiocre. Alors pourquoi un tel choix de la part de Sarah Bettens ? Fait-elle partie de ces gens qui aimantent sur le frigo les dessins de leurs gosses grâce à une vignette magnétique trouvée dans la Vache qui rit ? Serait-elle tout simplement stupide ? Nous ne le saurons probablement jamais.
En plus, le disque est nul.
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