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par Brice Tollemer le 27 décembre 2006
« Pearl Jam, le groupe largué, égaré dans ses artemoiements, Pearl Jam la pleurnicheuse de service, Pearl Jam, le groupe qu’on se plaira de haïr » écrivait Rock & Folk en 1996. Rarement un groupe aura connu une telle mésestime quant à son image, particulièrement en France. En 1992, les Inrockuptibles craignaient « pour un Nirvana acceptable, d’avoir à supporter dix Pearl Jam ». Le groupe de Seattle a ainsi été accusé d’à peu près tout et n’importe quoi : on a ainsi par le passé traité Eddie Vedder de mégalomane, Stone Gossard et Jeff Ament de carriéristes. Mieux, certains n’ont pas hésité à parler de Pearl Jam comme de la « face commerciale du grunge »...
Après seize ans de carrière et plus de trente-cinq millions d’albums vendus, jetons donc un coup d’œil dans le rétroviseur pour voir ce qu’il en est réellement. C’est à dire un groupe qui a survécu à l’hécatombe des années 1990 où sont tombés tour à tour Nirvana, Alice In Chains et Soundgarden, un groupe qui n’a pas voulu être mangé tout cru par le cirque médiatico-musical, un groupe qui a toujours respecté ses fans, enfin un groupe qui a su placer l’humilité comme mode de fonctionnement et dont les membres, maintenant quadragénaires, s’efforcent de donner à chaque concert une intensité et une originalité particulière.
« All that’s sacred comes from youth » clame Vedder dans Not For You. Ce principe sacré et fondateur, Pearl Jam ne l’a jamais oublié...
Seattle, morne plaine. La métropole du nord-ouest américain s’étire le long des collines de la rive orientale du Puget Sound. Elle doit son origine au commerce du bois, dont elle était devenue le principal centre à la fin du XIXème siècle. L’initiative d’un industriel local, William Boeing, pionnier de l’aéronautique, a entre autres accéléré le rythme de son expansion économique et multiplié la gamme de ses industries, s’étendant des industries agro-alimentaires à l’électronique, avec notamment Microsoft, leader mondial du plantage de systèmes d’exploitation. La ville est fondée en 1851 et doit son nom au chef indien local Sealth. On dit qu’à Seattle on compte quarante-deux teintes de gris, on dit aussi que les ados s’ennuient. On dit beaucoup de choses, mais dans cette ville nichée entre la Pacifique et les Rocheuses, on ne parle pas trop. Jimi Hendrix est enterré ici, mais sa tombe n’est pas vraiment un lieu de pèlerinage. De la pluie et de l’ennui, voilà le cadre de cette jeunesse, qui a vingt ans quand Ronald Reagan entame son second mandat présidentiel, coloré d’anti-soviétisme criant et de libéralisme à outrance.
Jeff Ament arrive à Seattle en 1983 à l’âge de 20 ans. Originaire du Montana où il a étudié l’art et le dessin à l’université, il débarque avec son groupe Deranged Diction, formé un an plus tôt à Missoula. Mais Deranged Diction splitte au mois de juin 1984. Ament se fait alors recruter par Mark Arm et Steve Turner (futurs Mudhoney) pour former Green River, en référence à une rivière près de Seattle, où un célèbre tueur en série avait jeté les dépouilles de prostituées. Très vite, Mark Arm abandonne la guitare pour se consacrer uniquement au chant, et il faut alors recruter un deuxième guitariste. Turner se souvient alors d’un guitariste qu’il avait rencontré à la Northwestern School, et avec qui il avait formé les Ducky Boys, Stone Gossard. Green River sort rapidement du lot et commença à se faire une réputation au prix de concerts épiques. L’EP Come On Down sort au cours de cette même année 1984, avec le premier tube estampillé « grunge » : Swallow My Pride. Mais Turner, puis Arm quittent le projet et le groupe n’arrivera même pas à sortir un album.
Mais Gossard et Ament ne restent pas longtemps sur le carreau. Avec le chanteur Andrew Wood, ils forment en 1988 Mother Love Bone et devient assez rapidement l’un des groupes les plus prometteurs de la scène de Seattle. L’année suivante, ils signent chez Polygram et sortent leur premier EP, Shine. La machine est lancée. Fin 1989, le groupe rentre en studio et enregistre Apple, qui sera en fait leur seul et unique album. En effet, le 19 mars 1990, peu avant la sortie d’Apple, Andy Wood meurt d’une overdose. C’en est fini de Mother Love Bone. Plus tard, la drogue aura à son tour Kurt Cobain (Nirvana) et Layne Staley (Alice In Chains). Mais si elle a mis subitement fin à la destinée du groupe de Stone Gossard et de Jeff Ament, dans sa morbide contrition, elle en permet la naissance d’un autre...
