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par Giom le 1er mai 2005
Publié à L’Association en janvier 2005
Le livre de Jean-Christophe Menu commence par une citation des Thugs, issue d’un entretien paru dans Rock & Folk, qui en dit long sur le parallèle possible entre la situation de l’« industrie » musicale et celle de la Bande Dessinée, objet de son livre : « Dans les années 80, les alternatifs étaient là parce que le business n’y était pas. (...) Ils n’ont pas du tout vu venir la vague alternative. Alors les gens ont monté des labels, des structures et ils ont fait ça très bien. Et les groupes sont restés pendant suffisamment longtemps pour que ça commence à vendre...Les majors ont fini par tiquer : “ Les Bérus, cinquante mille !? ” Le Business s’est réinstallé. »
Véritable coup de gueule face à la production actuelle de la Bande Dessinée, à qui il a pourtant amplement permis (avec sa maison d’édition indépendante L’Association [1]) de se renouveler et qui subit maintenant les foudres d’un corporatisme (Casterman, Dupuis et toutes ces « grandes » maisons d’édition qui ne feront bientôt qu’une [2]) à l’esprit récupérateur et à l’éthique éditoriale assez limitée.
Le panorama catastrophique que dresse J-C Menu peut sembler parfois un peu exagéré et extrême car il vient d’une personne incroyablement investie et aux attentes très révolutionnaires face à d’autres acteurs qui ont plus pour objectif les bénéfices financiers que la reconnaissance artistique de la Bande Dessinée. Il n’empêche que l’analyse historique de Menu est souvent pertinente, stigmatisant la production des dernières décennies au format de base 48 pages cartonné couleurs qu’il rebaptise, depuis l’arrivée en force du créneau Heroïc Fantasy, le 48CCHFKK (quel sens de la phonétique !) Menu replace donc le travail de L’Association, depuis sa création en 1990, comme la première entreprise de remise en cause de ce format.
Seulement voilà, depuis plusieurs années, le corporatisme à riposté, copiant l’Avant-Garde qui s’était alors développée, en créant leurs propres collections qui se voulaient les copies légitimes des travaux des maisons d’édition indépendantes qui, il est vrai, commençaient à avoir du succès, donc à devenir intéressants pour les businessmen de la BD. En plus de cela, ces maisons minent le terrain en publiant des magazines qui tentent d’instaurer une « peopleisation » des auteurs de Bandes Dessinées inacceptable pour Menu qui hurle devant l’infâme BD Magazine, torchon dont la particularité consiste parfois à publier des photos d’auteurs presque à poil en vacances.
C’est dans ce contexte, qu’il juge catastrophique, que Menu publie Plates-bandes, rédigé durant le dernier festival d’Angoulême, unique remise en questions d’un système dont les médias généralistes vantent pourtant la bonne santé. Bonne santé financière, certes, mais au niveau qualitatif, cela reste à voir, répond Menu (même si pour lui, c’est déjà tout vu !)
Une chose est sûre, la présence d’une personne comme J-C Menu fait du bien à la Bande Dessinée et on se rend vite compte que son livre peut s’adapter à tous les secteurs artistiques représentant un intérêt financier.
Enfin, on ne résiste pas à citer des exemples du style ironique et mordant de l’auteur juste pour son sens de la pointe stylistique :
« Ce n’est pas à moi de dire si L’Association a été ou est encore une Avant-Garde réussie...Je peux juste dire que l’Avant-Garde, si tant est que ce mot ait un sens, ne saurait être “soft” que dans les plus misérables projections marketing. Un peu comme quand Picasso a fini par devenir un nom de voiture. »
A propos de la première génération d’auteurs indépendants dans les années 60 : « Ils furent la première génération récupérée. Bien sûr, cela ne concerna pas que la Bande Dessinée : tout fut récupéré, banalisé et édulcoré. Le Punk de 1977 reste à ce jour, le dernier mouvement contestataire de grande ampleur, ce qui ne semble affoler personne. »
« Craig Thompson (tout comme le Larcenet du Combat ordinaire) est un vulgarisateur type. Il a la virtuosité pour lui, mais à la différence d’un Blutch, qui s’interroge sur quoi en faire, Thompson l’étale comme de la confiture. Craig Thompson confond sensibilité et sentimentalisme et rien n’est plus facile à faire partager que la complaisance. Blankets [3] est le produit rêvé pour la récupération. C’est U2 sur le disque duquel on colle un sticker “rock”. Au cas où... »
Qui écrira le Plates-bandes de la musique ? Et que l’on ne me dise pas qu’il n’y a pas la matière !!
[1] Maison d’édition de Bande Dessinée indépendante créée en 1990 par six auteurs : David B., Lewis Trondheim, Stanislas, Killoffer, Mattt Konture et J-C Menu
[2] L’année dernière, le groupe d’édition Media Participation, qui possédait déjà Dargaud-Lombard, rachetait Dupuis
[3] Bande Dessinée de Craig Thompson publiée chez Castrerman en 2004
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