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Wednesday Morning, 3 AM

Wednesday Morning, 3 AM

Simon & Garfunkel

par Vyvy le 27 février 2007

4

paru le 19 octobre 1964 (Columbia Records)

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C’est à New York qu’Art Garfunkel et Paul Simon font connaissance, à la Forest Hill Highschool où ils vivent à la fin des sixties ces douces années que sont les années lycée . Les deux y deviennent de bons amis et, sous le nom de Tom & Jerry commencent déjà à se faire un nom, un son (emprunté grandement aux Everly Brothers dont ils continueront à se réclamer), et même un public, leur tube Hey Schoolgirl s’écoulant à 100 000 exemplaires en 1957, ce qui leur offre une antenne juste après le déjà légendaire Jerry Lee Lewis... Mais ce n’est pourtant que sept ans plus tard que sort Wednesday Morning, 3 AM, sept ans de séparation (déjà !), d’éloignement (différentes universités, centres d’intérêts...), et enfin de rabibochages, autour d’un même coup de cœur, le folk, dont le revival autour du Village bat son plein.

L’aventure Tom & Jerry s’étant cloué par un cuisant échec (un coup de maître inégalé et une machine tournant à vide), les deux décident de repartir sur de saines et nouvelles bases, qu’ils espèrent plus solides. Voici venu le temps de Simon & Garfunkel, chanteurs folk... le temps d’un album, Wednesday Morning, 3 AM, album précédant (de part son flop initial) la deuxième (et avant-dernière si on omet les énièmes refondations à but caritatif) séparation. Précédant aussi l’envol, vers les hautes sphères du folk- rock naissant, porté par les mélopées kennedyiennes de Sound Of Silence.

Mais n’allons pas trop vite en besogne, et avant de parler du phœnix, parlons du cygne et de son chant, du doux chant de cet album-là. Sorti en 1964, dans l’ignorance générale, il reste un de ces petits joyaux qui continue à ravir nos oreilles contemporaines. Crions-le au monde, cet album brought joy joy joy into my heart, comme l’entonnent les deux voix savamment mêlées, se complétant, des deux new-yorkais dans ce titre introductif donnant la couleur très religieuse de l’album : You Can Tell The World. Pétri de catholicisme, d’évangélisme, l’album déroute à première vue. Du folk catho ? Pas seulement, heureusement, l’album se révélant un témoignage touchant de l’Amérique de ces années-là où la violence habitait le quotidien des gens. La mort de John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre 1963 choque les États-Unis, et bien au-delà le monde tout entier, et c’est cette nation traumatisée que le duo, sous la plume d’un Simon décidemment très inspiré, dépeint au travers du mythique Sound Of Silence, ici dans sa version folk.

And in the naked light I saw
Ten thousand people, maybe more.
People talking without speaking,
People hearing without listening,
People writing songs that voices never share
And no one deared
Disturb the sound of silence.

La violence, est aussi celle rencontrée par ces Freedom Fighters qui, prêchant pour la fin des discriminations raciales, risquent souvent leur vie dans le vieux Sud. Si la chanson He Was My Brother fut écrit avant les faits, elle a été par la suite dédicacée à Andrew Godman, un des trois jeunes « civil right activist » tué à Neshoba en 1964, camarade et ami de Simon à la Queen’s College. Violence organisée, aussi, avec la guerre déjà omniprésente, que les deux réfutent et combattent, dans Last Night I Had The Strangest Dream où ils entonnent en chœur :

Last night I had the strangest dream
I ever dreamed before
I dreamed the world had all agreed
To put an end to war

Beaucoup de bons sentiments donc, mais sans jamais tomber dans la mièvrerie, notamment grâce à la légèreté folk des arrangements. Bleeker Street est à ce titre un des titres les plus aboutis de l’album. Paroles sublimes, Fog’s rollin’ in off the East River bank
/Like a shroud it covers Bleeker Street
/Fills the alleys where men sleep
, légereté de la guitare, qui dans un anachronisme avoué fait penser aux compositions bien contemporaines d’un Fionn Regan, la chanson, une des plus folk de l’album rappelle s’il en faut qu’en 1964, le mouvement folk régnait dans la Grande Pomme. Juste après Bleeker Street, nos oreilles sont charmées par une Sparrow histoire atroce d’une hirondelle blessée, rejetée par tous, arbres, oiseaux, Terre. Mais la marque la plus profonde de cet attachement à ce qui se passe en ces temps là dans le Village, c’est bien la reprise du The Times They Are A-Changin’ de Dylan. Cette reprise, décriée par bien des fans du Zimmerman, qui ne voit dans les reprises de leur « maître » que des pâles copies de l’original, ce qui n’est pas entièrement faux, mais oublie que cette covers transforme le constat rêche originel en un hymne générationnel, ce que ces deux-là referont à bien des reprises. De fait, Simon & Garfunkel sont bien plus qu’une énième excroissance de Greenwich Village. Leur singularité, présente dans leurs chants doubles, est d’autant plus évidente dans la diversité des chants que compose ce premier album. Chants religieux en latins (le sublime Benedictus), chants traditionnels (Peggy-O), peinture de vie Wednesday Morning, 3 AM... Ils ne se réduisent jamais au folk pur. Et c’est cela qui, grâce à un coup de pouce du producteur Tom Wilson va permettre l’envolée folk-rock des deux compères.

L’album sort donc en octobre 1964 et se vend peu, de dépit, les deux se séparent. Et Simon d’aller de l’autre côté de l’Atlantique, s’essayer à une carrière solo (notamment The Paul Simon Songbook qui sort en 65). Mais voilà, la bonne fée Tom Wilson était là pour veiller sur les affaires du groupe (en bon producteur...). Et quand la vague folk-rock s’annonce avec les Byrds, et que des radios commencent à réclamer Sound Of Silence, le savant homme rajoute basse, guitare et batterie au morceau, la touche de rock qui lui manquait pour arriver au succès. Succès qui sera cette fois ci au rendez-vous, le nouvel an 1966 voyant la chanson se voir gracier du titre très couru de "number one"... et Wednesday Morning, 3 AM après une première naissance ratée, ressortira donc en janvier 66 avec son petit frère Sounds Of Silence pour connaître, enfin, un succès mérité, et reste, de nos jours encore, un album phare de l’année 1964.



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Tracklisting :
 
1- You Can Tell The World (2:49)
2- Last Night I Had The Strangest Dream (2:13)
3- Bleeker Street (2:47)
4- Sparrow (2:51)
5- Benedictus (2:41)
6- The Sound Of Silence (3:09)
7- He Was My Brother (2:52)
8- Peggy-O (2:29)
9- Go Tell It On The Mountain (2:09)
10- The Sun Is Burning (2:50)
11- The Times They Are A-Changin’ (2:55)
12- Wednesday Morning, 3 AM (2:23)
 
Durée totale : 31:38