Très affectés par la disparition d’Andy Wood, Ament et Gossard rebondissent néanmoins assez vite. Lors d’une soirée de l’été 1990, ils croisent la route de Mike Mc Cready, guitariste prodige. Tous les trois jouent ensemble comme ça, pour voir. Jeremy, Black, Alive et Yellow Ledbetter sont ainsi composés, ils enregistrent même une demo avec Matt Cameron (Soundgarden) à la batterie. Mais il manque un chanteur. Michael Goldstone (directeur artistique chez Epic) transmet la cassette à Jack Irons (ex-Red Hot Chili Pepper) qui atterrit à San Diego, Californie. Eddie Vedder, qui officie alors dans un groupe local, Bad Radio, pose sa voix sur les morceaux instrumentaux et renvoie la demo. L’histoire Pearl Jam est en marche...
Et à la fin du septième jour, Dieu créa Ten. Le premier album de ceux qui s’appellent pour le moment Mookie Blaylock (du nom d’un célèbre joueur de basket-ball) est mis en branle en une semaine. Les prémices d’Alive, de Jeremy et d’Even Flow sont prêts pour être vendus par millions et pour passer en boucle sur MTV. Le premier concert a lieu le 22 octobre 1990 à l’Off Ramp, une petite salle à Seattle. Le souvenir d’Andy Wood et de sa flamboyance est encore tenace. On s’interroge sur ce Eddie Vedder, ce personnage timide et introverti que personne ne connaît. La partie n’est pas gagnée d’avance. Même à l’intérieur du groupe, rien n’est acquis. « Je ne pense pas que j’appréciais Eddie comme je l’apprécie maintenant, précise Stone Gossard, bien sûr que l’on ne pouvait qu’aimer l’entendre chanter des morceaux comme Release, mais ça nous a pris du temps à Ed et à moi avant de se connaître l’un l’autre : nous étions vraiment deux types différents de personne ». Vedder réussit l’examen lors du concert, la salle est conquise, les observateurs sentent que quelque chose est en train de se passer. À la fin de l’année 1990, le groupe est convié par Chris Cornell pour enregistrer Temple Of The Dog, hommage du chanteur de Soundgarden à Andrew Wood.
Tout s’enchaîne en 91. Au mois de mars, Mookie Blaylock devient Pearl Jam, Temple Of The Dog sort en avril, Dave Abbruzzese arrive comme batteur durant l’été et Ten sort le 27 août. Pour le groupe, plus rien ne sera jamais comme avant. Peu à peu, le succès va croissant. Pearl Jam tourne avec les Red Hot Chili Peppers, les Smashing Pumpkins et Nirvana. Puis, en 1992, entame le tournée Lollapalooza avec Ministry et Soundgarden. Le réalisateur Cameron Crow se souvient de cette ambiance particulière : « Pearl Jam se réunissait en cercle avant chaque concert et une fois, Eddie m’a inclus dans le cercle. C’est ce moment-là dont je me suis inspiré pour une scène dans Almost Famous. » Chaque date de la tournée est l’occasion de mesurer un peu plus la montée en puissance du groupe. Le public est en fusion, les gens en furie. Chaque fois que Vedder saute dans la foule, il ressort en sang, le T-shirt arraché, il manque de se faire mettre en pièce à chaque fois.
Tout va donc très vite. Trop vite même. Le début du succès voit poindre les premiers accros dans cette popularité si soudaine. Popularité qui dérange Pearl Jam. Et surtout son chanteur. Les clips vont être révélateurs de ce climat de méfiance. Pour celui d’Even Flow, il est prévu une espèce de faux concert, avec vrai public mais avec du play back. Ce qui a le don de mettre en rogne Vedder, qui en préambule du clip déclarera « Turn on the lights, it’s a fuckin’ rock concert ». Mais c’est surtout la polémique Jeremy qui décide Pearl Jam d’arrêter les frais. Passant en boucle sur le robinet à clips MTV, la scène de fin montrant l’élève se suicidant devant ses petits camarades est censurée. Le groupe, lassé de toute cette agitation, ne réalisera plus un clip avant 1998. Les relations entre Pearl Jam et la nouvelle chaîne musicale sont par ailleurs conflictuelles. Lors de la remise des Music Awards, MTV refuse que le groupe joue la reprise des Dead Boys, Sonic Reducer car elle veut le tube, Jeremy. Lorsqu’elle organise une soirée spéciale pour fêter la sortie du film Singles, de Cameron Crowe, un Vedder complètement bourré ruine la scène.
