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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 11 décembre 2007
paru le 18 juin 2007 (Loose/V2)
En écoutant Blanche, on peut s’amuser à chercher d’où ils viennent. Des Etats-Unis assurément, d’un Etat aux racines country probablement, on jurerait même qu’ils sont basés à Memphis. Et on se trompe du tout au tout, puisque le son des époux Miller et leurs musiciens provient directement de Detroit, Motor City ! Des indices étaient pourtant là pour nous guider. Le parrainage de Jack White depuis leurs débuts, Jack Lawrence, officiant avec les Greenhornes et les Raconteurs, les épaulant à la basse et au banjo, ainsi qu’une approche du son un peu plus garage qu’un vulgaire cow-boy à guitare.
C’est pourtant bien dans la capitale mondiale de la country que l’album à été mis en boîte. Et avec son lot de pedal steel et de banjo, et d’évocation de villes désolées, complètement americana dans son approche, jusque dans leurs costumes, Blanche peut même paraître suspect, voire too much. Certes il est toujours bon d’être cohérent dans sa démarche, même visuellement (on les verrait difficilement se pointer en survêtement) jusqu’à en rajouter une petite louche. Mais c’est aussi sans compter sur un amour sincère de cette musique et une envie depuis leur premier album de raconter avec humour et mélancolie des histoires sincères et sans cynisme.
De fait, dès If We Can’t Trust The Doctors, leur premier album, le groupe est passé par diverses tragédies personnelles, et comme Arcade Fire avec Funeral, le deuil distille un spleen particulier qui parcourt la plupart des morceaux. Pourtant l’atmosphère est plutôt enjouée dès le premier morceau I’m Sure of It, ou le suivant Last Year’s Leaves, où les guitares se font assez rock et le tempo plutôt entraînant, le tout porté par des arrangements bien fournis, entre violons, tambourins et clochettes. Puis les quelques notes de banjo qui servent de leitmotiv à A Year From Now plongent directement l’auditeur dans un souvenir lointain dont on ne sait s’il est douloureux en lui-même ou si c’est son caractère révolu qui le rend si malheureux. La belle voix suave et rêveuse de Tracee Miller paraît ici si éloignée de celle grave de son mari Dan, à la manière de Nancy et Lee, qu’on espère seulement que ces deux-là puissent un jour se retrouver. Mais ce n’est pas l’ambiance de cabaret triste de No Matter Where You Go qui auraient tendance à nous rassurer.
La force du groupe est plus intéressante qu’une simple alternance entre morceaux lents et morceaux rapides, puisque les morceaux sont assez libres pour laisser libre court à leurs humeurs et passer d’un rythme à l’autre. Ainsi une ruade de guitare peut suivre un break où ne retentira qu’un violon et sa réverbération, puis une complainte chantée à plein poumon fera penser au loup hurlant à la lune. La limite arrive avec I Can’t Sit Down et son exagération d’accent sudiste, bien trop poussée pour être honnête. On soignera cette mauvaise impression par deux morceaux : ce World Larger Crucifix, avec des accents d’Italie, comme si Nino Rota avait vécu dans un ranch, en plein dilemme religieux, se terminant sur une petite comptine semblant sortir d’un poste de radio d’avant-guerre. Et surtout par Oh Death, Where Is Thy Sting ?, chanté par Jack Lawrence, plutôt mal placé dans l’album puisqu’il passe assez inaperçu et qui pourtant serait le morceau idéal à se passer une soirée d’été, sur une terrasse avec vue sur un champ de blé (ce qui n’est certes pas donné à tout le monde).
Cette abnégation, cette volonté de sonner absolument sudiste a permis à Dan Miller de jouer le rôle de Luther Perkins, guitariste de Johnny Cash dans le film Walk The Line. On a connu pire comme preuve de légitimité. Mieux, le groupe a le mérite de ne pas sombrer dans l’envie de faire sonner le tout avec des clichés entendus mille fois, leur musique paraît même sortir d’un conte gothique du début du XXème siècle. Même s’il sonne parfois légèrement surfait, Little Amber Bottles fournit suffisamment d’esprit, de son et de culture typiquement américains, et de mélancolie paradoxalement réconfortante, deux choses qui devraient être prescrit à chacun au moins une fois par mois minimum.
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