Sur nos étagères
No Promises

No Promises

Carla Bruni

par Emmanuel Chirache le 22 mai 2007

2,5

paru en janvier 2007 (Naïve)

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C’est bien connu : en France, on aime ranger les artistes dans des petites cases, leur coller une étiquette à vie, les marquer au fer rouge pour qu’ils ne sortent pas du troupeau. En réalité, ce mythe est sans doute l’une des stupidités les plus crasses qu’il soit donné d’entendre régulièrement sur les plateaux télé. Jamais en France les personnalités n’ont autant franchi allégrement les frontières qui séparent les professions et les arts, parfois avec talent, d’autres fois avec médiocrité. Ainsi, le footballeur Eric Cantona est devenu acteur, l’actrice Sandrine Kiberlain est devenue chanteuse, le chanteur Jacques Dutronc est devenu acteur, le comique Elie Semoun est devenu chanteur, l’animateur Arthur est devenu comique, le comique Tex est devenu animateur, l’écrivain Bernard Werber est devenu réalisateur, la lofteuse Loana est devenue écrivain, etc. On pourrait multiplier les exemples à l’infini, et pourtant de sombres nullités prétendent encore, histoire de se rassurer, que les Français n’aiment pas que stars sautent du coq à l’âne !

Au milieu de ce va-et-vient permanent, qui prouve surtout que les people sont devenus une caste fermée de cumulards à la célébrité souvent plus héritée que méritée, quoi de plus normal que la mannequin Carla Bruni devienne chanteuse à son tour. Composé en grande partie par l’ex-Téléphone Louis Bertignac, le première album de la jolie Turinoise, Quelqu’un M’a Dit, avait obtenu son petit succès à coups de guitares acoustiques, de voix cassée et d’arrangements plus sobres tu meurs. Résultat, deux millions d’exemplaires écoulés. Carla s’est ensuite attaqué au marché international en chantant en anglais des poèmes d’auteurs anglo-saxons. Elle en aurait lu cinq mille pour s’inspirer et adapter au final onze d’entre eux en chansons, de Emily Dickinson à Dorothy Parker en passant par William Butler. Voilà qui empêchera au moins toute critique concernant les paroles. Pour la musique, l’ancienne top-model, qui avoue maîtriser neuf accords pas plus, s’est débrouillée toute seule, mais en s’adjoignant une fois de plus les services de Louis Bertignac. Désormais chanté en langue anglaise, agrémenté par quelques arrangement plus travaillés, puisqu’on y entend un peu de guitare électrique, de l’harmonica et une batterie jazz, le disque sonne résolument folk. Enfin, folk... on se comprend.

En effet, Carla Bruni est au folk ce que Norah Jones est au jazz, c’est-à-dire la version commerciale, édulcorée et people (rappelons que Norah Jones est la fille de Ravi Shankar) du genre. Qui plus est, No Promises s’inscrit dans l’épuisante vogue actuelle du folk féminin, un vrai tsunami si l’on considère la liste interminable d’artistes qui la compose : Cat Power, Joanna Newsom, Coco Rosie, Feist, Emiliana Torrini, autant de jeunes filles qui, pour la plupart, s’avèrent de piètres épigones de leurs aînées Joan Baez, Joni Mitchell ou Bonnie Dobson. Un soupçon moins branchouille que ses compagnes, Carla Bruni incarne elle aussi cet engouement pour les voix miaulantes accompagnées par trois accords soporifiques. Il faut cependant concéder à la jeune femme un certain talent pour le chant et quelques idées mélodiques plaisantes ici ou là. En résumé, pas pire ni meilleure que les autres.

C’est quelqu’un qui m’a dit que le disque de Carla Bruni méritait en définitive le respect. Mais de loin, avec sur les oreilles un casque qui passe le splendide Morning Dew de miss Dobson ou le renversant A Case Of You de mademoiselle Mitchell. Il y a des jours où c’est sympa d’être réac’.



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Tracklisting :
 
1- Those Dancing Days Are Gone (3’40")
2- Before The World Was Made (3’49")
3- Lady Weeping At The Crossroads (3’35")
4- I Felt My Life With Both My Hands (2’54")
5- Promises Like Pie-Crust (2’32")
6- Autumn (3’24")
7- If You Were Coming In The Fall (3’30")
8- I Went To Heaven (2’47")
9- Afernoon (2’06")
10- Ballade At Thirty-Five (3’02")
11- At Last The Secret Is Out (3’07")
 
Durée totale : 37’47"