Mais Pearl Jam s’éclate en Europe. Joue devant 70000 personnes au PinkPop pour un concert mythique. Porch est apocalyptique. A Paris, le groupe met le feu à la Locomotive et à l’Elysée-Montmartre. Cependant, tout le monde est sur les rotules. La foule lors des shows devient incontrôlable. A Stockhlom, Vedder se fait même piquer ses affaires lors du concert. La fin de la tournée européenne est annulée. Pearl Jam ne fera pas les Eurockéennes. Et va entrer dans la période la plus sombre de son histoire.
L’implosion permanente. Voilà à quoi est confronté le groupe durant ces deux années, 1993-1994. Le succès est trop grand. La pression trop forte. Pearl Jam est mal à l’aise dans ses pompes. Ils ont du mal à s’accommoder du monde des médias et des maisons de disques. L’enregistrement du second album est le pire de l’histoire du groupe selon Vedder. Le chanteur est sans aucun doute celui qui vit le plus mal l’énorme succès de Ten. Finalement, V.S. voit le jour le 19 octobre 1993. Il s’en vend pratiquement 1 million d’exemplaires en une petite semaine. Versus pour Five Against One. Seuls contre tous. Tout au long de l’album, la rage domine. Tout comme la tension. Vedder écrit l’ironique Glorified G en « hommage » à son batteur, Dave Abbruzzese qui a acheté un flingue. Tous les morceaux sont au bord de la rupture. Blood est l’incandescence même de cet état de fait et fait voler en éclat le classic rock des années 90 dont Pearl Jam serait soi-disant le dépositaire.
Le succès de V.S. n’arrange pas les choses. La trop grande réussite commerciale effraie tous les membres du groupe, à l’exception peut-être d’Abbruzzese. Pearl Jam devient un phénomène, on invente une fumeuse rivalité avec Nirvana, tout devient flou et bruyant. La bande repart en tournée. Et retourne en studio pour enregistrer leur troisième album. Le 3 avril 1994, Pearl Jam accomplit à Atlanta probablement l’un des concerts les plus aboutis de leur histoire. Un de ceux que l’on écoutera encore dans cinquante ans. Un témoignage. Cinq jours plus tard, Kurt Cobain se suicide.
« La réalisation de Vitalogy fut un peu tendue » résuma poliment Brendan O’Brien, qui produit l’album. Le groupe est toujours autant sous pression, Mike McCready est au fond du trou, bouffé par l’alcool et la cocaïne, Abbruzzese se fait virer et la mort de Cobain pourrit encore un peu plus l’atmosphère. Comme si tout cela ne suffisait pas, Gossard et Ament témoignent devant le Congrès des États-Unis pour dénoncer la politique de Ticketmaster, usant de sa position de monopole pour pratiquer des tarifs exorbitants dans le vente de places de concert. Une longue et vaine bataille débute alors pour le groupe. Vitalogy sort à la fin de l’année 1994 et marque la fin d’une époque. Jack Irons est embauché comme batteur.
Jamais Pearl Jam n’a été si proche de la fin qu’au cours de l’année 1995. Pourtant, tout avait bien commencé. Neil Young ne les avait-il pas conviés à participer à son nouvel album, Mirrorball ? D’ailleurs, de ces sessions, sortira Merkinball, un EP où avec Long Road et I Got ID, Pearl Jam livre sans aucun doute ses meilleurs contributions. Mais au mois de juin le groupe met en place une tournée, sans passer par Ticketmaster. Décision difficile, car il ne peut pas jouer ni dans les villes, ni dans les salles qu’il souhaite. De plus, une semaine après le début de la tournée, Vedder tombe malade lors d’un concert à Chicago. La tournée est annulée. Pearl Jam s’accorde alors une trêve, qui sera salvatrice. « On ne sauve personne de la noyade quand on est soi-même en train de se noyer » disait Vedder en 1994. Finalement, Pearl Jam n’a pas coulé et peut commencer à reprendre lentement sa respiration...
« Avec No Code, en 1996, les choses devinrent un peu plus tranquilles ; ce fut vraiment un disque de transition. Jack [Irons] venait juste de rejoindre le groupe, c’était un professionnel de l’enregistrement studio, un « session-drumming assassin » et entraînait tout le monde vers le haut » indique Brendan O’Brien. Il semblerait donc que l’arrivée d’Irons ait fait le plus grand bien à Pearl Jam. Celui qui avait transmis les démos à Eddie Vedder en 1990 devient donc l’élément stabilisateur du groupe, qui connaît ainsi son troisième batteur en six ans. Sometimes ouvre superbement l’album, dont le concept fait de polaroïds étranges et mystérieux rajoute un charme supplémentaire à cette quatrième réalisation. No Code est donc un tournant : lors de la tournée qui suit, Vedder déclare qu’il en est fini de sauter n’importe comment dans la foule ; au Late Show With David Letterman, il porte même un classieux costume gris lors de l’interprétation de Hail Hail. L’esprit est à la quiétude et à la discrétion. Il faut dire que le « Grunge » est mort, si tant est qu’un jour il est vraiment existé : Nirvana a disparu, Soundgarden se sépare en 1997, Alice In Chains sort son Unplugged testamentaire une année plus tôt. De plus, Pearl Jam ne fait pratiquement aucune promotion pour la sortie de No Code, ce que regrettera finalement Vedder plus tard : « même certains de nos fans n’étaient même pas au courant que l’album était sorti ».
Mais tous les membres du groupe se sentent désormais mieux dans leur peau. Ils repartent en tournée. Puis retournent en studio pour enregistrer Yield. L’album sort en 1998 et le contexte a définitivement changé. Jeff Ament se souvient : « au début, Pearl Jam a mis le doigt dans une sorte d’engrenage, de tornade. Les évènements, les opportunités, les gens se sont bousculés atour de nous ; dans une certaine mesure, nous nous sommes laissés prendre par cette tornade, sans le moindre recul. Tous ces piaillements autour de nous, tout ce ... bruit, c’était parfois difficile à comprendre. Mais il est évident que nous nous sentons bien plus à notre place maintenant ». Peu à peu, la coquille Pearl Jam s’ouvre, renoue avec les interviews. Et réalise même un clip : Do The Evolution. Réalisé par le dessinateur de Spawn, la vidéo colle parfaitement au texte et devient assurément le meilleur clip du groupe. Le groupe sort même sa Single Video Theory, petit film de quarante-cinq minutes montrant les sessions d’enregistrement de Yield. Mais entre-temps, pour des raisons de santé, Jack Irons se voit dans l’obligation de quitter l’aventure. En pleine tournée, l’ancien batteur de Soundgarden, Matt Cameron, est recruté. La boucle est bouclée. À la fin de l’année 1998, Live On Two Legs voit le jour, sorte de best-of de la tournée américaine.
Mais un tout autre évènement va remettre Pearl Jam sur le devant de la scène médiatique. Comme chaque Noël, le groupe envoie son X’Mas Single aux membres de son fan club, qui est un 45 tours comprenant en général deux chansons inédites. Cette année-là, Vedder avait trouvé un vieux vinyle de J. Frank Wilson & The Cavaliers datant de 1964, Last Kiss. Le groupe l’enregistre pour à peine 1500 $. Le bouche à oreille opérant, les radios commencent à le passer à travers le pays. En juin 1999, Last Kiss sort en single, et les revenus des ventes vont intégralement à l’association humanitaire CARE. Le single devient alors le plus gros succès commercial du groupe. Qui ne touche ainsi pas un dollar dessus. Décidément, Pearl Jam n’a rien compris à l’argent...
Mais les cinq de Seattle se sentent bien. Voilà qu’on parle même de maturité. Binaural sort au mois de mai 2000. Une tournée européenne débute à Lisbonne au Portugal. Mais le 30 juin, c’est le drame. Neuf personnes trouvent la mort lors du festival de Roskilde, au Danemark, victimes d’un mouvement de foule durant Daughter. La boue, l’obscurité et la pression des 70 000 personnes expliquent en partie cet accident. Pearl Jam annule le reste de la tournée européenne. Le groupe est anéanti. « Juste avant le concert, explique Vedder, Chris Cornell m’avait appelé, il venait d’avoir une petite fille, j’étais vraiment heureux pour lui ; et quarante-cinq minutes plus tard, tout avait changé. C’est l’expérience la plus brutale qu nous ayons jamais vécu ». Les membres hésitent. Doivent-ils néanmoins continuer la tournée nord-américaine ? Ils décident finalement d’assurer la totalité des concerts, mais l’ambiance reste bien évidemment marquée par la mort de ces neuf fans.
En 2001, Pearl Jam sort 72 lives issus de sa dernière tournée. Dans le même esprit, au mois de mai, il sort son premier DVD intitulé Touring Band 2000. Et veut maintenant se reposer de cette éprouvante année passée...
Le 11 septembre 2001, les États-Unis prennent en pleine tronche cinquante ans de politique extérieure tapageuse et méprisante. Le monde entier est derrière eux pour les soutenir dans cette épreuve. Mais l’administration Bush s’en bat les éperons et crient vengeance à tout bout de champ. Lors de l’hommage aux victimes du World Trade Center, Neil Young accompagne Vedder et McCready dans une interprétation de Long Road, digne et pleine de sobriété. S’il peut sembler étrange à première vue de voir un groupe comme Pearl Jam prendre place dans cette affiche patriotico-sentimentaliste, la suite des évènements permet d’en mieux saisir le sens. Car Pearl Jam va tirer à vue sur la politique guerrière et vengeresse de George W. Bush. Et il est difficile de traiter d’anti-Américain un groupe qui a participé à une collecte de fonds pour les victimes du terrorisme.
Première salve. Le Christmas Single de la fin de l’année est un modèle du genre. En plus d’une reprise de Gimme Some Truth de John Lennon - qui n’a jamais été autant d’actualité - la pochette rend hommage à la disparition de Joey Ramone, qui remplace sur une vue de New-York les Twin Towers récemment détruites. Deuxième salve, Riot Act. Si le septième album du groupe n’est pas forcément le plus abouti, la chanson Bushleaguer est l’occasion, en concert, d’une mise en scène plutôt originale, dans laquelle Eddie Vedder arrive affublé du masque du président américain, avant de le « décapiter » lors d’un cérémonial qui est tout sauf sérieux. Tout au long de la tournée qui s’en suit, Pearl Jam multiplie les reprises à forte connotation politique. Surtout Know Your Rights des Clash, où le « You have the right to free speech » a une résonance toute particulière dans cette Amérique bushisée à l’extrême, où la moindre critique est immédiatement soupçonné d’anti-américanisme primaire.
Dernière salve. En 2004, Pearl Jam participe au Vote For Change, qui réunit plusieurs artistes (dont le Boss, Springsteen) pour une série de concerts censés empêcher la réélection de George Bush à la fonction suprême. Pour l’occasion, Vedder, Gossard, Ament, McCready et Cameron reprennent le Masters Of War de Bob Dylan et The New World avec Tim Robbins. Mais l’attraction du gastéropode John Kerry étant proche du zéro, le président texan passe sans problème l’obstacle...
Dans le jeu "collons des étiquettes", si Vitalogy avait été l’album de la rupture, No Code celui de la transition, Yield celui de la maturité et Riot Act celui de la contestation, le huitième est celui d’un retour aux sources. Album homonyme, Pearl Jam, dont la pochette illustre un énigmatique avocat, il recèle un rock brut, efficace, qui ne s’adonne pas à de fumeux arrangements, ni à une production envahissante. Il semble d’ailleurs avoir satisfait la majorité des fans, et même ceux qui avaient un peu lâché prise depuis cinq ou six ans. Pearl Jam est heureux. Leurs concerts durent deux heures et des poussières, les setlists ne sont jamais les mêmes. Pearl Jam joue ce qu’il veut. Et le public en redemande. Alive, Even Flow, Black sont devenus des hymnes, repris en chœur par des milliers de spectateurs. Qui peuvent néanmoins toujours entendre une bonne reprise des Ramones, de Neil Young, des Who, une bonne vieille face B ou des morceaux qu’on ne croyait plus jamais entendre.
Par leur intégrité (musicale, artistique, commerciale), par leur respect envers leurs fans et par leur énergie, Pearl Jam a incontestablement imprimé sa marque dans l’univers musical de ces quinze dernières années.. « Ils me font penser à Grateful Dead, indique Bono, ils existent entièrement par eux-mêmes, ils ne dépendent ni des médias, ni des radios ». Mais ça, finalement, ils s’en foutent un peu. « Je sais comment ça se passera plus tard, exprime Eddie Vedder. On se retouvera, et Stone commencera à jouer vraiment fort pendant qu’on essaiera quand même de se dire bonjour. Quelqu’un demandera si on a quelque chose pour enregistrer. Et on s’enfermera dans une pièce, à jouer quelques chansons, et on apprendra certaines d’entre-elles, et je rentrerai à la maison, et je prendrai une bière ».
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